MRE-France : Ils auront leurs députés... mais il faudra patienter !

19 juin 2006 - 20h02 - Maroc - Ecrit par :

Pierre Bédier, député de la Ve République française, à Mantes-La-Jolie, livre son point de vue sur la participation des Marocains résidents à l’étranger (MRE) aux législatives marocaines 2007. Il s’exprime également sur le rôle de cette communauté à Paris, sa lecture de l’après-émeutes dans les banlieues, son opposition au droit de vote des étrangers, sa définition de l’intégration réussie...

Fidèle lieutenant de Jacques Chirac pour qui il voue une amitié aussi ancienne que solide, Pierre Bédier, « Umpiste » comme Nicolas Sarkozy, ne partage pas pour autant certaines positions et encore moins ses déclarations sur l’immigration « choisie et non subie » du Capt’ain Sarko. Choc des générations ou vieille rancune liée au ralliement de Sarkozy à Edouard Balladur lors des présidentielles de 1995 ?

L’Economiste : Que pense l’élu local et le parlementaire de la présence de MRE français siégeant au Parlement de Rabat ?
• Pierre Bédier : MRE ?! C’est quoi ?

C’est le sigle qui veut dire Marocains résidents à l’étranger.
• OK. Je ne suis ni choqué ni opposé à la tenue d’élection qui favoriserait la représentativité politique au Maroc. En France, ce processus existe avec l’organisation d’un scrutin où les Français expatriés votent pour des conseillers qui élisent des sénateurs, et ces derniers participent au débat dans l’enceinte du palais du Luxembourg. Ils apportent leur regard critique et constructif sur la législature nationale. C’est un plus !

Votre position est-elle influencée par la difficulté pour cette communauté d’avoir des maires ou des députés issus de l’immigration ?
• Pas du tout. Je pense que le Maroc ne peut que profiter « positivement » de la présence de forces vives pour asseoir son développement et l’inscrire dans la durée. Le XXIe siècle sera celui des migrations avec des échanges poussés qui vont se multiplier. Nous devons nous considérer comme des citoyens du monde. Le monde a changé ! Les canaux de communication sont de nature à booster l’information par une accessibilité et une immédiateté pour le plus grand nombre, et ce, à travers la planète.

Un MRE a-t-il des chances de devenir le premier député de la République française en 2007 ?
• Pour ce qui est de la deuxième génération, on en fera des élus à la proportionnelle mais pas au scrutin uninominal. Aujourd’hui, un MRE ne peut pas être élu député dans une circonscription. Néanmoins, je pense que pour la troisième génération ce sera possible car le terme « intégration » disparaîtra du paysage avec l’émergence et le positionnement de la 3e et la 4e génération.

Etre intégré, c’est quoi au juste ? Quel est le gage d’une intégration « réussie » ?
• La maîtrise de la natalité ! Il faut qu’elle correspond à celle des familles « françaises ». La projection que l’on se fait du monde se fait au travers des enfants. Si le monde a changé, l’Hexagone aussi. Les procédés pour favoriser l’intégration de la 1re génération sont dépassés car de l’eau a coulé sous les ponts depuis « vos ancêtres les Gaulois ». A cette époque, il n’y avait pas de place pour la différence, chacun s’efforçait de rentrer dans les rangs pour ne pas être exclu. La France est aujourd’hui une mosaïque où les cultures s’expriment comme le Ramadan, le recueil dans les lieux de culte...

Il n’en reste pas moins que les politiques ont tenté de « franciser » cette communauté au travers de l’assimilation qui exige l’abandon de sa culture, de ses traditions...
• L’assimilation a été un échec cuisant. Comment pouvait-on expliquer que vous êtes Français depuis Vercingétorix. Un jour Jacques Chirac m’a demandé si l’intégration était plus complexe de nos jours qu’il y a un siècle. Je lui ai répondu ne pas savoir car je n’étais pas présent à ce moment-là.

C’est donc un échec de la Ve République.
• Ce n’est pas l’échec de la République mais celui du monde occidental et de ses modèles comme le capitalisme, Coca-Cola...

