France : une saisonnière marocaine dénonce l’esclavage moderne

2 août 2021 - 17h00 - France - Ecrit par : G.A

Une Marocaine vient de prendre la fuite d’une exploitation agricole suite à des faits qu’elle qualifie d’esclavage moderne. Âgée de 44 ans, elle travaillait dans des champs de fraises dans la région du Lot-et-Garonne.

C’est sur la place de Puymirol que la Confédération générale du travail (CGT), en présence de Fatima a donné une conférence de presse, dénonçant les travers d’un contrat qui aurait pu virer au drame, si elle n’avait pas pris la décision de se sauver en pleine nuit.

L’aventure de Fatima commence au début du printemps dernier lorsqu’elle reçoit un coup de fil d’Aziza, une connaissance qui vit en France. Elle lui offre la chance de sa vie, elle qui vit dans une campagne reculée du Maroc : celle de venir faire la récolte de fraises. Aziza, qui est cheffe de culture dans une exploitation de Tayrac, lui propose environ 1500 euros par mois et s’occupe de tous les papiers. Convaincue que ce serait une bonne affaire, Fatima accepte le deal. Elle arrive à Tayrac avec plusieurs autres Marocaines. Toutes sont logées dans des mobile homes. Mais la jeune femme va très vite déchanter, rapporte francetvinfo.

À lire : Un Marocain fait des saisonnières en Espagne ses esclaves sexuelles

Elle affirme qu’elle a dû travailler 7 jours sur 7 pendant 2 mois. « On travaillait tous les jours sans repos, de 7 heures à midi, parfois jusqu’à 15 heures, et on reprenait l’après-midi jusqu’à 17 heures », confie-t-elle. Ce qu’elle vivait était bien loin de ce que la cheffe de culture Aziza lui avait fait miroiter. « Les jours de repos on les a eus quand il y avait moins de fraises à ramasser fin juin, début juillet. Ils nous donnaient parfois un samedi ou un dimanche sinon c’était 7 jours sur 7 ».

À lire : Huelva : quatre ans de prison pour agression sexuelle envers des saisonnières marocaines

Exaspérée par les conditions, elle profite de la fête de l’Aïd pour s’enfuir en pleine nuit. Elle trouve refuge chez un membre de sa famille à Toulouse. Remise de ses émotions, elle entre en contact avec la CGT et leur fait le récit de ce qu’a été sa vie dans ce champ de fraises : travail intensif, épuisement, douleurs aux jambes, insultes. Même Aziza qui lui a trouvé cette opportunité est devenue son bourreau. « Aziza disait que je ne ramassais pas assez vite, que je ne remplissais pas assez de plateaux. Elle me criait dessus tellement fort que ça me terrorisait » affirme Fatima.

À lire : Des saisonnières marocaines victimes de viols dans le sud de l’Espagne

L’autre aspect qui rendait le travail encore plus difficile, ce sont les frais qui n’étaient pas prévus lors de la signature du contrat. Il s’agit des frais d’avion, des frais de location du mobile home qui s’élèvent à 150 euros par mois, et 100 euros par mois pour les courses…

L’union locale CGT de l’Agenais n’est pas à son premier cas. « Nous voulons alerter les pouvoirs publics sur certains agissements inacceptables. C’est souvent très difficile pour ces gens-là, isolés, de pouvoir prendre la parole et défendre leurs droits » explique Benoît Roussel, militant de l’Union locale CGT d’Agen.

À la conférence de presse organisée par le syndicat, dimanche 1ᵉʳ août, il y avait également Arielle Pianegonda et Éric Tovo, propriétaires de l’exploitation. Il y avait d’autres agriculteurs venus les soutenir. « Je vais vous attaquer pour dénonciation calomnieuse et préjudice moral ! » lance Eric Tovo aux représentants de la CGT suite au tract l’accusant de mauvais traitements.

