La trajectoire ascendante entamée par le tourisme marocain depuis janvier se poursuit à fin juin. En témoignent les recettes enregistrées. Il en est de même pour les transferts des Marocains résidant à l’étranger (MRE).
Les nouvelles destinations de l’immigration marocaine drainent de plus en plus de transferts. Elles risquent de détrôner les pays d’accueil traditionnels. L’Espagne, par exemple, où s’établit la deuxième communauté marocaine en Europe avec plus de 378.000 personnes, est devenue une source prépondérante de devises.
Les flux se chiffrent à 3,4 milliards de DH (392 millions d’euros), soit 13,65% du total des fonds transférés à partir de l’Europe (31,5 milliards de DH). A première vue, cette somme paraît dérisoire comparée à la taille de la communauté marocaine en Espagne. Mais elle occulte des fonds colossaux transférés par les émigrés clandestins. Pour autant, l’étude de la BEI (Banque européenne d’investissement) prévoit la recrudescence des transferts à partir de la péninsule ibérique, en raison notamment de la croissance rapide de la communauté marocaine. A terme, elle devrait dépasser celle de la France.
« Les Marocains font preuve de beaucoup de générosité et d’altruisme à l’égard de leurs familles restées au pays », constatent les rédacteurs de l’étude, qui consacre une partie entière aux transferts entre les deux pays voisins. En effet, chaque immigré envoie en moyenne entre 1.117 et 1.675 euros par an à sa famille, soit trois fois le salaire moyen mensuel en Espagne. Ce constat ne se limite pas aux premières générations établies en Europe depuis les années 60. Il s’applique également aux jeunes issus de l’immigration, et surtout aux immigrés récemment installés dans les nouvelles destinations (Espagne, Italie...). Les MRE se classent ainsi au deuxième rang en termes de transferts de fonds à partir de l’Europe après les Turcs, première communauté étrangère établie dans le vieux continent.
Les Marocains d’Espagne sont pour la plupart en âge d’activité (entre 25 et 32 ans), mais pour leurs transferts, ils recourent à des circuits informels. Résultats : l’économie marocaine ne profite pas de cette manne. Ainsi, 35% d’entre eux financent leurs familles par courrier ou confient leur argent à des personnes qui rentrent régulièrement au Maroc.
En dehors des circuits informels, les Marocains d’Espagne privilégient les organismes de transfert d’argent (MTO). Ils y voient un moyen rapide et sécurisé en dépit de son coût relativement élevé (entre 2,05 et 2,2% de la somme transférée). Les leaders incontestables de ce créneau sont Western Union et Money Gram, qui bénéficient de réseaux étendus dans les régions des deux royaumes. Ces entreprises partagent avec la Poste 49% de part de marché. Mais la Poste est boudée par la communauté MRE à cause de la lenteur et l’insécurité des transferts. Le coût du service postal se situe entre 1,1 et 6,3% de la somme transférée pour un délai qui atteint jusqu’à 6 jours.
Par ailleurs, la faible bancarisation des immigrés et leur situation généralement irrégulière ne leur permettent pas d’utiliser le circuit bancaire. Seuls 16% des interviewés lors de l’étude ont déclaré y avoir recours. Pourtant, les banques espagnoles offrent la possibilité d’effectuer des virements électroniques ou même téléphoniques. Mais seuls les Latinos-Américains en profitent. Ces services sont facturés entre 1 et 8,8% du transfert. Côté marocain, la Banque Populaire effectue 60% des transferts grâce à un réseau concentré dans les destinations traditionnelles. En Espagne, elle est liée par un partenariat avec la Caixa. Mais le réseau est peu exploité par la communauté marocaine.
Côté emplois, les transferts des MRE sont essentiellement destinés aux dépenses quotidiennes de consommation et au financement des études. La tranche investie est globalement destinée à la construction d’une résidence. Seuls 5% des fonds sont destinés à des investissements créateurs d’emplois et de valeur ajoutée.
Investir oui, mais...
EN matière d’investissement, la culture traditionnelle prime chez les MRE. Après de longues années de labeur, leur principal souci est de construire une habitation ou acheter un terrain agricole au bled. L’étude de la BEI révèle que 84% des dépenses d’investissement des MRE sont affectées à l’immobilier et 7,5% à l’agriculture. Cependant, les nouvelles générations expriment une volonté accrue d’investir dans des secteurs plus porteurs comme le tourisme, l’industrie et le commerce. Plusieurs success stories sont d’ailleurs à mentionner dans ces domaines. Cette communauté exprime même un intérêt pour la bourse ou les hautes technologies. Toutefois, ces jeunes sont encore réticents à investir dans leur pays d’origine. Une étude menée à l’Insea et reprise dans le rapport de la BEI indique que les principaux freins aux investissements des MRE sont d’ordre administratif (42% des interviewés). Les difficultés d’accès aux capitaux sont citées par 18%, la corruption et la fiscalité par 13% d’entre eux.
Nouaïm Sqalli - L’Economiste
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