Les Marocains d’Espagne, première victime de la crise

17 juin 2009 - 00h51 - Espagne - Ecrit par :

C’est le temps des vaches maigres à Madrid. Tourisme, construction et automobile, entre autres, battent de l’aile, ce qui fait perdre des dizaines de milliers d’emplois. Les Marocains sont concernés au plus haut point.

Madrid étouffe sous le poids de la crise. Avec des chiffres alarmants touchant des secteurs clés comme le tourisme, l’immobilier ou l’automobile, l’économie espagnole écope et figure parmi les plus touchées d’Occident. Signe révélateur, certains hôteliers recourent à l’escroquerie pour s’en mettre pleins les poches en faisant de la publicité mensongère sur internet.

Annonçant monts et merveilles, exigeant un paiement à l’avance par carte de crédit et mettant en garde contre tout retard sous prétexte que l’hôtel peut afficher complet à tout moment, on constate à l’arrivée que l’établissement en question est vide comme le désert de Gobi et aussi minable qu’une posada de l’ère de Cervantès. Une véritable horreur bien située à 71 euros (800 dirhams) par jour en basse saison. De quoi bénir l’opération “Kounouz Biladi” ! Et avec ça, bonjour les louches fréquentations nocturnes.

Après un repos rendu impossible à cause de la pollution sonore, un petit tour du côté de la Place d’Espagne et de la Gran Via finit par nous renseigner. Partout, les appartements affichent des Se alquila -A louer- ou des Se vende -A vendre- là où personne n’avait de temps à vous consacrer et où la liste d’attente était aussi longue qu’un séquoia.
Désormais, on part à la recherche du client au lieu de l’attendre, tout en lui proposant des prix pouvant être 20% inférieurs par rapport à 2007, ce qui n’est certes toujours pas donné. Il n’en demeure pas moins qu’un parfum de crise flotte dans l’air de la capitale espagnole et les annonces publiées dans la presse ibérique en témoignent. Séjours d’hôtels bradés et promotions s’étendant à longueur d’année -ce qui aurait été impensable il y a deux ans à peine-, offre délirante d’appartements à vendre partout en Espagne et campagnes publicitaires agressives des constructeurs automobiles pour limiter les dégâts. Tels sont les ingrédients d’une crise palpable et d’une ampleur sans précédent.

Au milieu de ce sombre tableau, comment s’en sort la communauté marocaine de Madrid ? Très mal. C’est que la construction et le tourisme constituent en quelque sorte des débouchés naturels pour les ressortissants marocains en situation légale. Pour la construction, on ne compte pas le nombre de chantiers où les travaux sont suspendus sine die à cause de la faillite de nombreux entrepreneurs et qui peut aboutir devant les tribunaux. Or, ce secteur névralgique de l’économie espagnole emploie une main d’œuvre marocaine massive et cette crise tombe vraiment mal puisqu’elle expédie de facto des milliers de Marocains au
chômage.

Corvée

Dans un petit restaurant situé dans la Gran Via, nous avons croisé durant notre séjour le jeune Adil, originaire de Tétouan et qui compte une expérience de six ans dans le secteur de la construction. Atout considérable en temps normal puisque les chantiers s’arrachent les gaillards ayant l’expérience de Adil et les rétribuent assez confortablement. Malheureusement, les travaux ont été suspendus dans le chantier où il trimait huit heures par jour. Il s’est retrouvé avec des allocations de chômage, certes avantageuses, mais mieux vaut prendre un certain nombre de précautions en temps de crise. Du coup, il s’est rabattu sur le restaurant en question où il se fait des rentrées supplémentaires… non déclarées.

« Je suis obligé de me démener comme un beau diable pour économiser des sous car j’ignore de quoi le lendemain sera fait. Chaque jour, je me dis que ma situation en tant que serveur dans ce restaurant est provisoire, mais ça peut durer. Je mets donc tous les atouts de mon côté en prévision d’un éventuel retour au Maroc si la crise perdure. J’ai quelques projets en tête et j’ai chargé mon frère resté à Tétouan de faire une petite étude de marché pour voir si une affaire d’importation d’articles sport bon marché peut trouver une bonne clientèle »

Impact

Dans l’hôtel où nous nous sommes fait rouler, Saïd, également natif de Tétouan, broie du noir. Réceptionniste, il a vu son nombre d’heures de travail fondre comme neige au soleil, ce qui implique naturellement des rentrées en moins. Il n’est pas dupe. Il sait très bien que l’administration de son hôtel qui affiche sans vergogne “deux étoiles” sur un site internet cherche à le virer aussitôt que possible. Pour ce faire, non seulement elle a revu le nombre d’heures de son réceptionniste à la baisse, mais elle lui a collé en plus la corvée du travail de nuit. Autant dire que tous les moyens sont bons pour flanquer le personnel à la porte en ces temps de vaches maigres.

Pour Saïd, comme pour Adil, les temps sont donc durs, mais leur situation demeure enviable du moment qu’ils possèdent leur carte de séjour. Par contre, pour les autres, c’est à dire les sans-papiers, c’est la galère. Souvent ouvriers des champs, marchands ambulants ou plongeurs dans des bars de fortune, ils ne bénéficient d’aucune couverture en cas de licenciement. En plus, même leurs petits boulots ingrats, jadis boudés par les Espagnols, sont désormais prisés puisque l’impact de la crise n’épargne plus personne. A voir le nombre de mendiants et mutilés allongés à même le sol le long de la Gran Via, on comprend mieux que le temps des vaches maigres peut durer.

Source : Ismaïl Harakat - Maroc Hebdo International

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Sujets associés : Espagne - Emploi - Crise économique - Mendicité

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