Point de vue : Amazighité et arabité

31 juillet 2002 - 20h55 - Culture - Ecrit par :

Je ne voulais pas intervenir au moment de la polémique sur la pétition contre le racisme, parce que le faire dans un moment où les passions se sont apparemment déchaînées et les cœurs agités, ne fera que mettre de l’eau au moulin de cette agitation et cela n’est point désirable.

Je voudrais simplement apporter mes points de vue sur la manière dont je vois objectivement la chose. En fait, il y a le problème au haut niveau et il y a la polémique entre les gens. Le haut niveau, ce sont les responsables politiques et l’autre partie c’est le peuple, les gens. Il ne faut pas mélanger ces deux niveaux dans une confrontation qui n’existe pas dans la réalité.

Si un journaliste ou un universitaire, tels que Abdellatif Mansour, Abedelhak Lmarini ou un autre, a écrit un article sur un sujet donné, je pense qu’un minimum de liberté d’expression exige que tout citoyen, comme lui, ait le droit d’écrire une réponse à cet individu. Si on n’accuse pas le premier d’intégrisme et d’extrémisme pour ce qu’il a écrit et que l’autre, qui lui répond, est accusé de tels méfaits, non pas parce que ses propos sont racistes et intégristes, mais simplement parce ce qu’il exprime n’est pas désirable, alors il devient difficile de croire à l’innocence d’une initiative ayant pour objectif l’éradication de tous les racismes.

Parler de tamazight ne peut pas se faire en dehors d’une discussion sur le panarabisme et l’arabisation. Il ne s’agit pas de les opposer, mais plutôt de les concilier. Le panarabisme est un mot du type ‘-isme’ comme dans pacifisme, communisme, écologisme, etc. C’est un concept qui désigne une idéologie donnée et bien connue ayant derrière elle des idées, des concepts, des militants, des adeptes, des sympathisants, des moyens, des ennemis, etc. Je pense qu’on a le droit d’être pour ou contre une idéologie donnée, ses idées, ses concepts, mais cela ne veut pas dire qu’on est personnellement contre les individus qui la soutiennent de part la couleur de leur peau, leur origine ethnique, leur religion, leur race, leur langue, leur culture, etc.

Être contre le panarabisme, ce n’est absolument pas être un anti-arabe, être contre les Arabes, contre la langue arabe, contre la culture arabe, etc. C’est un amalgame qu’il faut absolument éviter. Être contre l’islamisme, par exemple, ce n’est pas être contre les musulmans, contre l’Islam, contre le Coran ou le Hadith. C’est plutôt être contre l’interprétation que font les islamistes du Coran et du Hadith, être contre leur conception de l’Islam, etc. Il est vrai que les gens simples d’esprits ou les politiciens sagaces confondent les deux niveaux, le niveau humain et le niveau idéologique. Pour cette seule raison, il est impératif d’être prudent parce que les gens naïfs ou les politiciens sagaces peuvent donner un sens différent aux attaques dirigées contre une idéologie donnée de part les idées qu’elle prône, les répercutions qu’elle engendre, en lui substituant la race humaine, la religion, le domaine linguistique ou culturel, que cette idéologie sous-entend.

L’arabisation, lorsqu’elle est mentionnée, elle n’est pas prise dans le sens de l’apprentissage de la langue et de la culture arabe. L’apprentissage de l’arabe en tant que langue et culture, n’est absolument pas un problème ou quelque chose qu’il faille combattre. Il faut au contraire l’encourager, comme devoir, parce que l’arabité est une partie de la culture marocaine, au même titre que son amazighité. La prise en compte de l’une des deux langues ne doit pas être faite dans l’exclusion de l’autre. Je pense qu’aucun militant sérieux ne sera contre cette idée. Il faudrait bien assimiler les deux cultures et les deux langues marocaines, amazighe et arabe. Il faut éviter que l’amazighité chasse l’arabité de ses domaines, notamment certains domaines pointus que tamazight n’est pas apte à assumer, du moins dans l’immédiat, mais il faut également que la langue arabe ne fasse pas la même chose. Je pense personnellement que ce sont deux cultures, deux langues, qui se complètent parfaitement, qui peuvent survivre en toute symbiose et harmonie, qui ne doivent pas être conçues dans une perspective conflictuelle, d’un côté comme de l’autre. C’est ma conviction et c’est dans ce sens que j’ai toujours défendu l’amazighité parce que c’est elle qui souffre de son espace actuellement, comme les panarabistes le reconnaissent eux-mêmes.

Tout ceci n’a rien à voir avec les individus, arabes ou amazighs. J’ai et j’ai eu personnellement des amis arabes, amazighs et d’autres encore, j’ai eu également des ennemis arabes, amazighs et d’autres encore. Le comportement et les attitudes d’une personne est une chose qui ne dépend pas de sa langue, de sa culture, de la couleur de sa peau, et parler de l’amazighité ou du panarabisme qui est une idéologie, c’est tout à fait autre chose. Mélanger les deux niveaux, peut conduire à des interprétations dans des perspectives faussées. Encore une fois, les gens simples d’esprits peuvent les confondre, d’où une interprétation fausse de certaines défenses. En ce qui concerne les individus, à mon avis, chacun doit être libre dans le choix de sa langue maternelle. Je pense que c’est le sens même de la liberté. Je comprends très bien que certaines personnes naïves puissent mélanger entre les deux niveaux, d’où la prudence.

