Le pari coûteux du Maroc pour sauver ses cultures

8 juillet 2025 - 11h00 - Maroc - Ecrit par : P. A

Face à la sécheresse persistante et au stress hydrique, le Maroc a opté pour une solution inédite, mais coûteuse : l’irrigation avec l’eau dessalée.

Sans l’eau dessalée, « on ne serait plus là », affirme auprès de BFMTV, Abir Lemseffer, directrice générale adjointe du groupe Azura, géant de la production de tomates cerises dans le sud du Maroc. Dans la plaine de Chtouka, à une soixantaine de kilomètres d’Agadir, le groupe franco-marocain irrigue près de 800 hectares de cultures avec l’eau dessalée. Depuis 2022, la station de dessalement de la région fournit 125 000 m³ d’eau par jour pour l’irrigation de 12 000 hectares de primeurs et 150 000 m³ par jour pour l’eau potable destinée à 1,6 million d’habitants de la ville et ses environs, explique Ayoub Ramdi, responsable au sein de l’Office régional de mise en valeur agricole. La station ambitionne de fournir 400 000 m³ par jour d’ici 2026, dont la moitié destinée à l’irrigation.

À lire : Maroc : Nador accueille une méga-station de dessalement

Le Maroc compte 16 stations de dessalement d’une capacité totale de 270 millions de m³ par an et prévoit d’atteindre 1,7 milliard de m³ par an d’ici 2030. Quelque 1 500 agriculteurs ont adopté l’irrigation avec l’eau dessalée dans la région du Souss-Massa dont relève Agadir. En revanche, de nombreux autres n’ont pas les moyens d’opter pour cette solution en raison de son coût élevé. L’eau dessalée est vendue à 0,48 euro le m³ (5 dirhams hors taxe) contre en moyenne 0,096 euro par m³ (1 dirham) pour des eaux conventionnelles. « Je ne peux pas me permettre d’utiliser cette eau, car elle est chère », confie un agriculteur qui irrigue son demi-hectare de courgette et de poivron avec l’eau d’un puits partagé par soixante agriculteurs.

À lire : Maroc : OCP va construire deux usines de dessalement de l’eau de mer

L’eau dessalée coûte encore plus cher à la sortie de l’usine : 1,05 euro par m³ (11 dirhams). « Le coût de l’eau dessalée réduit considérablement le nombre des cultures pouvant être irriguées, car elle n’est amortie que par des cultures à très haute valeur ajoutée », explique pour sa part l’agronome Ali Hatimy. Abondant dans le même sens, Rqia Bourziza confirme que l’irrigation à l’eau dessalée est une « très bonne alternative », surtout « lorsqu’elle est utilisée dans des cultures à haute valeur comme les tomates ou l’arboriculture ». Toutefois, relève Hatimy, « la production de l’eau dessalée demande énormément d’énergie électrique et les rejets de saumure ont un impact sur les écosystèmes marins ».

À lire : Le plan ambitieux du Maroc pour ne plus manquer d’eau

La région du Souss-Massa fournit 85 % des produits maraîchers marocains destinés à l’exportation. La région produit près de deux millions de tonnes par an sur 29 000 hectares, réalisant un chiffre d’affaires de près de 940 millions d’euros, selon le ministère de l’Agriculture. Selon Ayoub Ramdi, un agriculteur de 38 ans, la station de dessalement a permis d’éviter une perte de plus de 860 millions d’euros en valeur ajoutée, et de préserver plus d’un million d’emplois par an. « Avant, je ne cultivais que cinq hectares, car j’étais conditionné par la quantité d’eau que j’avais. L’eau de nappe n’était pas suffisante », assure-t-il. « Soit on accepte de sacrifier une partie de la marge en utilisant de l’eau dessalée, soit on met la clef sous la porte », conclut Abir Lemseffer.

Bladi.net Google News Suivez bladi.net sur Google News

Bladi.net sur WhatsApp Suivez bladi.net sur WhatsApp

Sujets associés : Agriculture - Eau - Agadir - Sécheresse au Maroc

Aller plus loin

Maroc, premier pays de l’Afrique du Nord à investir dans le dessalement de l’eau

Le Maroc devance l’Algérie dans le classement des 9 pays ayant investi le plus dans le dessalement de l’eau dans la région MENA.

Dessalement d’eau de mer : le Maroc mise sur le nucléaire

Lors du dernier sommet Russie-Afrique à Saint-Pétersbourg, l’entreprise marocaine Water and Energy Solutions a trouvé un accord avec le géant nucléaire russe Rosatom. L’objectif...

Maroc : des stations de dessalement pour sauver l’agriculture

Le ministère marocain de l’Agriculture a adopté le dessalement de l’eau de mer à des fins d’irrigation. Dans cette dynamique, le département de Mohamed Saddiki a prévu la...

Maroc : une deuxième usine géante de dessalement en projet à Nador

Le Maroc se prépare à lancer un appel d’offres pour une nouvelle usine de dessalement d’eau de mer à Nador, d’une capacité de 250 millions de mètres cubes par an, a annoncé...

Ces articles devraient vous intéresser :

Maroc : appels à interdire la culture de la pastèque

Au Maroc, les défenseurs de l’environnement appellent à l’interdiction totale de la culture de la pastèque, très gourmande en eau.

Le Maroc plus fort que la France sur le marché mondial du melon

L’analyse des exportations mondiales de melons en 2024, basée sur les données COMTRADE des Nations unies, confirme la montée en puissance du Guatemala, devenu premier exportateur en volume devant l’Espagne. Mais les chiffres montrent également que le...

Alerte au miel « aphrodisiaque » en vente au Maroc

Du « miel aphrodisiaque » ou du « miel de virilité » inonde le marché marocain et inquiète le Syndicat des professionnels de l’apiculture au Maroc.

Fermeture des hammams au Maroc : la question arrive au parlement

Plutôt que de fermer les bains publics pour rationaliser l’eau, la députée du parti socialiste, Majida Chahid, propose de fixer la capacité d’accueil de ces établissements ou de déterminer la quantité d’eau à utiliser par client.

Les archéologues font une étonnante découverte au Maroc

Des archéologues ont découvert au Maroc le plus ancien site agricole qui date de la période de la préhistoire.

Maroc : OCP va construire deux usines de dessalement de l’eau de mer

Le groupe marocain OCP va bénéficier d’un prêt de 2,2 milliards de dirhams, soit près de 200 millions d’euros de la Banque européenne pour la reconstruction et le développement (BERD) pour la construction de deux usines de dessalement d’eau de mer.

L’avocat : l’or vert qui assoiffe le Maroc

La culture de l’avocat nécessite une importante quantité d’eau. Au Maroc, des voix s’élèvent pour appeler à l’interdiction de cette culture, en cette période de sécheresse sévère et de stress hydrique.

Huile d’olive au Maroc : enfin la baisse des prix ?

Le Maroc est en passe de surmonter la crise oléicole. Après années de sécheresse, la filière oléicole se remet doucement en ordre de marche, mais il y a à craindre d’autres risques et aléas.

Les Marocains paieront plus cher l’électricité

Les autorités marocaines ont décidé de relever les taux de TVA appliqués aux tarifs de l’électricité sur la période 2024-2026.

Maroc : un lac en péril

Le problème de l’assèchement du lac Tamda dans la province d’Azilal préoccupe le député Saïd Atghlast qui a adressé une question écrite à la ministre du Tourisme, de l’artisanat, de l’économie sociale et solidaire à ce sujet.