Guerre des tomates : le Maroc face à la colère des agriculteurs européens

Depuis quelques mois, la tomate marocaine est attaquée en Europe. En janvier dernier, des agriculteurs français ont brûlé des cargaisons de ce produit marocain et des scènes similaires ont été enregistrées en Espagne ces derniers jours. Entre pénurie d’eau et pression des agriculteurs européens, la filière de la tomate au Maroc est au creux de la vague.

Les agriculteurs européens dénoncent la concurrence du Maroc dont les exportations de tomates ne cessent d’augmenter. « Sur la saison 2022-2023, 424 690 tonnes de tomates marocaines ont été importées en France, contre 394 740 tonnes en 2021-2022, soit une augmentation de plus de 7 %. En valeur, cette augmentation est de plus de 168 millions d’euros, soit 27,5 % », relève l’association des producteurs de tomates et concombres de France. Selon l’accord de libre-échange avec l’Union européenne signé en 2012, le Maroc a un quota d’exportations de 285 000 tonnes de tomate sur le marché communautaire entre octobre et mai, et bénéficie d’un abattement de 60 % de frais de douane.

Les producteurs français demandent la révision de cet accord et du quota accordé au Maroc qui, selon eux, serait en déphasage avec la réalité. Ils font notamment référence à la sortie de la Grande-Bretagne de l’UE (Brexit), un pays qui importait près de 45 000 tonnes de tomates marocaines par an. Pendant ce temps, les exportations marocaines continuent de grimper. La tomate marocaine a inondé le marché français. Actuellement, 6 tomates sur 10 consommées en France proviennent du Maroc. Une situation qui s’explique par une forte progression dans le royaume. « Un hectare qui donnait en moyenne 300 kg par jour a donné plus d’une tonne cette saison », confiait en février dernier un producteur d’Agadir au quotidien Le Monde.

En France, les producteurs de tomates ont été affectés par la crise ukrainienne qui a conduit à la flambée du prix du gaz, utilisé pour le chauffage des serres, et à la baisse de leur production de 13 %. Le Maroc, lui, consacre environ 7 500 hectares à la production de tomates, avec des rendements de 300 à 350 tonnes par hectare. La grosse part de cette production est réalisée par des entreprises françaises, en association avec des entreprises marocaines. Parmi elles, on compte Azura, fruit d’une coopération entre l’homme d’affaires marocain, Mohamed Tazi, et l’entrepreneur breton, Jean-Marie Le Gall. Le Marocain a aussi créé avec le Français Pierrick Puech le groupe Idyl, spécialisé dans l’exportation de tomates vers la France.

Les autorités marocaines ont porté plainte pour la destruction de leurs cargaisons de tomates en France et en Espagne. Reste à savoir si ces actions en justice vont prospérer. « Au lieu de faire la guerre contre un importateur X ou Y, ils devraient s’attaquer à la différence des prix entre celui donné au producteur et celui facturé au consommateur. Les vrais responsables sont les grandes surfaces, pas nous », assurent des professionnels d’Agadir. Une chose est certaine, la tomate marocaine n’a pas le vent en poupe en Europe. Face à cette situation, ajoutée à la pénurie d’eau et aux infections répétées de virus, certains exportateurs marocains recommandent de se tourner vers la Russie.