Dire que je suis amazigh et que j’en suis fier, comme chacun est fier de son identité, ce n’est pas que je sois contre l’arabité, contre la langue arabe, contre la culture arabe, contres les Arabes. Ce n’est pas que je sois orgueilleux et chauvin parce que dans ce cas, tout le monde serait chauvin et orgueilleux puisque tout le monde est fier de ce qu’il est, qu’il le dise ou pas, car dans le cas contraire, la vie serait pénible à vivre. Connaître la langue et la culture françaises, n’avait pas suffi à faire de moi un français. Dire tout cela, ne me dispense pas d’apprendre la langue arabe, la culture arabe, parce qu’elles sont également marocaines. Il ne m’interdit pas d’aimer des individus arabes avec qui j’ai de bonnes relations personnelles, etc. Il est vrai que tout le monde n’est pas sensé comprendre parfaitement la différence entre défendre l’amazighité et vivre dans le respect avec les autres.

Le racisme, l’intégrisme, l’extrémisme, sont des concepts relatifs, et il est vrai que dans l’état actuel des choses, où on parle de tamazight comme de dialectes qui sont un bon moyen pour apprendre l’arabe, certaines revendications, même non-inventées et explicitement écrites dans le Manifeste Amazigh, rédigé depuis déjà plus de deux ans, relèverait, pour certains, de l’intégrisme et de l’extrémisme. C’est vrai, changer de point de vue et de perspective n’est guère facile et demande du courage. Dans mes articles, je n’ai jamais exclu personne, ni arabe ni amazigh, je n’ai jamais ciblé une personne en particulier, que dans la mesure où il s’agissait de répondre à des articles dont j’ai cité des extraits. J’ai, par contre, à chaque étape, motivé mes raisonnements correctement et par des citations. Cette façon de faire est la plus honnête, la plus logique, qui soit, de mon point de vue, mais elle ne suffit pas, bien sûr, dans une conjoncture aussi compliquée, paraît-il.

Toutes ces idées, ce sont des convictions que je n’avais jamais oubliées, un seul instant, en écrivant ceci ou cela, mais lorsqu’il s’agit de polémiquer, on argumente toujours selon les arguments que l’on pense être plus persuasif, avec citations à l’appui. Tout cela n’est que de la polémique intellectuelle spéculative, un échange d’idées, qui est une composante fondamentale de la démocratie. Bien sûr qu’on pourrait taxer d’intégriste et d’extrémiste qui on veut dans un échange d’arguments, dans une discussion, dans une polémique, notamment lorsqu’on n’est pas content des idées qu’il avance. Il faut bien noter que n’étant pas sur place, je ne pouvais pas avoir une meilleure appréciation du sujet d’autant plus que je manquais de beaucoup d’informations, notamment celles diffuées par les autres médias que je ne lis pas ou que je ne regarde pas, etc. Dans cette situation, certaines choses peuvent paraître extrémistes, intégristes, parce que non encore assimilées et suffisamment acceptées, même lorsqu’elles sont tout à fait naturelles pour moi et pour d’autres également.

Après tout, que gagne personnellement quelqu’un lorsqu’il défend l’amazighité, surtout lorsqu’il est loin ? Personnellement, rien de positif bien entendu, comme chacun sait. Il s’expose même, sans le chercher, à la haine, à la rancune, à la persécution, des gens qui le considèrent faussement comme un ennemi, un anti-arabe, un intégriste, un extrémiste, etc. Est-ce là de bonnes choses qu’un individu intelligent aurait cherchées volontairement, surtout lorsqu’il défend, par le hasard des circonstances, une cause qui concerne des millions de gens qu’il ne connaît même pas ? C’est mon point de vue, mes convictions, sur la question. Je vous souhaite bonne chance dans tout, et merci de m’avoir tendu l’oreille pendant tout ce temps.

Ceci dit, il faut évider de chercher un bouc émissaire, qui s’était toujours tenu tranquille et qui souhaite continuer dans la même voie, un bouc émissaire, disais-je, dans lequel on injecte gratuitement son venin, simplement parce qu’il a eu l’audace d’exprimer ses sentiments sur un sujet qui le concerne lui aussi, après avoir vu tant d’autres écrire pire que lui. Je me retire volontairement de cette discussion houleuse qui ne m’a jamais intéressé. Me chercher davantage, par n’importe quel moyen, même indirect, ne sera pas drôle, parce qu’une fois l’engagement officiel, il serait difficile de rebrousser chemin. La paix entre les gens ! C’est ce que j’ai toujours prôné, mais la paix dans le respect mutuel. Bonne chance une fois de plus et merci de m’avoir écouté...

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