Accorder le droit de vote aux étrangers qui remplissent les « critères requis » aux élections locales (municipales, cantonales) pourrait être un modèle gagnant.
• Je suis contre le droit de vote aux immigrés. Qu’est-ce qui caractérise un Français ? Ce n’est pas sa couleur de peau ni sa religion mais le bulletin de vote. Le jour où tout le monde aura un bulletin de vote, il n’y aura plus de Français ! Par contre, je suis favorable à ce que Hassan ou Khadija puissent jouir de la nationalité française à leurs demandes et s’ils remplissent tous les critères, au bout de 6 mois et non au terme d’un processus de 3 ou 4 années comme c’est le cas actuellement.

Et le message exprimé lors de la crise sociale des banlieues.
• Il est identique à celui du mouvement anti-CPE. La jeunesse n’a pas sa place. Chômage, angoisse, colère,... face à une société égoïste et vieillissante, c’est le malaise qui s’est exprimé dans les banlieues par des jeunes et dans la rue par des étudiants. Pour mes concitoyens, la révolte dans les cités a dopé le racisme. Du jour au lendemain, des propos que nous avons toujours combattu ont vu le jour.

Comment combattez-vous ce racisme ?
• Par l’exemplarité des politiques et plus particulièrement celle des élus locaux. En 2008, lors des élections communales à Mantes-La-Jolie, il y aura des MRE dans la liste que conduira Michel Vialay, le maire actuel, à des postes éligibles et non avec la tunique de candidats alibis. La nouvelle génération est mature et complètement formée au jeu politique. Ils seront porteurs de messages universalistes et non communautaires.

L’exemplarité se réduit à la présence de candidats sur une liste électorale.
• C’est un combat de tous les jours ! Je me souviens du débat qu’a suscité la construction du mulitiplex avec 14 salles de cinéma en plein cœur de la ville. Chacun s’accordait à dire que les bandes de jeunes allaient mettre à sac le lieu, que la violence et les agressions seraient monnaie courante. L’opposition municipale de gauche en tête. Pour défendre ce projet, avec mon équipe nous avons mis en avant la nécessité de mettre en œuvre toute notre énergie pour favoriser la mixité sociale dans la ville. Pourquoi au Megastore situé sur les Champs Elysées, le rappeur cohabite avec l’amateur d’opéra dans le plus grand respect ? C’était notre pari de dupliquer ce modèle à Mantes, nous y sommes arrivés. C’est aussi comme cela que l’on lutte efficacement face au racisme par la création de lieux de rencontres.

Quel regard porte le député de Mantes-La-Jolie et ancien maire sur la communauté marocaine qui est importante dans votre ville ?
• Sur les 44.000 habitants, Mantes compte plus de 8.000 citoyens d’origine marocaine soit environ 20% de la population. Arrivée lors de la période de l’entre-deux-guerres mondiales, c’est une partie de la population qui est bien intégrée. Il est vrai que nous n’avons pas été la puissance coloniale au Maroc que celle en Algérie. Il n’y a pas eu d’évènements ni de guerre (8 ans) comme à Alger. La migration marocaine n’est pas un sujet sauf pour les médias qui sautent sur la première occasion pour faire du merchandising.

Vous êtes pour une immigration choisie ou pour une immigration... subie.
• En dix années de vie parlementaire, j’ai toujours voté les projets de loi. Pour celui qui concerne l’immigration choisie ou subie, je n’ai pas voté car je le trouve choquant. Il donne une image fausse de la France et il est en opposition avec les valeurs que défend et véhicule la République. De plus, aller faire nos courses dans les pays sous-développés ou en voie de développement en les dépouillant de leurs « cerveaux » est un acte irresponsable. Le phénomène migratoire ne peut être réglé par le législateur. Pour moi, c’est vouloir édifier une muraille de Chine en cocotte en papier. Ma conviction est qu’il faut apporter sa contribution pour lutter contre la pauvreté qui est la cause principale de la migration.

"Selon Pierre Bédier, « dire qu’on peut régler le problème migratoire par voie législative, c’est vouloir édifier une muraille de Chine de cocotte en papier. Ma conviction est qu’il faut apporter sa contribution pour faire reculer la misère ». Pierre Bédier a été élu député de la circonscription de Mantes-La-Jolie en 1993 et réélu en 2002. Ancien secrétaire d’Etat au ministère de la Justice (2002-2004), il fut maire de Mantes de 1995 à 2001. Depuis 2001, il est président du Conseil général des Yvelines"

Rachid Hallaouy - L’Economiste

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