Maroc : statut auto-entrepreneur ou fraude fiscale ?
Les auto-entrepreneurs, statut lancé en 2015, sont peu nombreux à déclarer leurs chiffres d’affaires à la Direction des impôts. Une situation qui préoccupe les patrons marocains...
Quelques années après son adoption, la loi n° 114-13 du 19 février 2015 relative au statut de l’autoentrepreneur a montré ses limites. Seuls les chefs d’entreprise du royaume en tirent grand profit.
Les autoentrepreneurs, grands perdants de la loi n° 114-13 du 19 février 2015 ! Ils se font embaucher par des chefs d’entreprise qui exigent d’eux leur inscription au registre national d’auto-entrepreneur (RNA). « Le jour où j’étais embauché, le patron m’a explicitement demandé de m’inscrire au registre national d’auto-entrepreneur (RNA) afin de pouvoir occuper le poste. J’ai accepté cet arrangement, car je cherchais du travail depuis plusieurs mois », confie à Maroc Hebdo Zouhair, un jeune cadreur-monteur qui évolue dans le secteur événementiel. Même exigence pour les autres membres de l’équipe, également engagés en tant qu’auto-entrepreneurs. En conséquence, ce salarié se voit contraint de s’acquitter de 1 % de TVA par an pour un chiffre d’affaires plafonné à 200 000 dirhams, en échange de la rémunération qu’il perçoit de son employeur. En plus de cette mesure fiscale, le Code général des impôts (CGI) 2023 dans son article 43 bis instaure un taux d’imposition libératoire de 30 % prélevé à la source par le client.
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Est concerné par cette disposition tout auto-entrepreneur ayant réalisé un chiffre d’affaires dépassant 80 000 dirhams. Ce taux d’imposition s’applique toutefois au surplus. Des mesures qui pourraient freiner l’atteinte des objectifs fixés à travers la loi n° 114-13 à savoir limiter les activités économiques informelles et lutter contre les inégalités. « Les entreprises en profitent pour se désengager de leurs responsabilités, réduire leurs assiettes fiscales, alléger les cotisations patronales et parfois gonfler leurs dépenses », résume Pr Mohamed Adraoui, professeur de finance à la Faculté des sciences économiques juridiques et sociales de Mohammedia, expliquant que les entreprises paient leurs impôts sur la base de leur résultat net, après avoir déduit toutes leurs charges. Quant à l’auto-entrepreneur, il régularise sa situation fiscale en calculant le taux d’imposition sur son chiffre d’affaires. “Normalement, ce statut a été conçu pour éradiquer les inégalités et non pas pour les aggraver davantage”, fait-il remarquer.
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Le gouvernement a revu l’ancienne mouture relative à la fiscalité du régime d’auto-entrepreneur, afin de rappeler les chefs d’entreprise à la raison. Seulement, ce remaniement ne profite guère aux inscrits à ce statut – 406 301 inscriptions en 2022 contre 363 663 en 2021 selon les données de la DGI. Selon Zakaria Fahim, président de l’Union des auto-entrepreneurs, ce réaménagement fiscal permettra de dissuader les chefs d’entreprise malhonnêtes, en attirant l’attention sur le sort des vrais auto-entrepreneurs. « On cherche à les appauvrir en limitant leur chiffre d’affaires à 80 000 dirhams », regrette-t-il, estimant que les mesures fiscales consignées dans la LF 2023 sont loin d’encourager les auto-entrepreneurs. « Ceux-ci doivent désormais réfléchir à deux fois avant de rejoindre le secteur formel. […] Ces nouvelles dispositions, bien qu’elles aient sans doute pour objectif de renforcer l’intégration du secteur informel, risquent en réalité de dissuader les entrepreneurs potentiels », analyse-t-il.
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L’espoir est encore permis. Fahim est persuadé que les comptables peuvent jouer un rôle stratégique dans le mentoring des auto-entrepreneurs. « Les comptables peuvent, contrairement à ce qu’ils le pensent, innover de nouvelles solutions et diversifier leurs prestations de service afin d’aider cette catégorie d’entrepreneurs à développer leurs activités en mettant à leur disposition, entre autres, un fichier client correspondant à leur secteur d’activité », assure-t-il. Les comptables ne l’entendent pas de cette oreille. « En tant que comptable, en quoi le segment des auto-entrepreneurs me concerne ? Nous avons d’autres préoccupations beaucoup plus importantes que de s’intéresser à ce créneau », affirme, cash, un comptable sous couvert d’anonymat.
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