Le Maroc offre des salaires trois fois inférieurs à la France

21 mars 2004 - 17h11 - Economie - Ecrit par :

"Tiscali bonjour, Sandrine à votre service." – "Bonjour, j’ai un problème de connexion sur Internet." – "Pouvez-vous me donner votre nom et le numéro de votre contrat, s’il vous plaît ?" A priori, une conversation banale entre un client et un téléopérateur, sauf que plusieurs milliers de kilomètres séparent ces deux personnes.

Impossible pour le client de s’en rendre compte. Sandrine, alias Nora, parle un français impeccable, sans accent. Cette jeune Marocaine de 23 ans, diplômée d’une école de commerce et de gestion de Rabat, a été présélectionnée au téléphone par la société française Webhelp pour évaluer son niveau de français. Elle a ensuite passé des tests de culture française, de dictée et de traduction d’anglais.

Chaque année à Rabat, ils sont plus de 20 000 diplômés à bac + 3 ou + 4 à chercher du travail. Or dans cette ville, en dehors des ministères et des administrations, les opportunités sont bien minces. Faute de mieux, travailler dans un centre d’appels permet d’obtenir une première expérience professionnelle ; c’est aussi un bon moyen de gagner de l’argent. Un téléopérateur gagne en moyenne 380 euros par mois primes comprises, soit plus de deux fois le smic marocain, pour 44 heures hebdomadaires. La promotion peut être rapide. A 24 ans, Nawal est devenue en quelques mois chef de projet et gagne 750 euros net.

En à peine trois ans, le nombre de centres d’appels a explosé au Maroc. En 2004, 11 fournisseurs de ce type de services devraient s’installer dans le pays, un rythme exponentiel. Au total, à la fin 2003, 39 centres d’appels ont été enregistrés auprès de l’Agence nationale de réglementation des télécommunications : plus de 80 % d’entre eux proviennent d’activités basées initialement à l’étranger et surtout en France. Ces entreprises, qui réalisent près de 70 millions d’euros de chiffre d’affaires, emploient désormais 4 000 personnes. Parmi les plus connues : Atento qui gère à distance la relation clients de l’espagnol Telefonica, l’américain Dell qui a créé son propre centre...

LA FORMATION, ÉLÉMENT-CLÉ DE LA RÉUSSITE

A 150 mètres de la médina de Rabat, le français Webhelp propose ses services téléphoniques à 12 clients français et emploie 300 personnes. "Avec Phone Assistance à Casablanca et SR Téléperformance en Tunisie, nous sommes le troisième plus grand centre d’appels délocalisé en Afrique", assure Frédéric Jousset, l’un des fondateurs de Webhelp. Ses clients : des sites Internet (Cdiscount.fr, Tiscali, Chapitre.com, Karavel.com), mais aussi de grandes marques comme Yves Rocher ou encore FedEx. Ces entreprises ont ainsi réduit de 30 % à 40 % leurs coûts de gestion de la relation clientèle.

Par rapport à d’autres pays d’Afrique, l’avantage du Maroc est qu’il possède un réseau de téléphonie performant qui permet de réceptionner dans de bonnes conditions des appels d’abord reçus en France. Ce pays mise sur cette activité et a mis en place une politique d’accueil très active pour l’attirer. "L’administration est totalement mobilisée. Nous traitons deux dossiers par semaine", indique Hassan Bernoussi, qui dirige la direction des investissements étrangers auprès du ministère des finances. Les délais sont réduits au maximum pour donner le feu vert à l’installation et le pays favorise la formation des salariés, allant jusqu’à en rembourser 90 %.

Ce dernier point est jugé essentiel pour obtenir une bonne qualité de service. La société Taxis bleus l’a bien compris. Formés à la va-vite, les téléopérateurs marocains qui devaient gérer les demandes de taxis parisiens s’embrouillaient dans les rues, les envoyaient à Lyon alors qu’ils devaient aller à la gare de Lyon, oubliaient de demander le numéro de la rue... Cinq mois et une menace de grève de ses chauffeurs plus tard, Taxis bleus a préféré rapatrier ses appels en France.

En attendant un hypothétique nouveau code du travail – à l’étude depuis vingt ans –, le Maroc attire aussi pour son cadre réglementaire plus souple. Travail de nuit et le week-end sans surcoût salarial énorme, emploi du temps modifiable à volonté... "Nous avons décidé d’externaliser une partie des appels pour obtenir plus de flexibilité, reconnaît Philippe Hannuna, directeur de la qualité et de la relation clients chez Tiscali. En France, c’est plus difficile."

Nathalie Brafman pour le Monde

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Sujets associés : Politique économique - Centres d’appel - Emploi

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