Karim Kadiri, apôtre du jazz à l’orientale

16 mars 2008 - 23h07 - Culture - Ecrit par : L.A

Après vingt ans aux Etats-Unis et deux albums, Karim Kadiri, talent caché du paysage musical marocain, revient envahir le royaume de ses mélodies de luth relevées d’une touche de jazz. Au volant de sa Suzuki, Karim Kadiri ne peut s’empêcher de fredonner. Les voitures et la musique sont deux domaines que connaît bien ce Casablancais, ex-émigré aux Etats-Unis. À plus de quarante ans, ce grand gaillard a troqué les vrombissements de moteur contre les rythmes du oud, abandonnant son emploi de “salesman” à Philadelphie, pour revenir conjuguer sa passion au battement de cœur de son pays natal. Et lui offrir un melting-pot de jazz et de musiques arabes classiques. “Egyptienne”, tient-il à préciser.

Ses influences, il les égrène comme un palmarès : “Oum Kalthoum, Ryad El Sanbati et Mohamed Abdelwahab”, découverts et appréciés en famille dès son plus jeune âge. Il poursuit seul son initiation musicale… en bifurquant vers le jazz. “Chick Corea, Al Di Meola, Keith Jarrett : mes idoles !”. Des noms qui l’appellent de l’autre côté de l’Atlantique.

Il s’envole alors, à 21 ans, pour la Côte Est. En poche : 300 dollars et un pied-à-terre chez un oncle. En tête : son rêve américain et des artistes de jazz. La désillusion sera rapide. De l’Amérique, il garde l’image d’un pays rongé par le marketing et le business. “On ne porte pas attention au talent”, lâche-t-il, révolté comme au premier jour. “Je pensais être dans le bain, avec des gens qui partageaient mon amour du jazz. Mais j’ai été surpris que mes héros américains soient si peu reconnus dans leur pays”.

De Philadelphie à Casa

L’incompréhension tiraille le jeune homme pendant près de trois ans, avant de rencontrer celle qui deviendra sa femme, puis une amie, et de s’intégrer petit à petit. Tour à tour pizzaïolo, livreur puis serveur, il se réfugie dans la musique. À force de répétitions, les cordes du oud n’ont plus de secret pour lui. Entre-temps, le jeune homme avait atterri chez un concessionnaire Volvo qui le couronnera en 1998 “Meilleur vendeur du monde”. “Je vendais jusqu’à 75 voitures par mois !”, s’exclame-t-il, avec la fierté de celui qui n’a pas fini son cycle secondaire.

L’artiste apprécie toujours la marque suédoise et c’est d’ailleurs au volant qu’il trouve la plupart de ses textes. Son quotidien post-11 septembre, l’amour, l’amitié et la fraternité inspirent son premier album solo, Shades of Brown. Paroles, chant, composition, arrangements… Karim est sur tous les fronts.

Il suffira ensuite d’une rencontre pour qu’une nouvelle aventure commence. Lors d’un concert, il interpelle le jazzman Barry Sames. C’est “l’étincelle” entre les deux hommes, suivie d’une série de répétions. “Juste pour le fun”. Le duo fonctionne bien : Karim à l’artistique, Barry à la technique. S’ajoutent au fur et à mesure batteur, bassiste, pianiste et saxophoniste, jusqu’à la formation du groupe M’Oud Swing.

Départs et arrivées se succèdent, jusqu’à l’interaction parfaite entre les membres et la sortie d’un second album, en 2007. Les six acolytes, six parcours de Casablanca à Cuba, se retrouvent autour d’une volonté : créer une nouvelle fusion. Le résultat est (d)étonnant : le métissage des sonorités chaudes du luth et le phrasé jazz fait alterner les rythmes énergiques et des mélopées plus mélancoliques. “C’est Miles Davis qui rencontre Ryad El Sanbati”, tente-t-il de synthétiser. Le groupe parcourt le pays, de concerts en festivals, avant que Karim ne finisse par “détester les Etats-Unis et leur fierté mal placée”.

Lors d’un retour au pays, au début des années 2000, il ouvre ses petits yeux marron sur “ce Maroc nouveau”. C’est le déclic : “J’ai compris combien j’étais malheureux aux USA”. Difficile de tirer un trait sur vingt ans de business et d’amitié, mais la chaleur humaine et la solidarité familiale retrouvées le décident à rentrer. Quelques allers-retours plus tard, histoire de tâter le terrain et organiser ses contacts musicaux, il pose définitivement ses valises et sa musique dans le quartier du Maârif, où il avait commencé à travailler dans la boutique paternelle. Après deux décennies d’absence, pas un soupçon de dépaysement ne pointe. “C’est comme si je n’étais jamais parti”, confie-t-il, tout sourire. Jeans, tee-shirt et lunettes noires, il se plaît à arpenter les trottoirs, entretenant son allure sportive. Mais pas le temps de flâner : l’artiste-businessman a “un millier de projets”. Marketing, marché automobile, musique… mais d’abord recréer une même complicité avec un nouveau groupe local. Et s’acheter une Volvo !

Source : TelQuel - Wafaa Lrhezzioui

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