Raison pour laquelle, le Conseil des ministres de l’UE, qui ne peut se prononcer qu’après l’avis des Eurodéputés, est sur la voie de demander au Parlement la procédure d’urgence pour inscrire ce dossier à l’agenda de sa mini-session plénière des 26 et 27 avril à Bruxelles. Cette procédure permet de transférer le dossier, même sans rapport, directement en session plénière du Parlement pour en débattre, établir des amendements et voter une résolution. L’idée pour la Commission européenne et le Conseil des ministres serait de forcer la cadence pour être en mesure de signer l’accord de pêche début mai afin que celui-ci puisse entrer en vigueur avant l’été 2006.
D’aucuns estiment que si une telle demande de procédure d’urgence est présentée par le Conseil des ministres, les députés européens la rejetteraient sans aucun doute tout en prenant toutefois l’engagement de traiter le dossier dans les plus brefs délais. Les députés seront fixés sur l’acceptation ou pas de cette procédure d’urgence lors de l’ouverture de la session plénière du Parlement européen du 3 au 6 avril à Strasbourg. Une chose est tout à fait sûre : les députés européens n’acceptent pas d’être bousculés par la Commission et le Conseil des ministres alors que, estiment-ils, ces derniers ont pris tout leur temps pour les saisir du dossier. En effet, si l’accord de pêche a été conclu en juillet 2005, ce n’est qu’en février 2006 que celui-ci a été présenté officiellement par la Commission européenne aux membres de la commission de la pêche du Parlement, après avoir subi un toilettage technique en janvier 2006. Les députés expliquent également que ce dossier a pris du retard parce que le texte de l’accord de pêche n’a pas encore été traduit dans toutes les langues.
De son côté, le rapporteur du Parlement sur l’accord de pêche, le Galicien Daniel Varela, explique que s’il n’a pas encore entamé la rédaction de son texte, c’est en raison, dit-il, des clarifications techniques que la Commission européenne et le Maroc seraient encore en train de finaliser, notamment en ce qui concerne les débarquements de poissons dans les régions côtières qui, à ses yeux, constituent un volet important de l’accord destiné à aider au développement des populations locales et dont les dispositions devraient être mieux clarifiées par la Commission européenne. « Je ne peux tout de même pas rédiger mon rapport alors que le texte de l’accord n’est pas encore finalisé », a-t-il déclaré à l’intention de la Commission. Cette dernière soutient que l’accord est au contraire fin prêt et que, s’il subsiste quelques précisions à apporter au texte, celles-ci relèveraient plutôt de détails techniques cosmétiques.
Last but not least, certains membres de la commission de la pêche, notamment les verts européens, ont soulevé la question du champ d’application de l’accord aux régions côtières du Sahara. En dépit des avis des services juridiques de l’UE, ceux-ci estiment que l’accord de pêche ne devrait pas s’étendre aux eaux en face du Sahara. Selon des sources officieuses de la commission de la pêche, tous les groupes politiques, à l’exception du parti populaire européen, auraient donné leur accord pour se consulter en vue de lancer une invitation officielle à l’ambassadeur marocain auprès de l’UE, Menouar Alem et à un représentant du Front polisario, afin de venir s’exprimer devant la commission de la pêche pour donner leur avis sur l’accord de pêche Maroc/UE. Interrogé à ce sujet par L’Economiste, le diplomate marocain a confié qu’il « n’est pas informé officiellement d’une éventuelle invitation à venir s’exprimer devant les membres de la commission de la pêche ». A ses yeux, l’accord de pêche a été conclu en juillet 2005 et qu’après un toilettage cosmétique en janvier 2006, celui-ci est actuellement en cours de ratification au niveau du Parlement européen puis du Conseil des ministres de l’UE. Sur le fond tout est conclu ».
De plus, ajoute Menouar Alem, sur la question des eaux côtières du Sahara « les avis juridiques des trois institutions européennes (Conseil, Parlement et Commission européenne, ndlr) ont tous convergé vers la totale légalité de l’accord de pêche conclu avec l’Union européenne ».
Avant de donner son avis, la commission du développement du Parlement européen a, elle aussi, pris soin de demander l’avis du service juridique du Parlement sur la question de savoir si l’UE pourrait accepter de signer un accord qui autoriserait les bateaux européens à pêcher dans les eaux de l’ancien Sahara. La réponse du service juridique a été positive et, d’après celui-ci, ce qui est important c’est qu’une part de la contribution financière de l’UE soit destinée au développement des populations locales du Sahara.
Le service juridique suggère donc au Parlement européen de s’assurer auprès de la Commission européenne et du Conseil des ministres qu’ils « exigent du Maroc les nécessaires garanties à ce propos et que l’UE envisage de suspendre l’accord de pêche au cas où les populations du Sahara ne reçoivent pas une partie de la contribution financière ».
Aziz Ben Marzouq - L’Economiste