« Ces personnes vivent aujourd’hui dans leur pays. Près de la moitié ont entre 60 et 65 ans. Ils sont rentrés après avoir tous signé un désistement y compris de leur résidence aux Pays-Bas en échange du transfert de l’ensemble des prestations dont ils jouissaient dans le pays d’accueil. On dit souvent des Marocains partis travailler à l’étranger qu’ils ont comme l’instinct du saumon. Le saumon revient toujours sur les terres de sa naissance pour y mourir », explique une source du ministère de l’Emploi et de la Formation professionnelle.
On s’en souvient, dès son élection, le nouveau gouvernement néerlandais de droite avait décidé de supprimer, sans autre forme de procès, le paiement des compléments alloués aux allocataires sociaux résidant au Maroc ainsi que celles des pensions d’incapacité pour longue maladie. Au Maroc, cette décision provoque un véritable branle-bas de combat. Au ministère de l’Emploi, en charge de la protection sociale des travailleurs, on sonne le tocsin de la mobilisation. Pas question de rester les bras croisés et de subir une décision qui bafoue les principes des droits acquis et de l’égalité de traitement prévus par la convention bilatérale de sécurité sociale signée par le Maroc et les Pays-Bas en février 1972.
« L’article 5 de la convention bilatérale de sécurité sociale en vigueur stipule bel et bien que les prestations sociales garanties ne peuvent subir aucune réduction, ni modification, ni suspension, ni suppression du fait que le bénéficiaire réside sur le territoire de la partie contractante autre que celui où se trouve l’institution débitrice. Il faut ajouter à cela que le transfert de prestations à qui il a été porté atteinte en cette affaire est un principe fondamental », précise notre interlocuteur tout en pointant la volonté exprimée par les Pays-Bas de ne pas « exporter les prestations fiscalisées, et donc à charge de l’Etat et de faire payer aux Marocains de Hollande rentrés au pays des cotisations supérieures aux prestations en ce qui concerne l’assurance maladie ».
Très vite, la machine se met en branle. Les réunions se multiplient, tant au Maroc qu’aux Pays-Bas. De longues discussions ont été entamées entre les deux parties. Des propositions ont été émises de part et d’autre. Le ministre d’origine marocaine, Boutaleb, entre en scène alors que des associations de Marocains en Hollande se mobilisent, déposent plainte contre le gouvernement néerlandais et vont jusqu’à présenter un recours devant la Cour européenne des droits de l’Homme au motif d’inégalité de traitement. Une coordination tripartite –ministère de l’Emploi, associations et services de l’ambassade du Maroc aux Pays-Bas- permet de faire avancer ce dossier.
En fin de semaine passée, tous ces Marocains ont retrouvé leurs droits acquis et peuvent bénéficier d’une couverture médicale après que leurs cotisations ont été revues à la baisse pour être conformes au panier de soins en vigueur au Maroc. Du côté marocain, on se frotte les main : Rabat a négocié ce que d’autres pays ont vite fait d’accepter comme une fatalité pour leurs travailleurs qui s’installent dans le pays d’origine. Des projets sont même en cours. Un plan de coopération dans les domaines de l’emploi et de la formation a été proposé par les Hollandais. Un séminaire d’expression des besoins des Marocains devrait avoir lieu en octobre prochain.
Source : Libération - Narjis Rerhaye