Discriminations à l’embauche : ça ne va plus être possible

24 novembre 2002 - 14h35 - France - Ecrit par :

La photo de groupe a de quoi surprendre. Côte à côte, l’éminence grise du patronat français, Claude Bébéar, président du Conseil de surveillance d’AXA et stratège, chez Vivendi, de l’éviction de Messier ; les PDG de Schneider, Suez, Mac Donald’s et... Malek Boutih, président de SOS Racisme.

Inutile de chercher l’intrus, il n’y en a pas : à la fin du mois d’octobre, la fine fleur du patronat français et l’association anti-raciste ont décidé d’unir leurs efforts pour remédier au récurrent problème de la discrimination à l’embauche qui frappe les jeunes diplômés issus de l’immigration ou simplement nés dans des quartiers jugés sensibles. Les initiateurs de cette campagne baptisée « Ça va être possible » (allusion à la chanson de Zebda « Ça va pas être possible ») se sont mis d’accord pour, dans une première phase, trouver 1.000 emplois à ces jeunes diplômés. SOS Racisme centralise les CV puis les dispatche vers les entreprises partenaires de l’opération, à charge pour elles d’assurer les entretiens d’embauche. Le recrutement n’aura rien de mécanique. L’opération offre avant tout la possibilité, pour de jeunes diplômés, d’accéder à ces fameux entretiens et d’y faire valoir leurs compétences. Car trop souvent, leur patronyme les en exclut d’office. L’initiative marque une rupture dans l’histoire déjà longue du traitement des discriminations : « Les avancées législatives ne permettent pas à elles seules de mettre un terme aux discriminations », indique SOS Racisme. C’est donc en fait la notion de discrimination positive qui fait son apparition. Selon Claude Bébéar, « on les prend parce qu’ils ont la qualification demandée, mais à niveau égal, on les choisira pour rétablir l’équilibre ».

UN MAL RECURRENT
Même si un chiffrage précis est impossible, il ne fait aucun doute que les discriminations taraudent toujours la société française. Dès 1998, le Haut Conseil à l’Intégration tirait la sonnette d’alarme : « Loin d’avoir régressé, les discriminations en matière d’emploi n’ont cessé de s’étendre sous l’effet du chômage et de la progression de la xénophobie dans le monde du travail ». En 1999, l’INED et l’Insee ont évoqué une « sous-employabilité des jeunes d’origine étrangère, alors qu’ils ont atteint des niveaux élevés de diplômes ». En mai dernier, enfin, le Conseil économique et social enfonçait le clou en évoquant « des pratiques discriminatoires récurrentes et qui ont tendance à s’accroître ». Les PME sont certes plus ouvertes, certains métiers, notamment l’informatique, sont plus facilement intégrateurs. Mais une sorte de loi semble interdire durablement à certains les fonctions commerciales, comme si les DRH anticipaient le racisme des clients. De même, l’avancement est plus délicat pour les jeunes beurs. Quelques histoires individuelles jettent une lumière crue sur les humiliations subies. Ainsi, l’an dernier, Abdelatif, 25 ans, Deug d’allemand et BTS commercial en poche, est devenu Thomas, après passage devant le juge des affaires familiales. Un changement patronymique qui lui a quasi instantanément ouvert les portes des Directions de ressources humaines, après de longs mois passés sans la moindre réponse. Mais est-il sain d’en arriver à cette extrémité ? Certains professionnels du recrutement en doutent. Mais le problème reste entier : comme en témoigne l’expérience d’une promotion de 75 élèves de DUT en région parisienne. A la fin de leurs stages en entreprise, presque tous ont été embauchés. Sauf huit : huit maghrébins....

A suivre ...

Bladi.net Google News Suivez bladi.net sur Google News

Bladi.net sur WhatsApp Suivez bladi.net sur WhatsApp

Sujets associés : France - Racisme - Axa Assurances - Emploi

Ces articles devraient vous intéresser :

Bonne nouvelle pour les salariés marocains

Les salariés marocains peuvent se frotter les mains. Des mesures fiscales qui leur sont favorables sont consignées dans le projet de loi de finances (PLF-2025).

Agression sauvage d’une femme voilée dans un magasin LiDL à Marignane

Le Conseil français du culte musulman (CFCM) réagit à « l’agression raciste et antimusulmane dont a été victime une femme de 42 ans en situation de handicap, portant un voile et récemment affaiblie par un traitement de chimiothérapie. » L’organisation...

La carte Jawaz fait de nouvelles victimes au Maroc

La Société nationale des autoroutes du Maroc (ADM) a décidé de licencier tous les employés chargés du rechargement des cartes de paiement prépayé « Jawaz », à la fin de ce mois d’août.

Tourisme : le Maroc affiche ses ambitions

Lentement mais sûrement, le Maroc fait un grand pas vers la concrétisation de son ambition d’accueillir 26 millions de visiteurs d’ici 2030, avec un objectif intermédiaire de 17,5 millions de touristes et la création de 200 000 emplois d’ici 2026.

En fin de compte, les fonctionnaires marocains (très) bien payés

Le gouvernement marocain a revu à la hausse les salaires des fonctionnaires et agents de l’État. Younès Sekkouri, ministre de l’Inclusion économique, de la Petite entreprise, de l’Emploi et des Compétences, est porteur de cette bonne nouvelle.

Maroc : après un fort rebond, l’économie devrait ralentir en fin d’année

L’économie marocaine, après un troisième trimestre 2024 en fanfare, devrait connaître un léger ralentissement de sa croissance au cours des prochains mois. C’est ce qu’indique le Haut-Commissariat au Plan (HCP) dans son dernier rapport.

Médecins maghrébins en France : l’exil comme solution ?

Après une percée au premier tour des législatives françaises, la perspective de voir le Rassemblement national (RN) présidé par Jordan Bardella, qui place l’immigration au cœur de la campagne électorale, remporter la majorité absolue le 7 juillet,...

Paradoxe au Maroc : beaucoup de chômage et un manque de main-d’œuvre

Au Maroc, les entreprises opérant dans le secteur de la construction et du bâtiment sont confrontés à une pénurie de main-d’œuvre qualifiée, ce qui retarde l’achèvement de nombreux projets d’envergure en cours.