Après la conférence de presse, Fatima est allée déposer plainte à la gendarmerie de la commune pour travail dissimulé. « C’est une diffamation portée par la CGT » s’insurge Eric Tovo. « C’est normal qu’ils défendent les salariés, je déplore simplement qu’ils ne soient pas venus sur notre exploitation visiter les installations. Les travailleuses sont logées dans les meilleures conditions possibles, notre objectif est de les faire toutes revenir l’année prochaine ! »

Eric Tovo devrait être entendu par les gendarmes cette semaine. Il compte à son tour déposer plainte pour diffamation.

Bladi.net Google News Suivez bladi.net sur Google News

Bladi.net sur WhatsApp Suivez bladi.net sur WhatsApp

Sujets associés : France - Agriculture - Plainte

Aller plus loin

Plusieurs saisonnières blessées dans un accident près d’Agadir

Une camionnette transportant des saisonnières et un camion sont entrés en collision, ce lundi 1ᵉʳ mars, au niveau de la commune Ait Aamira (province Agadir). Le choc d’extrême...

Des saisonnières marocaines victimes de viols dans le sud de l’Espagne

Au moins une vingtaine de femmes, dont des Marocaines, travaillant en tant que saisonnières dans la région de Huelva, dans le sud de l’Espagne, ont été victimes d’agressions...

Huelva : quatre ans de prison pour agression sexuelle envers des saisonnières marocaines

Le parquet de Huelva a requis quatre ans et six mois de prison contre le responsable d’une ferme à Moguer (Huelva). Il est accusé d’avoir abusé sexuellement de quatre...

L’Espagne ne veut plus de saisonnières marocaines

Les saisonnières marocaines ne sont plus les bienvenues en Espagne. Les agriculteurs espagnols de Huelva ont trouvé d’autres alternatives comme l’avait d’ailleurs recommandé le...

Ces articles devraient vous intéresser :

Maroc : Une baisse record des exportations d’oranges

Les exportations marocaines d’oranges ont considérablement chuté au cours des huit premiers mois de 2023, s’établissant à 30 000 tonnes contre 109 000 tonnes en 2022.

Maroc : ces investisseurs étrangers piégés

Au Maroc, plusieurs investisseurs étrangers ont engagé des ressources importantes dans certains secteurs comme l’agriculture, l’immobilier, la restauration, sans une étude préalable. Conséquence, ils ont enregistré des pertes colossales du fait de la...

Chute historique des exportations d’olives marocaines

Les exportations d’olive marocaine sont en net recul alors que les importations sont en hausse. Le déficit commercial s’est creusé.

Les dattes algériennes dangereuses pour la santé ?

L’inquiétude enfle quant à la qualité des dattes algériennes importées au Maroc. Dr. Hassan Chtibi, président de l’Association de protection du consommateur, alerte sur les risques sanitaires liés à la consommation de ce produit prisé par les Marocains.

Maroc : des stations de dessalement pour sauver l’agriculture

Le ministère marocain de l’Agriculture a adopté le dessalement de l’eau de mer à des fins d’irrigation. Dans cette dynamique, le département de Mohamed Saddiki a prévu la construction de nouvelles stations de dessalement dans certaines zones agricoles.

La justice européenne confirme la fin de l’accord de pêche avec le Maroc

La Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) a mis un point final, ce vendredi, à une longue saga juridique en annulant définitivement les accords commerciaux, notamment ceux relatifs à la pêche, conclus entre l’Union européenne et le Maroc. Cette...

Maroc : les prix des fruits et légumes atteignent des sommets

Au Maroc, les prix des fruits et légumes continuent d’augmenter et de peser sur le budget mensuel des Marocains en raison notamment des exportations.

Les archéologues font une étonnante découverte au Maroc

Des archéologues ont découvert au Maroc le plus ancien site agricole qui date de la période de la préhistoire.

Le Maroc s’oppose catégoriquement à la décision de la Cour de justice européenne

La Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) a rendu vendredi une décision concernant les accords agricoles et de pêche entre l’UE et le Maroc. Rabat conteste fermement cette décision, la jugeant non applicable et entachée d’erreurs.

Maroc : la quête d’autosuffisance en dattes face aux défis climatiques

Le Maroc est le septième producteur mondial de dattes, avec un volume de 170 000 tonnes par an. Toutefois, des défis restent à relever pour le développement de la filière et satisfaire la demande nationale.