Nouzha Chekrouni / immigration clandestine : "Nous en appelons à l’Europe"

8 décembre 2003 - 16h18 - Monde - Ecrit par :

Nouzha Chekrouni exhorte l’Europe à être plus sensible à la question de l’immigration clandestine, en apportant son soutien pour cerner le problème car les mesures sécuritaires n’arriveront jamais à réfréner l’immigration clandestine.

Le Maroc n’est plus seulement un fournisseur d’immigrés clandestins, mais également un pays de transit. Croyez-vous que l’issue de l’immigration clandestine est le renforcement des mesures sécuritaires ?

Renforcer les mesures sécuritaires n’arrivera en aucun cas à mettre fin à la question de l’immigration clandestine. C’est la position que nous ne cessons de défendre auprès de nos partenaires du nord.

De notre côté, nous essayons de mettre en avant des données fondamentales concernant les avancées réalisées en matière du droit de l’homme, le processus démocratique, c’est-à-dire une approche globale qui émane de l’intérieur et qui montre que le Maroc n’est pas insensible à cette question.

Comment se traduit cette approche sur le terrain ?

L’approche pluridimensionnelle a été lancée par SM le Roi, par la création de deux instances administratives spécialisées dans la lutte contre l’immigration clandestine. Ces deux instances serviront à identifier la problématique. En identifiant la problématique, on pourra se doter de moyens efficaces.

À présent, on est arrivé à relever un challenge extraordinaire vu qu’aujourd’hui on a un consensus autour de l’approche globale. Nos partenaires de la Méditerranée du nord ont compris qu’il faut sensibiliser la population potentiellement destinée à la migration clandestine et en même temps de susciter l’intérêt des centres qui s’occupent de la sécurité des personnes humaines de tenir compte de respecter leurs droits et leurs humanismes. Il faut une implication des différentes parties car l’approche régionale va montrer ses limites et ne peut rapporter les résultats espérés si elle n’est pas associée à une coopération globale qui touche le continent dans sa totalité.

Mais ces efforts déployés par le Maroc n’arrivent jamais à satisfaire l’Union européenne et surtout l’Espagne qui ne cesse d’adresser des reproches au Maroc ?

Certes, un climat de tension a caractérisé cette question et les points de discorde étaient multiples. Cela est intervenu dans un moment où les rapports entre le Maroc et l’Espagne n’étaient pas en parfaite harmonie. C’est la loi du voisinage caractérisé par des hauts et des bas et je pense que toute notre histoire avec l’Espagne est fondée sur cette versatilité des rapports. Aujourd’hui, nous retrouvons la chaleur dans les relations. Il y a eu des gestes comme celui de Sa Majesté envers les espagnols, des déclarations, des échanges et des visites. Tout cela pour dire qu’il y a une nouvelle atmosphère, une nouvelle ambiance de travail, et ce climat de confiance se traduira par un rapprochement dans les points relatifs à la question migratoire comme la sécurité et le développement.

Et lorsque j’ai parlé de consensus, il s’agit non seulement d’un consensus national, mais il se veut régional aussi. Car au niveau du dialogue 5+5, dans le document final, qui a fait l’unanimité de tous les participants, il est question du développement et de la réhabilitation de la main d’œuvre pour l’adapter aux exigences de l’économie européenne. C’est aussi l’aide et le soutien des efforts du Maroc accomplis en matière du développement. Pourtant, malgré le stade très avancée auquel nous sommes arrivés, d’autres problèmes persistent. Mais l’appartenance à l’espace méditerranéen et la civilisation commune sont une sorte de gage. Et je crois que ce fait a donné à la question migratoire une nouvelle dimension. Le voisinage n’est plus un point de discorde mais un point de rapprochement.

Quelle sorte de coopération y aura-t-il entre votre département et les nouvelles instances chargées de la migration ?

La question de l’immigration clandestine a toujours été chapeautée par le ministère de l’Intérieur, plus des commissions constituées dans le cadre des négociations avec l’Espagne sous forme de groupe de travail.

Aujourd’hui, notre département travaille en partenariat avec ces différentes instances chargées de la question. Le département que je préside concentre ses efforts sur la migration légale. Cependant, nous serons amenés à collaborer avec les institutions chargées du dossier sur tous les aspects sécuritaires. Donc, on est constamment sur ce dossier. Avec les nouvelles instances, nous devons développer des mécanismes pour contrecarrer le problème de l’immigration clandestine. S’y ajoute la volonté.

Le Maroc dispose d’une loi sur l’immigration clandestine et d’instances de haut niveau qui se chargent du dossier. Alors pourquoi on n’a pas pu, non pas limiter mais au moins diminuer les dégâts ?

Il s’agit d’un processus qui requiert le concours des différents partenaires. Les immigrés clandestins doivent cesser de voir l’Eldorado de l’autre côté. Et pour que cela se concrétise, il faut réduire l’écart entre le Nord et le Sud. Il faut aussi mettre fin aux réseaux de trafic humain, du côté du Maroc comme de celui de l’Espagne, qui exploitent le désespoir des immigrés clandestins car la question humanitaire doit être toujours être très présente. C’est une machine qu’il va falloir arrêter. C’est pour cela que nous avons opté pour mettre davantage l’accent, dans la loi portant sur la criminalisation de l’immigration clandestine, sur la pénalisation des réseaux liés au trafic des êtres humains.

Mais même avec cet arsenal juridique et institutionnel, le Maroc n’arrive toujours pas à contenir ce problème...

Il y a un autre fait qui revient avec force, c’est le besoin de créer une nouvelle relation avec la patrie. D’établir une relation d’amour avec la patrie chez le citoyen pour qu’il se batte pour cette patrie et non la fuir et la déserter. C’est un projet collectif auquel doivent s’associer les forces vives du pays, les ONG et les différentes composantes de la société marocaine. C’est un travail de longue haleine dont dépend la solution de cette question. S’y ajoute la grande responsabilité de l’Europe qui doit soutenir les efforts que nous consentons en matière de développement. Et lorsque j’ai parlé d’approche globale, cela signifie que nous ne pourrons éradiquer l’immigration clandestine qu’avec la participation de nos voisins du nord .

Maroc hebdo International

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