Une cinéaste tangéroise au festival de Cannes , enfin !

4 mai 2003 - 11h30 - Culture - Ecrit par :

Narjiss Nejjar est dorénavant un nom à retenir parmi les réalisateurs en herbe qui feront parler d’eux à l’avenir dans le domaine du cinéma. Son premier long métrage "Les yeux secs" vient d’être retenu par les organisateurs de la 56ème édition du festival de Cannes qui se tiendra du 14 au 25 mai 2003.

Narjiss, pour les intimes, est native de Tanger, exactement dans le quartier Passadena au début des années 1970. La jeune cinéaste, à l’image de sa mère, milite pour l’émancipation des femmes et pour sa propre cause.

Narjiss a forcé la main du destin, avec très peu de moyens et beaucoup de volonté pour décrocher une place au soleil de la Côte d’Azur. La récompense est belle, très belle même, puisqu’elle lui permet d’aller, la tête haute, jouer dans la cour des grands. Et on est effectivement grand, ou pour être précis grande, lorsqu’on peut se targuer d’avoir gravi la longue pente semée d’embûches du septième art, pour se positionner en peloton de tête des cinéastes retenus pour le prochain festival de Cannes dans le cadre de "la quinzaine des réalisateurs".
Le Maroc sera présent en force à Cannes cette année, puisqu’un deuxième film, "Mille mois" du réalisateur Faouzi Bensaidi, sera également projeté en compétition officielle non compétitive. Ces deux films vont, sûrement, faire la fierté du Maroc.
"Les yeux secs", comme toutes les œuvres présentées pour la première fois à Cannes sera projeté aussi, pour le concours de "La caméra d’or". Dans tous les cas, quelle que soit l’issue de cette fabuleuse aventure, l’heureux événement, est déjà en soi-même une merveilleuse récompense. Quand le destin local s’acharne à empêcher une ambition légitime d’être à la hauteur par mérite, il est bien réconfortant d’être au sommet, par reconnaissance internationale sous d’autres cieux, là où le nom de famille, ou le copinage, importe peu face à la compétence ou à la contenance.
Pour mémoire, les deux films marocains qui seront présents cette année à Cannes, une première dans l’histoire du 7ème art national, n’ont pas obtenu les faveurs des sélectionneurs du Centre Cinématographique Marocain (CCM).
Le scénario du film "Les yeux secs" qui permet au Maroc d’être présent à Cannes par le biais d’une femme, s’il vous plait, a été rejeté à deux reprises par un jury de professionnels du CCM. Normal, me direz-vous… c’est du cinéma. Et du coup, le film a été réalisé, avec le strict minimum, grâce à des subventions d’organismes français et une rallonge pécuniaire de la deuxième chaîne de télévision marocaine "2M". Dieu merci, il y a encore de l’espoir. Même sur place, au moment de la réalisation au fin fond de l’Atlas, certains sécuritaires de l’ancien système, toujours en poste, ont bien conseillé à la jeune cinéaste d’aller à Ouarzazate. Une façon détournée de dire : ici, c’est une chasse gardée.
Les scènes du film "Les yeux secs" ont été tournées dans trois communes rurales à cheval sur le Moyen et le Haut Atlas : Aghbala, Tizi n’Isly et Bouteferda. Le spectateur ne
verra, lui, rien de toutes les difficultés rencontrées sur le terrain lors du
tournage. Il s’agit là de scènes hors compétition où des ânes et des mulets, transportant un matériel ultra sophistiqué, trébuchaient sur les sentiers rocailleux de l’Aoujgal, ancien grenier collectif des Ait Abdi (confédération des Ait Sokhman), situé à mi-pente d’une falaise abrupte d’environ 300 mètres de dénivellation. Au contraire le spectateur sera ébloui et fasciné, du début à la fin du film, par la beauté des paysages, la splendeur de la nature et l’originalité du thème et du scénario. Tant mieux.
Le film avec ses trois titres et trois calligraphies distinctes : en français
"les yeux secs", en arabe "Al Ouyoune al Jaffah" et en tifinagh "Allen Zaouanine" est, en plus de son contenu, un hymne à la pluriculturalité. Il fera, sûrement, acte dans l’histoire du cinéma marocain et africain de par son originalité et son thème osé, mais bien dosé. Et c’est parce que Narjiss Nejjar a osé soulevé un bout du voile sur la prostitution que ceux qui n’osent rien en dehors d’un conservatisme laminant n’ont pas jugé utile de l’aider. Fallait-il se plier, autrement, je veux dire socialement, pour avoir des miettes ?
"Les yeux secs" est original à plusieurs égards. Car en dehors des acteurs professionnels, les figurants et surtout figurantes (pour rappel le film est fait par une femme et traite des femmes), ont joué leur propre rôle sur leur propre terroir. De vieilles berbères, usées par le temps et l’attente, ont montré et démontré, dans leurs tenues et dans leur langue maternelle, le berbère, que le Maroc dans sa texture composite est une richesse que les myopes ont peine à voir. Et des myopes éclairés il y en a, et en nombre impressionnant à des postes clés. Verront-ils cette réalité qui crève les yeux maintenant qu’elle est portée à l’écran ? Oui à condition de ne pas la regarder au travers du double vitrage, pour ne pas dire blindage, de leur villa-palais.
Narjiss Nejjar, diplômée de l’EFRA (Ecole supérieure de la formation à la réalisation et à l’audiovisuel) a fait aussi des études universitaires d’art plastique à l’Université Paul Valéry de Montpellier. C’est dire que l’art dans toute sa splendeur est bien acquis, par la jeune cinéaste-réalisatrice, et lui permet de saisir ce qui demeure insaisissable à des visions classiques, qui se cachent derrière l’authenticité ou la tradition.
L’espoir du Maroc, et la réalité quotidienne le prouve, est du côté des jeunes ; avis aux élites classiques et aux partis politiques

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