Maroc-Algérie : les dessous d’une rivalité historique

9 septembre 2025 - 07h00 - Maroc - Ecrit par : S.A

Malgré la main tendue sans cesse renouvelée du roi Mohammed VI, notamment lors du traditionnel discours de la Fête du Trône, les relations entre le Maroc et l’Algérie peinent à se normaliser.

« Le peuple algérien est un peuple frère que des attaches humaines et historiques séculaires lient au peuple marocain, particulièrement par la langue, la religion, la géographie et le destin commun », s’adressait ainsi le roi Mohammed VI à l’Algérie lors de son traditionnel discours de la Fête du Trône, le 29 juillet dernier. Une main qu’il ne cesse de tendre à Alger, surtout depuis que celle-ci a de façon unilatérale rompu ses relations avec Rabat. Mais l’Algérie n’a jamais saisi cette main tendue. « Si les relations diplomatiques entre Rabat et Alger ont officiellement été rompues en août 2021 à l’initiative de la République algérienne, elles ont sérieusement commencé à se consumer il y a 50 ans, au lendemain des Accords de Madrid, qui ont marqué la fin de la présence espagnole au Sahara », explique le géopolitologue et grand reporter John Mackenzie dans un article intitulé Pourquoi les relations entre le Maroc et l’Algérie sont au point mort, publié par Revue Conflits.

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Il rappelle que ce texte a mené au partage effectif de l’administration du territoire entre le Maroc et la Mauritanie. « Dans les faits, le contrôle qu’exerçait alors Madrid sur cette partie du désert en tant qu’État colonial a été transféré à la jeune Mauritanie et restitué au Royaume chérifien dans le cadre de cette résolution tripartite », rappelle John Mackenzie. Seul problème : le Front Polisario, une organisation séparatiste armée en opposition à la présence espagnole dans la région et soutenue depuis sa création par l’Algérie, n’est pas mentionné dans ces accords. « L’existence d’un État autonome sahraoui, comme l’appelle de ses vœux le Polisario, n’est, de facto, pas reconnue », indique-t-il. C’est le premier point de tension. « En réaction, le mouvement entre en guerre dans la foulée contre la Mauritanie et le Maroc pour le contrôle de la région et proclame en 1976 la création de la “République arabe sahraouie démocratique”, une entité non reconnue à ce jour par l’ONU et de nombreux pays. »

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Le conflit armé débute en 1975. « Entre le Front Polisario et Nouakchott, la guerre n’aura pas duré longtemps, la Mauritanie ayant abandonné toute revendication territoriale sur cette partie du Sahara en 1979, les armes sont déposées 4 ans après le début de la guerre. Mais avec le Maroc, les affrontements se sont poursuivis pendant 26 ans. L’entrée en vigueur d’un cessez-le-feu construit sous l’égide de l’ONU en 1991 marque la fin de cette guerre ouverte entre Rabat et les indépendantistes sahraouis sans qu’une solution territoriale durable ne soit trouvée », rappelle encore le géopolitologue. 16 ans plus tard, le Maroc propose un plan d’autonomie du Sahara sous sa souveraineté. Présenté en 2007, ce plan a été soutenu par bon nombre de pays, afin de régler ce différend. En 2020, les États-Unis ont, sous l’administration Trump I, reconnu la marocanité du Sahara dans le cadre des Accords d’Abraham et de la normalisation des relations entre le Maroc et Israël.

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« Ce sont plus de 116 pays qui soutiennent à ce jour la marocanité du Sahara, précise Mackenzie. Mais pour Alger, la résolution de ce conflit territorial selon les termes de Rabat – autonomie des provinces du Sud sous la souveraineté du Maroc – n’est pas acceptable. » Cela est d’ailleurs l’un des points de friction entre Paris et Alger. « Lorsque le Royaume a fait le choix de redonner vie aux relations avec la République française, ce sont 22 accords d’une valeur de 10 milliards d’euros qui ont été signés en octobre 2024 au moment de la visite d’État d’Emmanuel Macron. Dans la foulée, l’Agence française de développement a annoncé envisager de mobiliser 150 millions d’euros d’investissements au Sahara dans la région de Dakhla-Oued Eddahab », a encore précisé le géopolitologue.

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Les tensions entre Rabat et Alger ont mis à mal l’Union Maghreb arabe (UMA), organe créé en 1989 et rejoint par les 5 Chefs d’État de la région lors d’un sommet à Marrakech. « Un des accomplissements majeurs de cette organisation reste la signature d’accords commerciaux et douaniers avec l’adoption de la Convention de libre-échange maghrébine en 1996, visant à faciliter les relations commerciales entre les États membres », fait savoir Mackenzie, mais « sa mise en œuvre reste très limitée, voire inexistante. » Selon lui, « une amélioration des relations entre le Maroc et l’Algérie ouvrirait la voie à de nouvelles coopérations économiques, agricoles ou encore sécuritaires dont le Maghreb a besoin pour voir en grand. »

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