Dmitry Kostyukov pour The New York Times
« Récemment, dans une édition du quotidien Le Monde parue la semaine dernière, de nombreux témoignages de musulmans ayant choisi de quitter la France ont été recueillis, optant pour un retour aux terres natales de leurs parents voire grands-parents, ou pour s’établir dans des nations anglo-saxonnes ou du Golfe, face à un climat de plus en plus hostile. Une réalité déjà mise en lumière le 13 février 2022 par le New York Times, sans susciter de prise de conscience notable », écrit Chems-eddine Hafiz dans un billet intitulé « ’Quel gâchis ! » Émigration musulmane : le cri d’alarme d’une France en perte de diversité’ », publié sur le site de la Grande mosquée de Paris mardi. Cette émigration musulmane ne date pas d’aujourd’hui. « Depuis plusieurs années, les départs se comptent par milliers, une tendance qui s’est nettement accentuée depuis 2015. Le reportage de l’émission ’Les Pieds sur Terre’ sur France Culture du 22 mars 2022 éclaire de manière saisissante cet état d’esprit grandissant parmi les musulmans de France tentés par l’exil », fait-il savoir.
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Après avoir analysé les témoignages, le responsable dégage les causes de cette émigration musulmane. Il évoque notamment « la violence subie par les musulmans de France, qu’ils soient pratiquants ou de culture », devenue alarmante. « Comme le souligne l’article du New York Times, il y a eu une augmentation de 52 % des actes antimusulmans en 2020 par rapport à l’année précédente. De plus, une enquête de 2017 révélait que les jeunes hommes perçus comme Arabes ou Noirs étaient vingt fois plus susceptibles d’être soumis à un contrôle d’identité par les forces de l’ordre », indique le recteur. Autre cause, cette stigmatisation « est exacerbée par un climat politique et médiatique défavorable », pointe-t-il, notant que « depuis de nombreuses années, les musulmans sont la cible de violentes attaques, non seulement de l’extrême droite, mais également de formations politiques se réclamant de l’idéal républicain. » La discrimination sur le marché du travail est l’autre cause identifiée par le recteur, car elle « demeure un obstacle majeur pour les musulmans de France ». À titre illustratif, il cite le rapport gouvernemental publié récemment, lequel indique que « les candidats avec des noms arabes ont 32 % moins de chances d’être contactés pour un entretien d’embauche », et que « de nombreux musulmans qualifiés rencontrent des difficultés à trouver un emploi en raison des préjugés et des stéréotypes. »
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Cette émigration musulmane ne sera pas sans conséquence pour la France. S’il conçoit parfaitement « que chaque individu aspire à une vie où il se sent en sécurité et respecté, quelle que soit sa foi ou ses convictions », Hafiz estime toutefois que « ce départ vers des horizons plus cléments de nos concitoyens musulmans est une perte immense pour la France en termes de talents, de compétences et de contributions ». Il ajoutera : « Les musulmans sont indubitablement un maillon essentiel de notre société, ayant enrichi, qu’on le reconnaisse ou non, notre histoire, notre culture et notre économie. » Et d’interroger : « Posons-nous collectivement la question essentielle : quelle société souhaitons-nous léguer à nos enfants ? Une société multiculturelle, solidaire et unie, où l’amour et l’intérêt pour la patrie priment, surtout dans un monde marqué par de multiples dangers géopolitiques et des incertitudes économiques préoccupantes ? Ou bien allons-nous opter pour une société déchirée par des stigmatisations mutuelles, où les divisions croissantes risquent de marginaliser les citoyens les plus vulnérables, mettant ainsi en péril l’avenir de notre grande nation ? »
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Fort de ces préoccupations, le recteur de la Grande mosquée de Paris appelle les autorités et les citoyens français à jouer leur partition pour un « avenir harmonieux et inclusif ». « Il est crucial que les autorités et les citoyens français rassemblent leurs efforts pour combattre ce fléau. Il est temps de choisir la voie de l’unité et de la solidarité pour construire ensemble un environnement et un avenir plus harmonieux et inclusifs, pour tous les membres de notre société, y compris nos concitoyens musulmans », conclut-il.