TNT L’envers du décor

28 mars 2007 - 13h00 - Maroc - Ecrit par : L.A

En annonçant en grande pompe le déploiement de la télévision numérique terrestre, le président de la SNRT et de 2M a mis le régulateur du paysage public devant le fait accompli. En effet, la HACA n’a à ce jour pas encore rendu son verdict concernant les choix techniques adoptés par le pôle public.

La SNRT et 2M bénéficient ainsi d’un monopole de fait. Ce qui fait couler beaucoup d’encre dans le microcosme audiovisuel. Contrairement à la version officielle, la TNT devrait coûter plusieurs centaines de millions de Dhs.

« La TNT, vous connaissez ? C’est la télévision numérique terrestre. Contrairement à la transmission analogique, ce procédé technologique vous permet d’accéder à l’ensemble des chaînes marocaines avec une meilleure qualité de son et d’image. Il vous suffit d’acheter un récepteur TNT et une antenne UHF… ». Tels sont les propos de Driss Laraki vantant les mérites de la TNT dans un spot de télévision que compte diffuser bientôt la SNRT pour communiquer autour du lancement de la télévision numérique terrestre. Si le passage au numérique terrestre était aussi simple, Driss Laraki, animateur télé à ses heures perdues, aurait pu décrocher “la légion d’honneur” pour avoir vulgarisé, le temps d’un spot, le fonctionnement de la TNT auprès des téléspectateurs. A le voir prodiguer ces “précieux” conseils, ce présentateur qui anime également des capsules (conseils de consommation) sur la TVM, ne donne pas vraiment envie de franchir le cap. Ne parlons pas du manque de créativité propre à la réalisation de ce spot.

Toujours est-il, la télévision numérique terrestre est désormais une réalité au Maroc. A en croire Fayçal Laâraïchi, PDG de la SNRT et de 2M, la TNT ne fera que du bien aux téléspectateurs marocains en quête d’une qualité irréprochable d’image et de son (le contenu des programmes des chaînes publiques, on verra après !). Encore faut-il que les récepteurs TNT soient disponibles sur le marché. Plus de dix jours après l’annonce en grande pompe de son lancement le 6 mars dernier, ces récepteurs sont introuvables aussi bien dans les grandes surfaces commerciales que chez les fournisseurs d’équipement électroménager. Encore moins au marché de Derb Ghalef réputé pour être le souk technologique incontournable du pays.

Vous avez dit récepteur TNT ?

« Vous avez dit récepteur TNT ? Vous êtes la première personne à s’intéresser à ce genre de récepteur.Image Nous n’avons pas la moindre information sur la date de commercialisation de ce matériel », attestent plusieurs vendeurs interrogés. Et pourtant lors de sa conférence de presse, Fayçal Laaraïchi a fait savoir avec une assurance sans faille que lesdits récepteurs sont bien disponibles. Pis, il a même donné des indications sur les prix qui, d’après lui, se situent entre 400 et 600 dirhams.

En d’autres termes, la conférence de presse du président de la SNRT et de 2M ressemblait plus à un coup médiatique qu’à un lancement en bonne et due forme. Il faut bien reconnaître que l’homme fort de l’audiovisuel public a pris tout le monde de court en décidant d’informer la presse sur le déploiement de la TNT. Sinon, comment expliquer l’absence de Nabil Benabdallah, ministre de la Communication et Ahmed Ghazali, président du CSCA (Conseil supérieur de la communication audiovisuelle) ou encore d’Ahmed Akchichen, directeur général de la DGCA (Direction générale de la communication audiovisuelle) lors de la sortie médiatique de Fayçal Laaraïchi accompagné de Mustapha Benali, directeur général de 2M.

Dans le même ordre d’idées, il est utile de noter que la Haute autorité de la communication audiovisuelle (HACA) n’a pas encore donné son avis définitif sur la question. Si le régulateur du paysage a autorisé la SNRT à mener des expérimentations concernant la TNT (des fréquences numériques ont été attribuées), cette autorisation a été apparemment interprétée par le pôle public comme étant une validation définitive. « Vous croyez que le président de la SNRT aurait pris le risque d’annoncer le lancement de la TNT sans disposer d’une autorisation », rassure un proche de Laâraïchi dans une tentative de mettre fin à une polémique qui promet de prendre de grandes proportions dans les jours à venir.

Une chose est sûre : Fayçal Laâraïchi s’est récemment déplacé à plusieurs reprises au siège de la HACA pour faire des exposés relatifs à la TNT. Il en ressort, selon des sources bien informées, que contrairement à la version du PDG du pôle audiovisuel public, le coût de la télévision numérique terrestre n’est pas de l’ordre de 100 millions de dirhams. Le budget nécessaire à son déploiement s’élève à 700 millions de dirhams, confient les mêmes sources. On se demande alors comment le président des deux entités audiovisuelles publiques va procéder pour réunir un tel montant alors qu’il sait pertinemment que les moyens financiers de la SNRT et de 2M sont limités. Dans les coulisses, on avance que le ministère des Finances mettra la main à la poche pour permettre à Laâraïchi de réaliser son projet : couvrir tout le territoire. De son côté, l’intéressé persiste et signe : « en matière de financement de la TNT, nous avons joué sur les synergies entre la SNRT et 2M pour faire aboutir ce vaste chantier technologique », a indiqué le PDG des deux structures lors de sa rencontre avec la presse.

