L’entraide judiciaire entre la France, le Maroc et les Pays-Bas

24 mars 2005 - 14h47 - Monde - Ecrit par :

Puisque le système juridique de chaque pays est étroitement lié à sa propre culture, il est permis de supposer que chaque pays a une criminalité propre que chaque pays a le droit pénal qu’il mérite. Cela pourrait également être un résumé très rapide de notre sujet d’étude. Toutefois, pour mieux comprendre l’entraide judiciaire entre les Pays-Bas, la France et aussi le Maroc, il est nécessaire de connaître le fonctionnement juridique de chaque pays ainsi que leurs différences culturelles, religieuses et juridiques. Influencés par les mêmes grands philosophes et sociologues de droit et parfois issus de la même source, les systèmes juridiques nationaux se sont développés de leur propre manière.

Ceci est certainement le cas dans le domaine du droit pénal et de la procédure pénale. En effet, le contrôle pénal et l’application des mesures de contraintes sont les compétences exclusives de l’Etat souverain.

Au moment où les frontières se faiblissent, voire disparaissent littérairement, la voie est ouverte pour une criminalité sans frontières. Il n’est donc pas une surprise que l’inter compatibilité des systèmes juridiques se trouve à ce jour au centre de tous les intérêts.

Cette étude concerne la description et la comparaison du système néerlandais et français. En y envisageant une dimension politique et culturelle, il démontre que la solution pour améliorer les possibilités n’est pas qu’une question des opérations techniques au niveau de système ou des décisions politiques : connaissance, compréhension, empathie et respect sont, en fait, des ingrédients afin d’obtenir une coopération policière et judiciaire réussissant entre les pays.

Deux thèmes peuvent être dégagés de l’ensemble des textes, de l’étude des systèmes juridiques de trois pays et des rencontres avec des interlocuteurs : universitaires, juges, policiers, parlementaires, diplomates, journalistes, avocats afin de mieux comprendre l’entraide judiciaire dans les trois pays.

Tout d’abord, il convient de remarquer qu’en dépit de leurs différents points de vue concernant la problématique des drogues, l’amélioration actuelle de la coopération policière et judiciaire entre la France et les Pays-Bas est le résultat d’un travail intense de tous les participants.

Aujourd’hui, il est un fait que les interactions et les coopérations dans les domaines très divers ont véritablement changé le ton avec lequel les autorités policières et judiciaires se parlent. A ce titre, il convient de féliciter ces deux pays.

Le secret de ce progrès considérable est selon tous les intervenants dû à l’effet des contacts directs. Autrement dit : une des conditions essentielles dans une coopération bilatérale est le fait de connaître et d’être connu les uns des autres.
Ensuite, il faut approfondir la pratique de l’entraide judiciaire qui a tété élargie à l’entraide judiciaire avec le Maroc.

Les trois pays ne sont pas seulement concernés par les extraditions mais également par leur devoir constitutionnel commun d’améliorer les rapports internationaux et puis, notamment pour les immigrés de nos jours et d’hier, de faciliter les transferts des dossiers familiaux, de travail, de retraite, des allocations familiales des immigrés actuels ainsi qu’anciens, notamment marocains.

Mais, en général, notamment avec l’installation d’un officier néerlandais de liaison en France et un officier français de liaison aux Pays-Bas ainsi que récemment celui d’un officier néerlandais de liaison à Rabat, il convient d’observer que la France et les Pays-Bas sont de plus en plus sur la bonne voie de combler ce hiatus.

D’ailleurs, sans vouloir ignorer l’histoire particulière de chaque pays, nous réfléchissons sur un grand nombre d’idées dans le but d’améliorer l’entraide judiciaire entre les trois pays.

En bénéficiant de l’expérience acquise dans l’entraide judiciaire franco-néerlandaise, il est possible de réfléchir sur une amélioration de l’entraide judiciaire euro-marocaine. Ainsi, s’en suivent les idées ci-après :

• Pour se comprendre et instaurer la confiance réciproque, il est fondamental de favoriser des coopérations, des échanges, ainsi que les mises en réseau d’associations locales dans divers domaines : la vie sociale, religieuse, économique, scolaire, universitaire, etc.....

