Pour l’émigré marocain qui a trouvé un emploi et un meilleur niveau de vie à l’étranger, et qui y a élevé ses enfants, rentrer au pays est une démarche souvent perçue comme risquée.
"C’est déjà assez dur comme ça de s’en sortir en France", estime Djaouad Ouargo, un ingénieur de 21 ans vivant à Paris.
"Si je repars de zéro ici, ce sera plus dur." Mohamed Bouïakaf, 62 ans, possède une boutique à Paris. Il est ""content que le gouvernement prenne le problème à bras-le-corps".
"On voit bien que beaucoup de choses s’améliorent ici", estime-t-il. Pour lui, le problème est autre. "Je suis un étranger en France, mais pas mes enfants. Ils ont un bon travail. Pourquoi partiraient-ils ?" Selon un rapport officiel publié cette année, le Maroc devra créer 400.000 emplois par an au cours des dix prochaines années pour éviter un chômage massif, notamment parmi les jeunes diplômés.
Le gouvernement essaie de relancer la croissance en adoptant des réformes encourageant les investissements et en renforçant le secteur bancaire afin de faire baisser les taux de crédit.
Les investissements étrangers sont en pleine expansion, grâce notamment à des projets touristiques et immobiliers à grande échelle, mais les expatriés rechignent à investir dans des entreprises plus modestes mais créatrices d’emploi.
Méfiance
Quelque 22,5 milliards de dirhams (2,58 milliards de dollars) ont été envoyés au pays au premier semestre 2006, soit 24% de plus que l’année précédente, mais la majeure partie de ces fonds est allée aux familles ou à la construction de résidences secondaires.
De nombreux émigrés marocains hésitent à se lancer dans les affaires dans leur pays par crainte de lourdeurs administratives. Ils redoutent aussi qu’il ne faille pour réussir disposer d’un solide réseau de relations commerciales et politiques.
"Ces réticences se fondent sur une image totalement dépassée", juge Djelloul Samssème, président du centre d’investissements de la région Nord.
Selon lui, tout investisseur désireux de monter une entreprise peut obtenir tous les documents nécessaires et au même endroit en 48 heures.
Lors de conférences annuelles organisées chaque été pour attirer les émigrés rentrés au Maroc pour les vacances, les autorités tentent de convaincre ces derniers que les procédures de création d’entreprise ont été simplifiées. Elles mettent aussi en avant la chute des taux d’intérêt et les incitations fiscales, ainsi que les aides de l’Etat pour l’achat de terrains.
"C’est vrai que des problèmes subsistent mais nous faisons de notre mieux pour les résoudre", assure Nezha Chekrouni, ministre chargée des Marocains vivant à l’étranger, interrogée par Reuters.
"Nous voulons mettre en place de nouveaux instruments qui assisteront les Marocains vivant à l’étranger dans leurs projets d’investissement, notamment un fonds d’investissement." Kamal Lahsen, 35 ans, travaille dans une plantation de salades en Espagne, et se dit prêt à rentrer au Maroc. Il dit que ses enfants, qui ne parlent que l’espagnol, auront peut-être du mal à s’adapter, mais il souhaite être près de sa famille.
Mais pour Djaouad, un ouvrier du bâtiment, ce n’est pas aussi simple. "Mon père avait une entreprise ici, il faisait de l’aménagement de magasins, mais il a fait faillite à cause de la corruption", dit-il. "Au Maroc il faut débourser beaucoup d’argent pour trouver de nouveaux clients et il a fini par ne plus pouvoir payer ses employés."
Tom Pfeiffer - Reuters