Le business sans TVA d’un MRE en France

1er août 2008 - 16h25 - France - Ecrit par : L.A

Après 15 ans à travailler dans le droit chemin, Samir a décidé de mettre son expérience de la vente dans le trafic illégal de marchandises. Difficulté de trouver un emploi, scolarisation peu encadrée par les enseignants et peu suivie par les familles, ghettoïsation des banlieues : autant de raisons qui provoquent, chez certains jeunes, malaise identitaire, exclusion sociale et fuite dans la délinquance.

C’est le cas de Samir*, 39 ans, d’origine marocaine. A seize ans, il a pris son « destin » en main. Sentiment de fatalité ou pas, il devait s’assurer « financièrement comme tous les gars du quartier puisque » ses « parents n’avaient pas d’argent ». Cet argent, il est allé le chercher dans la rue.

Il quitte alors l’école : « C’est ma conseillère d’orientation qui a contribué à mon échec scolaire. C’est vrai, je n’étais pas un élève brillant mais j’ai toujours aimé les chiffres. Je voulais travailler dans la comptabilité. Elle m’a dit : "Pour toi ce sera chaudronnier". Elle ma cassé dans mon délire. » Cette passion pour les chiffres, il la retrouve ailleurs : durant 15 ans, il travaille à son compte dans la restauration, l’import-export, la vente de matériel informatique. Mais il a tout abandonné : « Comme beaucoup d’autres commerçants. L’État nous surtaxe énormément et je n’arrivais plus à suivre. » Aujourd’hui Samir consacre sa vie au travail clandestin. Et il s’en réjouit : « L’Etat ne perçoit plus la TVA sur ma pomme, ils sont baisés et j’en suis fier ! »

Son credo ? « Là où il y a de l’argent à prendre, vas le chercher ! » Les vêtements, les parfums, l’électroménager, le trafic de voitures sont des marchés prospères. Il se met en contact avec les fournisseurs et « limite les intermédiaires ». Pour les parfums, il s’approvisionne à Paris. Comment s’opère la transaction ? « Je me rends à l’entrepôt. Le fournisseur me propose des lots qui peuvent aller de 600 à 1 000 flacons, en principe destinés à l’exportation. Sur ces parfums, il y a une taxe douanière mais lui me vendra des parfums sans taxes. Sur son fichier, le fournisseur faussera les écritures, tout simplement. La bouteille de parfum sera vendue entre 20 et 30 € mais le prix varie en fonction du poids et de la marque. » Samir a également songé à exporter son « business » de parfum au Maroc mais cela n’a pas été possible : « C’est le business du roi. Trafique ce que tu veux, mais ne touche pas au parfum. »

Mais l’activité dans laquelle il rencontre le plus de succès, c’est les vêtements. « Il y a beaucoup de marge à se faire. » Ce sont des lots de 300 à 500 pièces qui lui sont vendus. « La marchandise c’est moi qui la choisit mais il arrive parfois que le fournisseur me l’impose. » Quant au prix de vente, il est séduisant. Pour une chemise femme vendue en boutique 50 € environ selon le modèle, Samir l’achète 10 € et la revend 20.

Le commerce de Samir n’a selon lui rien de répréhensible : « Moi je suis dans la légalité sauf que je ne paye pas de taxe, c’est tout. En revanche, celui qui est en fraude, c’est le fournisseur. Cela dit, il établit une facture pour justifier la marchandise que je lui ai achetée, donc si je me fais arrêter avec la marchandise, je dis aux flics d’appeler le fournisseur et il leur présente une facture. Au pire, si je me fais attraper je n’aurai qu’une amende mais pas de prison. »

Dans le monde du « business », on est jamais très communicatif sur ses plans, un trafiquant ne révèlera jamais exactement le prix d’achat d’un produit. Plusieurs raisons à cela. D’abord parce qu’il ne « faut pas filer les clefs de notre trafic aux flics : si on dit tout, ils nous attraperont », m’explique Aziz*, un confrère trafiquant de Samir. Sans compter, qu’on ne peut pas trop faire confiance à ses « partenaires » : « Tes plans, tu dois les garder pour toi, ça ne se dit pas. Dans le business, on est tous des chiens. »

