Le Canada expulse une Marocaine qui travaillait au pays depuis 13 ans

4 mars 2003 - 09h15 - Monde - Ecrit par :

Des agents d’Immigration Canada ont escorté hier soir Fatima Marhfoul, les menottes aux poignets, jusqu’à l’avion d’Air-Maroc à destination de Casablanca, à l’abri des caméras et des regards de la cinquantaine de manifestants venus appuyer la femme. Le coup de fil tant attendu du ministre canadien de l’Immigration, Denis Coderre, n’est jamais venu.

La Marocaine, qui dit avoir été exploitée par une riche famille montréalaise pendant une dizaine d’années, s’était rendue au début de janvier aux autorités de l’Immigration dans l’espoir de voir sa situation régularisée.

Depuis, tous les recours ont été épuisés et Immigration Canada a refusé de surseoir à son expulsion pour des motifs humanitaires ou en raison des risques liés à son retour au Maroc.

« Après vérification, nous avons conclu qu’il n’y avait pas de problème à ce qu’elle soit retournée au Maroc », a déclaré laconiquement le directeur du service investigation et renvoi du ministère de l’Immigration à Montréal, René Daoust, qui précise que des fonctionnaires canadiens attendront Mme Marhfoul à sa descente de l’avion au Maroc.

La Marocaine pourrait formuler une demande d’immigration lorsqu’elle sera rendue dans son pays d’origine, qu’elle avait quitté pour travailler chez l’ambassadeur marocain au Canada il y a de cela près de 13 ans. La procédure est cependant complexe, comme l’explique son avocat, Me Stephen Fogarty : « Étant donné qu’elle a été expulsée, la loi prévoit qu’elle ne peut revenir sans obtenir une autorisation directement du ministre. Avec tout ce qui s’est passé, le ministre sera-t-il d’accord ? »

De nombreux appuis

Depuis quelques jours, les appuis ont fusé de toutes parts pour éviter l’expulsion de Fatima Marhfoul. « Coderre sans coeur », « Fatima doit rester au Canada », scandaient hier les dizaines de manifestants devant le comptoir d’enregistrement d’Air-Maroc.
La présidente de la Fédération des femmes du Québec, Vivian Barbot, s’indigne du fait que le gouvernement fédéral expulse la domestique alors qu’il ne daigne pas porter des accusations contre la famille montréalaise qui l’a employée illégalement pendant une dizaine d’années : « Le trafic des femmes se fait de plus en plus à travers le monde. Nous ne voulons pas que le Canada soit complice de tels actes », a déclaré hier Mme Barbot à l’aéroport de Dorval.

La Fédération des femmes entend d’ailleurs faire pression sur le gouvernement pour que des accusations soient portées contre la famille qui aurait maintenu la femme dans des conditions qualifiées « d’esclavage moderne ». Selon les dires de Mme Marhfoul, celle-ci aurait travaillé pour une riche famille montréalaise sans être payée ; ses patrons lui avaient confisqué son passeport, lui promettant que sa situation serait régularisée.

L’expulsion de Mme Marhfoul indigne aussi la présidente de l’Association des aides familiales du Québec, Louise Dionne : « Coderre lance le message aux employeurs : "Continuez d’exploiter ces femmes, après on va s’en occuper, on va les déporter" », ironise-t-elle, en précisant que plusieurs milliers de domestiques travaillent dans des conditions qui s’apparentent à de l’esclavage dans la région montréalaise.

« Mme Marhfoul est dans l’avion et la famille qui l’a employée soupe tranquillement dans son condo de luxe », conclut son avocat, qui précise qu’en 16 ans de pratique, il n’a jamais vu le gouvernement poursuivre des gens qui employaient illégalement des immigrants, alors que la loi le permet.
http://www.ledevoir.com

Bladi.net Google News Suivez bladi.net sur Google News

Bladi.net sur WhatsApp Suivez bladi.net sur WhatsApp

Sujets associés : Immigration clandestine - Canada - Intégration - Expulsion - Immigration - Femme marocaine - Esclavage moderne

Ces articles devraient vous intéresser :

Maroc : crise du célibat féminin

Au Maroc, le nombre de femmes célibataires ne cesse d’accroître, avec pour conséquence la chute du taux de natalité. Quelles en sont les causes ?

Éric Ciotti (Les Républicains) en visite au Maroc

Une délégation du parti Les Républicains, menée par Éric Ciotti, a annoncé sa visite au Maroc du 3 au 5 mai prochains dans le but de poursuivre « une relation de fraternité et de responsabilité » avec le royaume.

Maroc : la vérité sur l’interdiction aux femmes de séjourner seules dans un hôtel

Une circulaire du ministère de l’Intérieur aurait interdit aux femmes de séjourner dans un hôtel de leur ville de résidence. Interpellé sur la question par le député de l’Union socialiste des forces populaires (USFP) Moulay Mehdi El Fathemy, le...

Immigration : l’aide européenne est « en deçà » des dépenses du Maroc

Le directeur de la migration et de la surveillance des frontières au ministère marocain de l’Intérieur, Khalid Zerouali, a déclaré que les 500 millions d’euros d’aide de l’Union européenne pour lutter contre l’immigration illégale pour la période...

Femmes ingénieures : le Maroc en avance sur la France

Au Maroc, la plupart des jeunes filles optent pour des études scientifiques. Contrairement à la France, elles sont nombreuses à intégrer les écoles d’ingénieurs.

La France expulse au Maroc le Gilet jaune Abdel Zahiri

L’activiste Abdel Zahiri a été expulsé de France la nuit dernière suite à une obligation de quitter le territoire. D’origine marocaine, il était connu pour son engagement dans le mouvement des Gilets jaunes.

Maroc : vers un congé menstruel pour les femmes ?

Le Maroc s’apprête-t-il à emboîter le pas à d’autres pays en octroyant aux femmes un congé menstruel ? Le sujet intéresse un groupe parlementaire qui a déjà déposé un projet de loi dans ce sens.

Maroc : Les femmes toujours "piégées" malgré des avancées

Le Maroc fait partie des pays de la région du Moyen-Orient et de l’Afrique du Nord qui travaillent à mettre fin aux restrictions à la mobilité des femmes, mais certaines pratiques discriminatoires à l’égard des femmes ont encore la peau dure. C’est ce...

Ramadan et menstrues : le tabou du jeûne brisé

Chaque Ramadan, la question du jeûne pendant les menstrues revient hanter les femmes musulmanes. La réponse n’est jamais claire, noyée dans un tabou tenace.

Affaire Hassan Iquioussen : les avocats de France vent de debout contre la décision du Conseil d’État

Le Syndicat des avocats de France (SAF), le Groupe d’information et de soutien aux immigrés (GISTI) et Avocats pour la défense des droits des étrangers (ADDE) apportent leur soutien à l’imam de Lourches Hassan Iqioussen visé par un avis d’expulsion de...