D’ailleurs, pour valoriser ces échanges à long terme, il est essentiel que les enfants y commencent à bas âge pour que ces échanges puissent se consolider.

• En ce qui concerne les difficultés linguistiques, il est souhaitable d’installer des auxiliaires linguistiques auprès des tribunaux de Grande Instance en France, au Maroc et aux Pays-Bas, c’est-à-dire un assistant linguistique en anglais et en arabe pour la France et un assistant linguistique français et arabe pour les Pays-Bas.

De même, des assistants en anglais pour le Maroc. Pour y parvenir, il convient de suivre l’exemple de la pratique de l’enseignement du français dans les pays du Maghreb : c’est-à-dire les pays de la Communauté européenne pourraient commencer l’apprentissage des langues étrangères dès l’âge de 9 ans.

De même, pour mieux apprendre une langue étrangère, il est d’ailleurs important que les programmes de télévision soient présentés en version originale et sous-titrée.

• Pour améliorer la connaissance des cultures de chacun, il est favorable de mettre en place de l’instruction civique euro-méditerranéenne afin que les diverses religions, cultures ainsi que l’histoire coloniale... puissent être enseignées d’une manière le plus objective dans l’enseignement primaire et secondaire.

• En vue de l’intérêt croissant ainsi que la volonté de vouloir coopérer dans les domaines des deux rives de la Méditerranée de la science, de la justice, de la police et de la science linguistique, il est vivement recommandé de créer une Académie sur le pourtour méditerranéen.

Le Maroc serait- en symbolisant « une ouverture » entre les deux continents - le candidat par excellence pour exécuter cette mission. Toutefois, en dépit des investissements considérables d’un tel projet, un rendement sera assez rapidement visible. En effet, lors de leurs stages, ces étudiants contribueront avec une grande certitude à l’amélioration de la coopération entre l’Europe et les pays méditerranéens.

• Face au nombre considérable de récidives, il est conseillé de mettre en place un programme d’assistance post-pénale européenne pour les anciens détenus marocains dans les prisons en France et aux Pays-Bas. Ce service pourrait être financé par la Communauté européenne ainsi que (partiellement) par le détenu moyennant ses activités payées en prison.

• La mise en question de l’organisation décentralisée (25 régions) en Hollande, c’est-à-dire favoriser l’adaptation de son organisation policière à l’égards des pays européens ainsi qu’un contrôle plus strict et sévère du fonctionnement du phénomène du « coffee shop » en Hollande est souhaitable.

• L’idée que les conventions, actuellement en vigueur entre la France et le Maroc, puissent servir aux Etats membres de la Communauté européenne, ceci pourrait apporter une valeur ajoutée aux Etats membres.

• L’idée que le droit sur l’aide juridictionnelle en vigueur dans un pays puisse être également appliquée dans un autre pays, si la présence d’un avocat est nécessaire.

• Afin que les juges en formation soient plus expérimentés et capables plus favorablement de répondre au grand nombre des demandes d’entraide judiciaire, il est - à notre avis - important que lors de leur formation, ils puissent effectuer, un stage au sein d’un organisme judiciaire dans un autre pays. En effet, les juges stagiaires apprennent le système juridique d’un autre pays afin de mieux comprendre les différences juridiques.

• Enfin, pour contribuer à une croissance positive sur le pourtour méditerranéen, il est intéressant de réfléchir sur les deux idées suivantes :
a) - Créer pour les jeunes personnes qualifiées (mais encore sans emploi) la possibilité de se rendre utiles dans un des pays méditerranéens.
b) - Il convient de motiver les entreprises européennes à importer les produits des pays maghrébins.

Pour ce faire, il semble à priori que l’entraide judiciaire entre la France, le Maroc et les Pays-Bas a tout à gagner de la mise en place des investissements pour le développement de l’enseignement de l’arabe, du français et du néerlandais.

Réflexion sur les conditions d’une coopération multilatérale*

*Cet article est basé sur la thèse “L’entraide judiciaire franco-néerlandaise, un modèle pour le Maroc ?”, écrite par David KREFT sous la direction de Madame Martine LE FRIANT et Madame Béatrice CHAPLEAU, professeurs à l’Université d’Avignon.

David KREFT - Le Matin

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