Ces CME (Citoyens marocains à l’étranger), comme ils ont choisi de se désigner, appellent à la tenue d’élections parlementaires apolitiques dans leur cas. « L’idéal serait une législature de 2007 exceptionnellement sans partis politiques pour le cas spécifique des CME », lit-on dans le texte. Plus loin, le Congress propose même que « les députés CME soient exceptionnellement élus pour la législature de 2007 à partir des membres élus du Conseil supérieur de l’immigration ». Motif ? « Aujourd’hui, l’enjeu posé par les législatives de 2007 agit comme une sorte de catalyseur poussant les partis à multiplier les initiatives et les approches afin de reconquérir le terrain perdu. Se posent alors les questions de la pertinence des programmes partisans et du poids réel des partis au sein de la communauté », explique-t-on au Congress. Ce dernier considère, étant donné qu’il s’agit d’une première expérience de participation politique pour la grande majorité de la communauté marocaine à l’étranger, que les partis manquent de temps pour reconquérir le terrain et renouveler leurs cadres à l’étranger.
Idem pour les jeunes générations qui ont besoin de connaître l’espace politique marocain. De même, le Congress appelle fermement les services consulaires et les ambassades à rester neutres, et par ricochet les amicales à rester à l’écart du processus.
Silence radio depuis le discours royal du 6 novembre 2005
Cette proposition intervient alors que les partis marocains se concentrent sur la loi électorale de 2007. En fait, il y a un certain temps déjà que l’impatience grandit chez les MRE, d’autant plus que ces derniers ne voyaient rien venir ni du côté du gouvernement ni de la scène politique concernant l’application des droits de vote annoncés lors du discours royal du 6 novembre 2005.
Certes, il y avait eu ce projet de dahir portant création du Haut conseil des MRE qui a circulé sur Internet. Présenté comme une fuite mais aussi comme un vieux brouillon par le ministère chargé des MRE, certains considèrent ce document comme un test destiné à prendre la température de l’opinion publique sur ce thème.
Enfin, si une poignée de partis avait bien commencé à plancher sur la question, ils se donnaient jusqu’à septembre pour peaufiner leurs propositions, alors que le vote des MRE devrait normalement être détaillé dans la loi électorale dont on annonce le vote d’ici juillet 2006.
L’affaire devenait d’autant plus urgente que le poids démographique de cette communauté, et les délais imposés par leur éloignement géographique en cas d’élections, amènent certains à suggérer que leur vote se déroule avant celui du reste du pays.
Mais, la demande du Congress est-elle juridiquement applicable ? Si l’on voit difficilement comment les partis pourraient être éloignés de l’élection d’une instance politique par définition, les MRE peuvent toujours choisir de se faire représenter par des « sans appartenance politique », à condition que ces derniers y soient autorisés par la loi électorale, explique en substance Najib Ba Mohamed, vice-président de l’Association marocaine de droit constitutionnel.
Pour justifier cette situation, le Congress met en avant le côté apolitique de la diaspora marocaine, argument qui pose problème. En effet, cette communauté comprend de nombreux anciens militants de gauche qui avaient quitté le Maroc durant les années de plomb. Beaucoup d’autres, installés de longue date, jouent aujourd’hui des rôles politiques plus ou moins importants dans leurs pays d’accueil. Dans cette situation, « étant donné l’éventail politique au Maroc, on ne peut pas dire que certains ne se reconnaissent pas dans telle ou telle couleur politique », s’étonne Abdelkrim Belguendouz, spécialiste de la question de l’émigration.
Il s’agit peut-être d’un problème de communication
Autre argument surprenant, le Congress avance que « le contexte politique européen ne se prête pas à une présence apparente des formations politiques marocaines ». Il dit craindre que l’application du droit de vote des MRE ne soit considérée comme une ingérence dans les affaires politiques des pays d’accueil. Le problème est réel, mais il se situe peut-être ailleurs, comme l’explique Mustapha Adhar, président de l’association hollandaise Vice versa, qui voit dans le droit de vote « un moyen de construire un pont entre notre pays et celui où nous vivons ». Il s’agit selon lui de renforcer le lien de confiance qui s’est progressivement établi entre la communauté à l’étranger et les représentants officiels du Maroc, en rassurant les gens concernant la transparence des élections, mais aussi sur leurs droits. Il s’agira également de dialoguer avec les communautés à l’étranger en prenant en compte les différences liées à leur cadre de vie, mais aussi au niveau des générations, des sexes et des langues. En somme, un lourd travail de communication, qui revient en premer lieu... aux partis.
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