Depuis l’éclatement du scandale de corruption connu sous le nom de « Qatargate », les difficultés pour renvoyer les Marocains déboutés de leur demande d’asile vers leur pays d’origine se sont accrues.
À quelques encablures de l’Europe, le Maroc était le plus indiqué pour servir d’exemple à la mise en œuvre du concept de "co-développement". Il n’en a rien été. Et tant qu’il en sera ainsi, l’Europe aura toujours besoin d’immigration adéquate et nous aurons toujours un potentiel intarissable d’immigration clandestine.
Le phénomène de l’immigration n’a pas échappé aux anecdotes du génie populaire. “La dernière" est toujours une variante revue et tonifiée, mais la souche ne varie pas. C’est l’appel du large, le désir de partir. Ouvrez les frontières, faites sauter le verrou du visa, susure-t-on dans les quartiers pauvres tout comme dans les quartiers riches, et le pays sera dépeuplé.
Caricature et grossissement des faits pour les besoins de l’anecdote, mais la réalité n’en est pas moins intangible. Elle se résume en un seul mot : partir. Partir pourquoi ? Partir vers quoi ?
Le Maroc a toujours été un pays ouvert. Il a même été un pays d’accueil, avant de devenir un point de départ. L’immigration marocaine ne date pas d’hier. Elle remonte au début du siècle ; elle a connu une courbe ascendante jusqu’à devenir un problème, une source d’inquiétude et de conflit des deux côtés de la Méditerranée.
Au Maroc, les MRE sont évalués à l’aune de leurs transferts de devises.
Impulsion
En Europe, principalement, ils constituent un enjeu de politique intérieure ; une carte électorale. Pour preuve, le retour au pouvoir de la droite, un peu partout dans les pays de l’Union européenne -L’Espagne, l’Italie, le Portugal, la Hollande et la France, en font partie- avec un cheval de bataille qui porte droit dans les urnes : l’immigration.
Toute généralisation réductrice mise à part, l’ampleur du phénomène amène à se demander s’il y a réellement des raisons de départ pour justifier une aventure à l’aboutissement plus qu’aléatoire, voire suicidaire.
Les spécialistes appellent cela : les facteurs d’impulsion et les facteurs d’attraction. En termes plus clairs, si l’Europe, les Etats-Unis, le Canada ou même l’Australie sont des eldorados supposés, avec tout le risque de déception, parfois mortelle, que cela suppose, c’est que le Maroc ne peut être qu’un enfer vécu.
Ni l’une, ni l’autre de ces hypothèses n’est vraie. Et pourtant la tentation d’aller vers un mieux être hypothétique n’a jamais été aussi forte. Reprenons les termes techniques des spécialistes.
Attraction
Côté impulsion. Pas la peine de reprendre le listing de nos tares structurelles qui sont autant de motifs valables de départ. Disons, pour résumer, que le ver est dans le fruit, et que le fruit n’est pas particulièrement sain. En gros, c’est essentiellement le chômage croissant des jeunes et son corollaire évident, l’absence de perspectives pour se faire une place au soleil.
Ceci pour l’impulsion migratoire de masse. Sauf que le ver devient plus insidieux et le fruit vraiment pourri, lorsque des nationaux à l’abri du besoin -et même un peu plus- se font précéder de leurs pactoles, avant d’embarquer avec femmes, enfants et bagages.
Il y en a même qui envoient leurs femmes enceintes accoucher aux Etats-Unis, là où règne le droit du sol. En fait, les candidats nantis à l’immigration, ne le sont jamais totalement.
Ils s’arrangent pour être un peu ici, beaucoup là-bas, ou l’inverse, selon la conjoncture. Mais face à cette impulsion qui pousse hors-frontières le bas et le haut de la pyramide sociale, seule une classe moyenne résiduelle semble s’accrocher, de manière presque résignée, à ses maigres droits acquis au pays.
Côté attraction, les choses sont encore plus complexes.
Quoi qu’en disent les pays de l’Union européenne, ils ont un besoin vital d’immigration. Besoin démographique pour compenser le déficit de natalité et le vieillissement de la population. Besoin économique pour faire tourner la machine de production.
Le président français, Jacques Chirac, l’a confirmé lors du discours du 14 Juillet 2002. C’était évidemment après les dernières élections. Cette réalité est une sorte d’effet retour de la roue de l’histoire. Elle est cependant mal vécue par l’Europe.
D’où la transformation de l’immigration en spectre d’insécurité quotidienne, en réservoir de concurrence déloyale sur le marché du travail, en menace de “desidentification" culturelle et sociale, bref en matière à campagne électorale.
Ces fantasmes politiciens ne résistent pas à la réalité statistique. La part de population étrangère est en fait relativement faible en Europe : entre 5 et 6,5%, contre 10% aux USA, et 20% en Australie et au Canada. En France, elle est de 6,8% contre près de 9% en Allemagne.
Les études objectives confirment ce qui transparaît rarement dans les discours politiques.
L’Europe a plus que jamais besoin de main-d’œuvre semi-qualifiée, qualifiée, ou hautement qualifiée. Du bâtiment aux nouvelles technologies de l’information, en passant par les petits métiers qui nécessitent un savoir-faire manuel, les besoins de l’Europe se chiffrent en dizaines de millions d’immigrés.
Tous les analystes s’accordent sur le fait que l’immigration crée une plus forte demande de biens et services.
De plus les immigrés offrent une main d’œuvre flexible, ce qui compense en partie le manque de mobilité géographique de la population autochtone.
Réalité
L’économie ayant horreur du vide, il faut bien organiser ce flux migratoire pour que les immigrants répondent aux profils de la demande. Autrement dit -il faut bien lâcher le mot, j’allais dire lâcher le morceau- comment éviter l’immigration clandestine ?
Le terme consacré est “le co-développement". Comme tous les termes consacrés, celui-ci s’est avéré un vocable creux. Il s’agit, en théorie, d’investir dans les pays de départ pour fixer les populations sujettes à l’émigration clandestine. À quelques encablures de l’Europe, le Maroc était le plus indiqué pour servir d’exemple à la mise en œuvre du concept de “co-développement".
Particulièrement pour la zone Nord. Il n’en a rien été. Et tant qu’il en sera ainsi, l’Europe aura toujours besoin d’immigration régulière et adéquate et nous aurons toujours un potentiel intarissable d’immigration clandestine.
Source : Maroc-hebdo
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