Caravane tu n’iras, citoyen tu périras

24 janvier 2013 - 10h28 - Maroc - Ecrit par :

Cela fait maintenant plus d’une année que le gouvernement Benkirane a été nommé. Une période durant laquelle on a eu droit à un florilège de déclarations et de décisions politiques dont l’aspect va du plus utile au plus extravagant. Cependant, de temps à autre on a droit à des épisodes qui nous laissent pantois vis-à-vis de la scène politique marocaine et ses dédales de gouvernance. Après l’interdiction d’un speech du chef du gouvernement à Tanger et le tabassage du parlementaire du PJD par les forces de l’ordre, vint le tour à l’interdiction des caravanes de solidarité avec les régions enclavées du Maroc.

Les trois faits cités émanent tous des prérogatives ministère de l’intérieur. Ministère régalien des plus importants pour l’état et dont les clés échappent encore à Benkirane. Si l’interdiction de Benkirane l’humilie une énième fois et la bastonnade du député touche à sa dignité en tant que citoyen avant d’être un représentant du peuple, l’interdiction d’une caravane de solidarité ne peut en aucun cas faire l’objet d’une justification. C’est unanimement un crime des plus condamnables.

Nombre de citoyens, d’associations et de bienfaiteurs se sont déplacés dans maintes régions désenclavées du Maroc, où le froid et la mort ne font que rôder. Les décès des citoyens et leur précarité ont mobilisé maintes personnes qui ont amené des denrées, des couvertures et autres habits en guise d’aide à ces contrées. L’état marocain a royalement failli encore une fois à garantir des conditions respectables à ces parcelles de territoire. Peut-être parce qu’elles font encore partie de ce qu’on appelle « Le Maroc non utile ». Bref, l’unique intervention du gouvernement consistait à roder des communiqués officiels pour « démentir » les cas des décès des nourrissons ayant succombé à cette vague de froid.

Les caravanes continuaient d’affluer vers Anefgou et autres régions, certaines avec spontanéité et bénévolat, d’autres pour pratiquer le « safari-photo-associatif ». Peu importe, dans les deux cas les citoyens désenclavés recevaient de l’aide, ce qui est le plus important. Mais le ministère de l’intérieur ne pouvait guère accepter cela pour longtemps. Selon sa pensée caduque et autoritaire, toute œuvre caritative doit être cadrée dans une campagne officielle. Durant celle-ci on bombera torses et poitrines avec un badge jaune flamboyant pour montrer sa soi-disant solidarité. On veut consacrer le monopole du caritatif, en faire un phénomène saisonnier et bien régulé de façon à ce qu’il soit toujours chapeauté par le premier bienfaiteur du pays. Ignoble.

Le ministère de l’intérieur déclare que ces caravanes sont sournoisement utilisées par certains groupes islamistes pour « galvaniser » et endoctriner les foules. Trouvaille du siècle. On ne peut nier que certains groupes islamistes, au Maroc ou ailleurs, usent du social pour gagner des adeptes. Mais serait-ce une raison suffisante pour interdire toute caravane de la sorte ? Devrait-on laisser les gens mourir de faim et de froid au risque qu’ils aient des affinités avec certains groupes ? Demandons-nous, où est cet Etat ? Le ministère de l’intérieur, qui a à sa disposition des montants exorbitants encaissés dans ses « caisses noires » et qui servent à financer ses sbires entre autres usages, ne peut-il user de cet argent pour désenclaver ces régions ? Non, on préfère la force, la répression et l’interdiction. C’est ce que les « sujets » méritent, nous disent-ils.

Au-delà des déclarations tordues de Benkirane, au-delà de la fameuse « interprétation démocratique » de la nouvelle constitution qui nous emmerde les tympans, au-delà de toute cette mascarade et hérésie politique, ces interdictions de caravanes répugnent et nous poussent à crier : marre, on en a marre.

Mahdi Zahraoui

Bladi.net Google News Suivez bladi.net sur Google News

Bladi.net sur WhatsApp Suivez bladi.net sur WhatsApp

Sujets associés : Caritatif - Pauvreté - Anfgou - Gouvernement marocain

Ces articles devraient vous intéresser :

Écoles privées au Maroc : hausse des frais et colère des parents

Des écoles privées ont décidé d’augmenter les frais de scolarité à la prochaine rentrée au grand dam des parents d’élèves. Préoccupée, une députée du Parti du Progrès et du Socialisme (PPS) appelle le gouvernement d’Aziz Akhannouch à agir pour empêcher...

Bonne nouvelle pour les salariés marocains

Les salariés marocains peuvent se frotter les mains. Des mesures fiscales qui leur sont favorables sont consignées dans le projet de loi de finances (PLF-2025).

Maroc : remaniement ministériel imminent

Le Chef du gouvernement marocain, Aziz Akhannouch, prévoit de réaménager son équipe. Certains ministres devraient perdre leurs postes.

Transport via applications : le Maroc prépare une réglementation stricte

Le gouvernement d’Aziz Akhannouch s’active pour la régulation du transport via les applications mobiles. Dans ce sens, Mohamed Abdeljalil, ministre du Transport et de la Logistique, et ses collaborateurs entendent élaborer une charte nationale pour le...

Maroc : ces ministres qui veulent quitter le gouvernement

Alors que de nombreuses rumeurs font état d’un remaniement, certains ministres sont impatients de quitter le navire d’Aziz Akhannouch pour diverses raisons. Qui sont ces membres du gouvernement ?

Immobilier au Maroc : ces logements fantômes qui aggravent la crise

De nombreux logements vacants sont recensés au Maroc. Le gouvernement d’Aziz Akhannouch travaille à trouver une solution à cette problématique.

Immobilier au Maroc : des loyers moins chers

Le gouvernement marocain entend créer un produit immobilier adapté aux capacités financières de la classe moyenne, tout en garantissant des standards de qualité et de confort. Dans ce sens, il a lancé une mission d’assistance visant à organiser un...

Au Maroc, les agences de voyage en péril ?

Au Maroc, les inquiétudes sont de mise au sein des agences de voyage. En cause, la récente mise en conformité à la loi 11-16, encadrant l’exercice de cette activité.