En matière de TNT, le financement n’est pas l’unique sujet qui pose problème. C’est tout le processus de sa mise en place qui est remis en cause. Explications : on savait depuis fort longtemps que le recours au numérique terrestre dans la télévision était irréversible, d’autant que le Maroc a signé les accords de l’Union internationale des télécommunications (UIT). Ceux-ci prévoient la fin de la transmission analogique à l’horizon 2015. Alors que dans d’autres pays, comme par exemple la France, les choix techniques relatifs à la numérisation du réseau terrestre relèvent du pouvoir politique via les organes de régulation, ce n’est pas le cas chez nous. La HACA n’a pas tranché au moment opportun et a donné par la même occasion une large marge de manœuvre au pôle public pour adopter l’option technologique qui lui semble la plus optimale. Dans ce registre, l’exemple qui illustre parfaitement cette réalité concerne l’adoption par la SNRT de la norme MPEG-2 au lieu de la norme MPEG-4. Le président a expliqué ce choix par le fait que le prix récepteurs MPEG-4 est inaccessible pour le consommateur marocain. Néanmoins, cette norme garantit une variété de services qui englobent toutes les nouvelles applications multimédias comme le téléchargement et le streaming sur Internet, le multimédia sur mobile, la radio numérique, les jeux vidéo, la télévision et les supports haute définition.

Le régulateur n’a pas encore rendu sa copie

Au moment où Laâraïchi annonçait le lancement de la TNT, dans les bureaux du régulateur, on planche toujours sur ce dossier. Un appel d’offres international pour la réalisation d’une étude devait même être lancé sous peu. Une idée qui, semble-t-il, n’est plus d’actualité puisque la TNT est passée de l’étape du projet à celle du déploiement effectif. Ce qui fait dire à certains observateurs avisés, que la HACA aurait dû limiter les dégâts en amont en invitant la SNRT à suspendre ces expérimentations relatives à la TNT le temps d’y voir plus clair. En fermant les yeux, l’organe de régulation n’a pas mesuré la conséquence de cet acte et doit ainsi gérer une situation difficile à maîtriser. D’ailleurs, à la HACA, le sujet de la TNT fâche à tel point que l’ensemble des cadres concernés par cette question préfèrent ne pas en parler. Faut-il s’attendre à une réaction du régulateur après la sortie médiatique de Fayçal Laâraïchi ? Pour l’heure, aucune information ne filtre à ce propos.

Si la discrétion est de mise, cela ne veut pas dire pour autant que la HACA compte baisser les bras. En effet, une équipe travaille d’arrache-pied sur ce dossier et c’est sur la base de ses conclusions que la décision du Conseil des Sages sera prise.

D’ici là, d’autres questions stratégiques ont le mérite d’être également abordées. Pour les fins connaisseurs du paysage, l’idéal serait de regrouper toutes les parties impliquées de près ou de loin dans la mise en œuvre de la TNT. En-dehors de la HACA, il s’agit, entre autres, des ministères de la Communication et de l’Industrie sans oublier bien évidemment les acteurs audiovisuels privés et les opérateurs de télécommunication. L’objectif étant d’arriver à un consensus entre les principaux acteurs. Mais Fayçal Laâraïchi, qui sans doute bénéficie d’un appui en haut lieu, a préféré faire cavalier seul.

Ce dernier a exercé du lobbying pour qu’aucun entrant privé ne puisse investir dans le réseau TNT. Il est clair que derrière cette stratégie, l’objectif est de verrouiller le marché, en barrant la route à tous les prétendants souhaitant investir dans la télévision numérique terrestre. Une telle stratégie est loin d’être viable à long terme dans le sens où le patron des chaînes publiques et ses équipes, particulièrement celle qui veille à la production, ont montré leurs limites en matière de confection de programmes de télévision dignes de ce nom. Le recrutement, il y a une année, d’un directeur de production n’a pas porté ses fruits.

D’ailleurs, ce dernier et ses collaborateurs ont été sévèrement critiqués par le président du pôle public. Un rappel à l’ordre qui n’a pas servi à grand-chose. Compte tenu de la nature des programmations que nous servent les chaînes publiques, à quoi bon s’équiper en récepteurs TNT d’autant que ces chaînes seront toujours captées sur le satellite. Une option qui ne fait qu’alourdir la trésorerie du pôle audiovisuel public. Et quand Fayçal Laâraïchi dit que la TNT a pour principal avantage de réduire les coûts de diffusion, nous avons toutes les raisons de ne pas le croire.

Le journal hebdo - Mohamed Douyeb

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