Samir ne se contente pas de revendre, il fait aussi dans la contrefaçon de vêtements. Au Mans, il en est le parrain. Le processus est identique mais il doit sortir de l’Hexagone pour se procurer la marchandise. « Je bosse avec une usine au Portugal. Je suis livré trois fois dans le mois. L’usine me fabrique du Armani, Hugo Boss, Versace. »

Pourquoi se tourner vers des vêtements de grandes marques ? « Les jeunes aiment porter de la marque et c’est la classe, même si le vêtement est contrefait. » L’intérêt, pour ces jeunes, c’est de montrer qu’eux aussi ont la possibilité de porter des grandes marques, que ce n’est pas réservé qu’à ceux qui en ont les moyens.

Samir ne voit pas trop de quoi son avenir sera fait. Mais une chose est sure, il n’est pas prêt d’arrêter son « business ». Avec une rémunération de 5 000 à 10 000 € par mois, il se « fiche pas mal du RMI, je ne suis pas à 400 € près. Je ne suis pas prêt de m’arrêter. J’en vis trop bien ! »

Source Bondy Blog - Mimissa Barberis

*Prénoms fictifs

Bladi.net Google News Suivez bladi.net sur Google News

Bladi.net sur WhatsApp Suivez bladi.net sur WhatsApp

Sujets associés : France - Contrefaçon - Emploi - Impôts - Fraude

Ces articles devraient vous intéresser :

Transférer sa retraite au Maroc : comment bénéficier de la réduction de 80 % d’impôt ?

Un Marocain résidant à l’étranger qui choisit de s’installer au Maroc en percevant une pension de retraite de source étrangère peut bénéficier, sous conditions strictes, d’une réduction significative de l’impôt sur le revenu. Ce dispositif, détaillé...

Maroc : vers une coupure massive des plateformes IPTV ?

Une opération menée jeudi par les forces de l’ordre italiennes, en collaboration avec leurs homologues chinois et avec le soutien d’Europol, a permis le démantèlement d’un réseau international de streaming illégal dont bénéficiaient 22 millions...

Maroc : les revenus d’Airbnb traqués

L’Office des changes vient de lancer une vaste opération d’audit visant les transferts financiers internationaux entre propriétaires et bénéficiaires des locations de biens immobiliers via Airbnb.

Cinq erreurs fréquentes des MRE lors de la vente d’un bien

Vendre un bien immobilier au Maroc peut sembler simple, mais pour les Marocains résidant à l’étranger (MRE), certaines règles fiscales sont souvent mal comprises. Résultat : des erreurs coûteuses qui entraînent redressements ou pénalités. Voici les...

Voici le guide fiscal des MRE (2024)

La Direction générale des impôts (DGI) met à la disposition des Marocains résidant à l’étranger (MRE) un guide fiscal renseignant sur les différentes dispositions, notamment celles concernant les droits d’enregistrement et de timbre, la taxe sur la...

Retraités MRE : jusqu’à 80 % d’impôt en moins sur vos pensions en 2025

Les Marocains résidant à l’étranger qui choisissent de passer leur retraite au Maroc peuvent bénéficier d’avantages fiscaux considérables sur leurs pensions de source étrangère. Le Guide fiscal 2025 publié par la Direction Générale des Impôts détaille...

Taxe d’habitation : ce que les MRE peuvent déduire en 2025

Les Marocains résidant à l’étranger peuvent bénéficier d’abattements sur la taxe d’habitation et les services communaux. À condition d’effectuer certaines démarches dans les délais, et que le logement remplisse les critères définis.

Contribuables marocains : régularisez votre situation avant le 31 décembre 2024

La Direction générale des impôts (DGI) invite les contribuables concernés par la mesure relative à la régularisation volontaire de leur situation fiscale, réinstaurée par la Loi de Finances 2024 à régulariser leur situation au plus tard le 31 décembre...