L’isolement de la Russie du réseau financier Swift inquiète le Maroc
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Photo : Marie Verdier - La Croix
L’historien et arabisant français Jean-Pierre Filiu estime qu’une « escalade de la crise ukrainienne pourrait désormais avoir des retombées en Méditerranée » et qu’après l’Ukraine une guerre pourrait avoir lieu en Méditerranée orientale, où la Russie a envoyé des renforts.
« Alors que l’attention mondiale est légitimement concentrée sur l’Ukraine, la Russie est peut-être déjà en train de préparer le coup d’après, non plus à l’Est, mais au Sud de l’Europe. Des renforts russes viennent d’ailleurs d’être envoyés en Méditerranée orientale, avec au moins deux sous-marins d’attaque et deux groupes navals. Ce scénario-catastrophe peut à ce stade paraître échevelé, sauf à oublier que ce qui paraissait encore il y a peu inconcevable en Ukraine est en train de se dérouler sous nos yeux », alerte le professeur des universités en histoire du Moyen-Orient à Sciences Po Paris dans un article qu’il a publié sur le blog qu’il anime sur le journal Le Monde. « […] La planification de Moscou prend en compte d’éventuels points d’appui dans l’est de la Libye, voire l’opportunité de s’imposer en Algérie en cas de conflit avec le Maroc », ajoute-t-il. Pour étayer ses propos, Jean-Pierre Filiu montre comment le président russe Vladimir Poutine « a tiré le plus grand profit de l’absence de détermination des États-Unis et de leurs alliés européens, en Syrie, ce qui n’a pu que l’encourager à une posture belliciste face à Kiev ».
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Selon lui, « rien n’interdit d’envisager qu’une escalade de la crise ukrainienne pourrait désormais avoir des retombées en Méditerranée, tant Moscou entend profiter de sa capacité à intégrer les deux théâtres d’opération, face à des dirigeants occidentaux qui tardent à prendre la mesure de cette nouvelle donne ». L’universitaire rappelle certains faits : la reculade d’août 2013 de l’ex-président américain Barack Obama en Syrie, après le bombardement chimique par Bachar al-Assad de banlieues insurgées de Damas. Une reculade qui « a convaincu Poutine que Washington ne réagirait pas sérieusement à l’invasion de la Crimée, lancée six mois plus tard. Une fois empochée l’annexion de cette province ukrainienne, le Kremlin s’est retourné vers le théâtre syrien, avec une intervention cette fois directe, en soutien au régime Assad, à partir de septembre 2015 », fait-il observer, ajoutant que le « Kremlin a profité de cette offensive pour étoffer en Syrie son dispositif en Méditerranée orientale, l’ancienne implantation maritime de Tartous étant désormais complétée par une base aérienne proche de Lattaquié ».
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« Le chef de l’Etat russe a également tiré le plus grand profit des tensions croissantes, à propos de la Syrie, entre la Turquie et le reste de l’OTAN », fait par ailleurs remarquer Jean-Pierre Filiu, rappelant que la Russie et la Turquie sont devenues des partenaires et mènent des actions en Libye, « toujours aux dépens de Washington et de ses alliés ». Outre les actions visant à « saper les positions stratégiques des Occidentaux en Syrie et en Libye », la Russie « a aussi banalisé, poursuit l’universitaire, des techniques de guerre non-conventionnelles qui ont démontré leur nocivité en Ukraine, qu’il s’agisse du recours à des mercenaires de type Wagner ou des campagnes de désinformation systématique ». « Sur tous ces registres, c’est le caractère méthodique des avancées russes qui frappe face à l’impuissance apparente de Washington et des puissances européennes à s’adapter à un contexte aussi agressif. […] Poutine est fermement campé sur ses deux jambes, l’une européenne, l’autre méditerranéenne, alors que ses adversaires désignés entretiennent la schizophrénie d’une distinction opérationnelle entre l’Ukraine et la Méditerranée », résume-t-il.
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