Harcèlement et arnaque, ces vrais maux qui menacent notre tourisme

14 avril 2008 - 17h56 - Maroc - Ecrit par : L.A

« Les gens sont toujours sur votre dos pour essayer de vous vendre quelque chose à des prix exorbitants, à croire qu’ils nous prennent pour des pigeons au portefeuille bien gras ». C’est le commentaire laissé sur internet par un touriste de passage à Marrakech.

Riposte d’une autre touriste sur le même site : « Au contraire, Marrakech est une ville superbe, pas trop chère, qui convient aux Français ! Et je ne sais pas pourquoi ils lui ont donné un nom pareil, ‘‘Arnakech’’ ». C’est le genre de réflexions qu’on peut, malheureusement, trouver en vrac sur le site arnakech.com où les commentaires négatifs l’emportent largement sur les positifs.

Harcèlement, arnaque, faux guides, vendeurs ambulants et autres abus, tels seraient les souvenirs que beaucoup de touristes qui visitent Marrakech et les autres villes du Maroc emportent avec eux. Et cela porte un coup au taux de retour, car, qu’on le veuille ou non, la meilleure publicité pour une destination touristique reste le bouche à oreille. Quelle est la part de vérité dans cette perception négative ? Les professionnels du tourisme relèvent tous qu’il y a une recrudescence de ces phénomènes, après qu’ils aient été un moment maîtrisés.

100.000 DH de commissions en une année

Selon un tour-opérateur installé en France, ces pratiques sont connues de tous et les autorités ne font rien pour les éradiquer. « Quand les professionnels du tourisme rencontrent les autorités locales, ils passent leur temps à se féliciter mutuellement, sans aborder les vrais problèmes », déplore-t-il.

Dans la réalité, il existe deux sortes d’arnaques envers les touristes, souligne ce bazariste de Marrakech qui tient à garder, pour des raisons compréhensibles, l’anonymat : l’arnaque organisée et son pendant, l’arnaque sauvage. « Aujourd’hui, les groupes de touristes se vendent à leur insu au prix fort, car les bazars payent à certaines agences de voyages entre 10 DH et 50 DH par personne pour une simple visite, et le guide perçoit une ristourne sur le chiffre d’affaires réalisé par le bazar qui se situe entre 40 et 50 % ! », explique-t-il. C’est dire combien ce commerce est florissant puisque même les Impôts n’encaissent pas autant.

Certains guides, pas tous heureusement, vont jusqu’à négocier à l’avance les visites des groupes qu’ils sont censés promener et instruire. Pour toute l’année, quand ce n’est pas pour une seule saison, leurs gains se situent entre 50.000 et 100.000 DH. Et de surcroît, les guides encaissent la somme à l’avance contre un chèque de garantie déposé chez le commerçant. Le chèque est restitué à la fin, quand le montant de la commission (appelée dans le jargon jaâba) aura couvert celui de la « dette ». Certains bazaristes qui ont pignon sur rue s’offrent aussi la clientèle des maisons d’hôtes selon le même principe. La recette est toujours la même : « N’achetez rien, je vous recommanderai à un ami bazariste qui va vous faire de bons prix ». Et pour des bons prix, ce sont souvent de grosses surprises avec des articles vendus dix fois leur prix.

De vraies fausses bonnes affaires

Alors, quand l’argent est ainsi à portée de main, tout le monde s’y met. Actuellement, ce sont les échoppes des marchands d’épices et autres herboristes qui sont des lieux incontournables pour les emplettes des touristes. Là aussi, les prix sont multipliés par 10, au moins, et la ristourne de 50% est de rigueur. Evidemment, ces balades pour touristes ne sont pas comprises dans les packages et sont présentées comme des visites gratuites offertes par le réceptif ou le guide.

Pour l’anecdote, ce chauffeur de taxi revêt dès 20 heures la casquette de faux guide et éteint le compteur. Il propose au touriste égaré de l’accompagner durant 24 heures pour 200 ou 300 DH, autant dire pas grand-chose. Il lui conseille, bien sûr, de ne rien acheter car les autres sont tous des voleurs, alors que lui a un frère qui a un bazar, un cousin qui a un restaurant ou encore un autre qui organise des circuits en dehors de la ville. Il peut gagner ainsi 3000 à 4000 DH en un temps record.

Des concierges d’hôtels et autres gardiens se transforment aussi en guides occasionnels, usant des mêmes méthodes. Même les conducteurs de calèches (les fameux koutchi), de connivence avec les bazars, s’arrangent pour que leurs chevaux soient fatigués ou aient soif juste au bon endroit.

Certes, il y a une brigade touristique qui a pour mission de veiller, de contrôler et de présenter les contrevenants à la justice. Mais, de l’avis général, cette brigade, autrefois efficace, a aujourd’hui baissé les bras face à cette petite délinquance pour se consacrer aux gros problèmes comme la pédophilie ou le trafic de drogue. Là encore, et à l’heure où nous mettions sous presse, le responsable de cette brigade à Marrakech restait lui aussi injoignable ! Le sujet, pourtant crucial, ne suscite apparemment pas d’intérêt chez nos décideurs. C’est bien dommage.

Source : La vie éco - Mohamed Moujahid

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