M6 et les superwalis

21 décembre 2006 - 17h06 - Maroc - Ecrit par : L.A

Le 30 septembre 1976, au lendemain de la Marche verte organisée en vue de récupérer pacifiquement les « provinces du Sud » occupées par les Espagnols, Hassan II avait fait adopter une Charte communale qui donnait le coup d’envoi de sa politique de décentralisation. Trente ans après, alors que le plan marocain d’autonomie du Sahara vient tout juste d’être rendu public, Mohammed VI a lancé, le 12 décembre à Agadir, lors de l’ouverture des Rencontres nationales des collectivités locales, une nouvelle réforme de l’organisation territoriale du Makhzen (l’État chérifien) : la régionalisation.

« Sans exagération, on peut parler d’un nouveau “chantier du règne”, commente un haut fonctionnaire du ministère de l’Intérieur. Pour accroître l’efficacité de l’action publique, il s’agit de donner davantage de pouvoirs aux instances locales et de déléguer un grand nombre de prérogatives de l’État aux unités territoriales régionales. Villes et régions doivent être des locomotives du développement. La tradition centralisatrice héritée du protectorat français provoque des dysfonctionnements qui handicapent le Maroc dans la compétition internationale. Politiquement, même si les deux dossiers ne sont pas liés, l’annonce royale est opportune. Elle désamorce la jalousie que les autres provinces auraient pu éprouver à l’égard du statut privilégié dont bénéficiera bientôt le Sahara. »

L’idée n’est pas nouvelle. Dans le passé, Hassan II avait déjà envisagé de créer des unités administratives comparables aux länder allemands. Cette fois, il s’agit de passer de la parole aux actes. Le roi ayant donné les grandes orientations, c’est Chakib Benmoussa, son ministre de l’Intérieur, qui est chargé de piloter la réforme en s’efforçant d’y associer élus locaux et associations. Les prérogatives des seize walis provinciaux vont être considérablement renforcées. Coordonnateurs des services extérieurs de l’État, à l’instar des préfets français, ils n’avaient pas jusqu’à présent le pouvoir d’engager des dépenses. La réforme va les doter d’un budget qu’ils géreront en toute autonomie.

La vérité est que les walis constituent l’instrument privilégié du dépoussiérage du Makhzen entrepris par Mohammed VI. Dans le passé, ils n’étaient souvent que de simples licenciés en droit des universités marocaines. Aujourd’hui, ils sortent des meilleures écoles françaises ou américaines. Jeunes, polyglottes, fonceurs, ils ont déjà fait leurs preuves dans le privé, possèdent de solides réseaux et disposent d’un accès direct au Palais. On leur doit quelques-unes des plus belles réussites du nouveau règne : l’essor de Marrakech et le développement des provinces du Nord. Si la déconcentration va à son terme - selon une indiscrétion, la réforme sera bouclée avant les législatives de l’automne 2007 -, cette technostructure régionale est appelée à s’émanciper de plus en plus du contrôle gouvernemental. L’action publique devrait y gagner en efficacité, mais la démocratie y trouvera-t-elle son compte ? Contrairement aux élus, les supergouverneurs ne tirent pas leur légitimité du suffrage universel, mais de leur nomination par le roi…

Jeune Afrique – Samy Ghorbal

Bladi.net Google News Suivez bladi.net sur Google News

Bladi.net sur WhatsApp Suivez bladi.net sur WhatsApp

Sujets associés : Mohammed VI - Administration

Ces articles devraient vous intéresser :

Le Maroc redessine son modèle de développement autour de la justice sociale

Le Maroc a engagé une refonte de son modèle de développement, une orientation stratégique détaillée par le roi Mohammed VI lors de son discours du 29 juillet. L’objectif affiché est de faire de la justice sociale et de la réduction des inégalités...

Le Roi Mohammed VI célèbre le « sacre continental bien mérité » du futsal féminin

Le Roi Mohammed VI a adressé un message officiel de félicitations à l’équipe nationale féminine de futsal, suite à sa victoire, mercredi à Rabat, lors de la Coupe d’Afrique des Nations (CAN) 2025 de la discipline.

Salaires : bonne nouvelle pour les fonctionnaires marocains

La deuxième tranche de l’augmentation générale des salaires dans la fonction publique au Maroc sera versée à la fin du mois de juillet. L’information a été confirmée par Mustapha Baitas, le porte-parole officiel du gouvernement, lors de la conférence...

Maroc : des ventes clandestines de moutons malgré l’appel du roi Mohammed VI

À quelques jours de la célébration de l’Aïd al adha, la prolifération anarchique de points de vente saisonniers de moutons dans les faubourgs de Salé pousse les autorités locales à déployer des commissions de contrôle dédiées aux marchés, permanents ou...

La voiture marocaine “NamX” s’attaque au marché américain

NamX, le constructeur automobile fondé par Faouzi Annajah, débarque aux États-Unis ! Après avoir fait ses armes en Europe et au Maroc, l’entreprise s’attaque au marché américain avec sa technologie révolutionnaire : des capsules d’hydrogène.

Au Maroc, les élèves fêtent la fin d’année scolaire en déchirant leurs cahiers

Au Maroc, des scènes des élèves déchirant leurs cahiers et livres pour annoncer la fin de l’année scolaire, se sont reproduites.

Maroc : les parlementaires traqués

Au Maroc, le bureau de la Chambre des représentants renforce la traque contre les députés absentéistes en faisant installer des caméras de nouvelle génération dans l’enceinte de l’institution.

Le fisc marocain fait la chasse aux terrains non bâtis

Les walis et gouverneurs ont reçu des consignes pour accélérer la mise à jour des registres fiscaux relatifs aux terrains urbains non bâtis. Ces instructions font suite à la découverte de cas d’exemptions temporaires indûment accordées à certains...

Les fonctionnaires marocains abusent-ils de leurs avantages ?

L’association marocaine pour la protection des biens publics invite le ministère de l’Intérieur à mettre fin à l’utilisation à des fins personnelles des véhicules de l’État par les élus et fonctionnaires publics.

Annulation de l’Aïd Al-Adha au Maroc : coup dur pour les « chennaqas »

L’annulation par le roi Mohammed VI du rituel du sacrifice de l’Aïd Al-Adha ne fait pas que des heureux. Les « chennaqas » (intermédiaires et spéculateurs des secteurs de l’agriculture et de la pêche) se trouvent en difficulté.