Les Marocaines et l’Internet

8 novembre 2007 - 16h41 - Economie - Ecrit par : L.A

Huit lycéens sur dix fréquentent les cybercafés. Cette proportion n’a rien d’étonnant, certes. Mais quand on apprend que 42,8% des lycéennes affirment s’y rendre pour faire leurs devoirs, contre seulement 15,5% des garçons, là, il y a de quoi s’interroger. C’est l’un des constats que dresse l’Usaid, dans sa toute récente étude sur la participation des femmes au secteur des TIC, au Maroc.

Une différence considérable, qui illustre les « contraintes sociales et culturelles qui poussent les étudiantes, de manière consciente ou inconsciente, à justifier pour elles-mêmes et pour leurs familles leur présence au cybercafé, par une finalité éducative ». Pourtant, plus de quatre lycéens sur cinq ont affirmé que leurs parents les encourageaient, peu importe le genre, à utiliser l’informatique.

Selon l’enquête, ces encouragements sont sans doute liés au fait que l’Internet constitue une alternative au manque d’espaces institutionnels (bibliothèques, médiathèques, etc.).

Le travail révèle aussi que moins des deux tiers des lycéens disposent d’un ordinateur à domicile, expliquant du coup la popularité des cybercafés. Surtout qu’au moins trois étudiants sur quatre n’ont même pas accès à Internet dans leur lycée.

Mais le communément appelé « cyber » constitue également, pour les filles, un lieu où elles « peuvent nouer des amitiés ou d’autres relations affectives sans avoir à s’exposer au regard et au jugement des autres ». À ce titre, elles sont plus nombreuses que les garçons à chercher à tisser des liens par le biais de l’Internet (23% contre 15%).

« L’espace du cybercafé, à l’encontre du café, endroit public pas toujours apprécié socialement ni recommandé, préserve l’intimité des informations recherchées. La fille, face à la machine, pourrait nouer, renouer ou défaire des relations virtuelles », souligne le document. D’ailleurs, la proportion des filles qui ont déclaré fréquenter souvent les cybercafés (69%) est plus élevée que celle des garçons (59%). La mixité de l’espace cyber ne cause visiblement aucun problème, ni aux filles ni aux garçons : 88% des cybernautes ont affirmé ne pas être gênés par la présence de l’autre sexe.

C’est le groupe d’âge 14-19 ans qui utilise le plus les TIC dans les cybercafés (47% des usagers). Il est suivi des 20 à 26 ans (34%).
Il faut dire que le Maroc est venu plus tôt à l’outil informatique que plusieurs pays du monde arabe. Introduit véritablement en 1995, l’Internet a contribué à l’initiation aux TIC d’une bonne partie de la jeunesse instruite, et à l’émergence du besoin pour l’outil informatique.

La bonne nouvelle est que cette introduction s’est opérée sans grande discrimination envers les femmes. Par contre, en entreprise, la situation est beaucoup moins rose. En effet, les salariées n’ont, la plupart du temps, pas accès à l’outil informatique.

« L’analphabétisme qui les caractérise, leur niveau d’instruction très bas, l’environnement de l’entreprise où ils travaillent ne favorisent pas leur l’accès aux TIC. L’outil informatique demeure un moyen de travail réservé aux personnes qui occupent des postes de responsabilité », souligne l’enquête de l’Usaid.

Selon le travail, le fait que les femmes ouvrières n’utilisent pas les procédés informatiques dans le système de production peut avoir un impact négatif sur la compétitivité de l’entreprise, et même du pays. En prenant l’exemple des acteurs du secteur textile, l’Usaid rend un verdict assez sévère. « Ils ne semblent pas du tout acquis aux progrès des TIC, et à leur généralisation dans toutes les étapes de la production. C’est un facteur qui contribue à la faiblesse de la compétitivité de l’entreprise marocaine, voire à sa faillite. Les conséquences sur le secteur sont énormes et les femmes, qui constituent l’essentiel de la main-d’œuvre du textile, seront les premières à en pâtir ».

L’Economiste - Marie-Hélène Giguère

Bladi.net Google News Suivez bladi.net sur Google News

Bladi.net sur WhatsApp Suivez bladi.net sur WhatsApp

Sujets associés : Informatique - Etude - Femme marocaine - Blogoma - Internet

Ces articles devraient vous intéresser :

Maroc : Une vague de racisme contre les mariages mixtes ?

Des activistes marocains se sont insurgés ces derniers jours sur les réseaux sociaux contre le fait que de plus en plus de femmes marocaines se marient avec des personnes originaires des pays d’Afrique subsaharienne. Les défenseurs des droits humains...

Maroc : crise du célibat féminin

Au Maroc, le nombre de femmes célibataires ne cesse d’accroître, avec pour conséquence la chute du taux de natalité. Quelles en sont les causes ?

Des hackers marocains impliqués dans une cyberattaque massive

Une cyberattaque de grande ampleur est en cours. Depuis le mois dernier, 2,8 millions d’adresses IP provenant de divers pays dont le Maroc, tentent de forcer des périphériques réseau.

Ramadan et réseaux sociaux : les photos d’iftar divisent

Pendant le mois sacré de Ramadan, de nombreux influenceurs marocains publient quotidiennement sur les réseaux sociaux des photos de tables garnies de mets et de boissons pour la rupture du jeûne (iftar). Un comportement perçu comme de la provocation...

Le Maroc s’oriente vers une administration sans papier avec une nouvelle plateforme numérique

Le ministère délégué chargé de la Transition numérique entend développer une plateforme dénommée « le compte numérique de l’usager » pour améliorer la qualité des services de l’administration aux usagers.

Maroc : mères célibataires, condamnées avant même d’accoucher

Au Maroc, les mères célibataires continuent d’être victimes de préjugés et de discriminations. Pour preuve, la loi marocaine n’autorise pas ces femmes à demander des tests ADN pour établir la paternité de leur enfant.

Maroc : comment des consultants échappent à l’impôt

Au Maroc, des ingénieurs et autres consultants en informatique ont trouvé la formule pour échapper au fisc. Ils proposent de manière informelle leurs services aux grandes entreprises qui les paient via des intermédiaires.

AliExpress facilite les paiements au Maroc avec l’adoption du dirham

La plate-forme de commerce en ligne AliExpress, filiale du groupe chinois Alibaba, offre désormais la possibilité aux acheteurs marocains de régler leurs achats en dirham marocain. Une initiative qui vise à faciliter les paiements et à davantage...

Code de la famille : les féministes marocaines face à l’opposition de Benkirane

Le secrétaire général du Parti justice et développement (PJD), Abdelilah Benkirane, a vivement critiqué le mouvement féministe qui milite pour l’égalité des sexes dans le cadre de la réforme du Code de la famille, estimant que son combat vise à...

Internet au Maroc : des zones complètement oubliées

Certes, le Maroc a enregistré des avancées significatives pour garantir internet mais des défis majeurs restent à relever.