Maroc/France : Rééquilibrage en vue

9 octobre 2007 - 01h31 - France - Ecrit par : L.A

Nicolas Sarkozy veut reformer de fond en comble la politique étrangère de la France. D’abord il veut rompre avec l’anti-atlantisme feutré hérité du grand De Gaulle, ensuite il change de priorité, la sienne ce sont les pays émergents, pas les petits dragons, l’Inde et la Chine. Ce recentrage met le Maghreb et l’Afrique en général en arrière-plan. Par rapport au Maghreb, le nouveau président français a fait un geste en lui réservant une visite juste après son installation. Le Maroc avait, poliment mais fermement, opposé une fin de non-recevoir à cette diplomatie des aéroports, incompréhensible en dehors des temps de crise.

Comme promis à l’époque, le nouveau président français effectue une visite au Maroc plus conforme au statut des relations entre les deux pays. Pour le reste, le contexte a réellement changé.

Dépassionner les relations

La diplomatie algérienne utilise le passé colonial français comme un argument actuel. Les frictions sont nombreuses, sans que cela débouche véritablement sur une avancée des dossiers algériens à Paris. Le Maroc, lui, est sur une autre ligne. Sa diplomatie n’a eu de cesse de réclamer la normalisation des relations autour des intérêts bien compris des deux nations. Dans ce contexte, Rabat est plus à l’aise avec le nouveau virage de la diplomatie française. Ce ne sont plus les relations passées qu’on met en avant, mais les réalisations du pays, les opportunités pour la France et surtout le poids stratégique dans la région. Sur ce dernier point, beaucoup d’analystes sont allés trop vite en besogne, ils ont déclaré que la nouvelle France était plus intéressée par le potentiel économique de l’Algérie. Même si elle était réelle, cette tentation comme pour les Américains, bute sur la réalité. Le voisin de l’Est avec ses richesses n’offre ni la stabilité, ni la réelle volonté d’ouverture, les privatisations ayant tourné court, ni les capacités du management Idoine. Et il n’y a aucune chance que le retard soit rattrapé à moyen terme. Sur le dossier du terrorisme, le Maroc démontre son efficacité et sa fermeté, quand en Algérie le convoi présidentiel est attaqué.

Sarkozy est obligé de tenir compte de ces considérations dont ses conseillers remplissent leurs notes. Le Maroc le sait et traite d’égal à égal, sans aucune référence à des éléments subjectifs.
Paris est aussi tenu de prendre en considération les réalités économiques. Hors les hydrocarbures. L’Algérie n’offre rien aux Français.
Les contrats les plus juteux, sur les dix dernières années ont atterri ailleurs.

Par contre le monde économique de l’hexagone porte un regard sympathique sur le Maroc et son évolution. Les entreprises françaises annoncent des investissements très importants au Maroc, Vivendi, Accor, Renault, Thomson, le secteur bancaire dans les transports, l’agro-alimentaire, les projets se multiplient. Cette fois sans passe-droits ni intervention de la diplomatie des deux Etats. Les intellectuels français eux aussi montrent de l’intérêt au Maroc. Le royaume, longtemps suspect parce que la monarchie, a fini par convaincre de la matérialité de son expérience démocratique, de la sincérité de son choix d’ouverture et de modernité. Le nombre de Français à Marrakech, à Essaouira à Tanger, à Ouarzazate est croissant. La France qui bouge redécouvre le Maroc avec boulimie mais condescendance. Ce n’est plus l’hospitalité Marocaine qu’on met en avant mais l’art de vivre.

Toute une transformation qu’on n’a même pas suivi, dont on n’a pas la traçabilité mais qui est réelle.

Les nouveaux challenges

Cette embellie s’appuie donc sur les réalisations du Maroc, accélérées par le nouveau règne. Le Maroc d’aujourd’hui a d’autres arguments à faire valoir que ceux d’une chasse gardée. La preuve en est que son choix s’est porté sur les F16 plutôt que les rafales et que les capitaux arabes arrivent en force dans des secteurs où le capital français était bien présent. Les sujets de coopération, dans ce contexte rénové ne manquent pas, ce sont pourtant les sujets politiques qui vont dominer les entretiens.

Sarkozy propose une vision de la coopération avec les pays méditerranéens du sud très théoriques. Le Maroc lui attend de la présidence française, de l’Union Européenne un pas en avant vers un statut avancé, qui dépasse l’accord d’association. Rabat a besoin du soutien français dans une Union Européenne dont l’élargissement a tiédi les ardeurs pro-Sud. Le Maroc est pourtant l’élève modèle sur toute la ligne : émigration clandestine, terrorisme, trafic de drogue etc… les efforts sont reconnus par les techniciens de Bruxelles.

Le Sahara sera sûrement au menu. Ce qui prime maintenant dans ce dossier. c’est la stabilité de la région, surtout, depuis qu’aux frontières du Sahara, Al Qaïda a installé un no man’s land des plus menaçants. La proposition Marocaine permet de solutionner le problème, l’attitude algérienne n’a plus d’appuis chez les grands de ce Monde. La France doit trouver le moyen d’aider à amener Alger sur le sentier de la paix. Elle en a d’abord une obligation morale puisqu’elle maîtrise l’histoire de la région et celle du conflit. Elle en a ensuite l’obligation en tant que grande puissance attachée à la sécurité du Monde. L’émigration aurait pu être un sujet qui fâche au vu des dernières mesures du gouvernement Fillon. Gageons que Rabat n’en fera pas un point central. La nouvelle logique de la diplomatie Marocaine est de ne rien quémander. La défense des migrants respectant la souveraineté des Etats-tiers.

Sarkozy voulait faire de son mandat celui de la réforme et de la rupture, pour les relations Maroco-Françaises il est servi. Il devra traiter d’égal à égal, sur des dossiers techniques. Après s’il veut venir se reposer à Essaouira, il sera bien accueilli quand il veut. Les Marocains en mûrissant n’ont pas oublié les bonnes manières. Les nouveaux amis des partis socialistes DSK, Hubert Vedrine et bien d’autres lui seraient d’un grand secours pour « bachoter » le Maroc d’aujourd’hui.

Gazette du Maroc - Jamal Berraoui

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