Serge Astorc, l’indic qui en savait trop

1er février 2009 - 11h00 - France - Ecrit par : L.A

Arrêté en décembre 2007 au port de Tanger, avec 400 kg de haschich dans sa voiture, Serge Astorc affirme avoir été enrôlé par des policiers français pour démanteler un réseau de trafiquants. Une version prise très au sérieux par la justice marocaine.

Les détails de cette affaire semblent sortis tout droit d’un roman policier : un mystérieux informateur qui « recrute » pour le compte des services français, l’infiltration d’un réseau international de trafic de drogue, une opération qui tourne mal…

Une histoire rocambolesque qui est pourtant consignée sur procès-verbal au tribunal de Tanger. Les déclarations d’un Français de 54 ans, Serge Astorc, qui croupit depuis plus d’un an dans une prison tangéroise et dont le procès devrait se tenir le 16 février 2009.

Depuis son arrestation par les douanes marocaines, en décembre 2007, cet employé communal du Sud de la France n’a jamais changé de version : les 400 kg de résine de cannabis retrouvés dans sa voiture, au port de Tanger, devaient être réceptionnés dès son retour dans l’Hexagone par la police française, pour qui il travaillait en sous-main. Problème : les services marocains ne sont au courant de rien. Et les autorités françaises l’ont tout simplement « lâché ».

Filière

Selon ses déclarations, tout a commencé début 2007 à Valras, petite commune balnéaire du sud de la France. Serge Astorc, qui y travaille depuis deux ans comme employé communal, fait la connaissance d’un certain Roger », douanier à Nice. Au fil des rencontres, ce dernier lui propose de participer au démantèlement d’un réseau de trafic de stupéfiant entre la France et le Maroc. Serge Astorc, qui selon son fils Jean-Charles « adore l’adrénaline », accepte le deal.

La première opération, menée par les douanes françaises, à lieu en septembre 2007. Serge Astorc prend le bateau à Sète direction Tanger. Arrivé sur place, il laisse sa voiture sur le parking d’un hôtel, le « Tarik », et part se balader. Quand il revient quelques heures plus tard, sa 806 est chargée de 240 kg de haschich.

Le chemin du retour s’effectue sans soucis. Il n’est pas inquiété par les douaniers marocains, la marchandise est réceptionnée à Sète par des policiers français. Pour ce premier voyage, Serge Astorc reçoit 3000 euros.

Deux mois plus tard, en décembre 2007, il décide de réitérer l’expérience. Après tout, l’opération ne comporte aucun risque, il est « couvert » par les autorités. Mais cette fois, il travaillera avec les policiers du SRPJ de Montpellier, et non avec les douanes.

Juste avant de partir, il rencontre des officiers de la police judiciaire dans un restaurant montpelliérain. Ces derniers placent un « mouchard » sur sa voiture, pour être sûrs de ne pas perdre sa trace. Serge Astorc part alors pour Tanger et suit la même procédure que lors de son premier voyage.

Implication

Mais là, mauvaise surprise. Alors qu’il s’apprêtait à embarquer pour rentrer en France, il est arrêté par les douaniers marocains. Ces derniers découvrent les 400 kg de haschich dissimulés dans les ailes et sous la banquette de sa 806. C’est le début du calvaire.

Dès son premier interrogatoire, il comprend que les autorités marocaines ne sont pas dans le coup. Pour les policiers, Serge Astorc n’est qu’un vulgaire passeur français de plus qui s’est fait prendre. Direction la prison de Tanger. Mais la précision de ces déclarations - les contacts, les noms d’hôtel, les différents points de rendez-vous - commence à interpeller les enquêteurs.

Le 15 mars 2008, le Procureur du Roi décide de délivrer une commission rogatoire internationale pour vérifier auprès des services français si Serge Astorc travaillait réellement pour eux. Un mandat de recherche est également délivré à l’encontre du mystérieux « Roger ».

Alors qu’une réponse est généralement reçue sous quinze jours, la France ne semble pas pressée de confirmer - ou de démentir - les déclarations d’Astorc. Les mois passent, les avocats de l’accusé relancent les autorités françaises à plusieurs reprises, rien n’y fait. Serge Astorc, lui, est toujours dans sa cellule de 25 m2, partagée avec 30 autres détenus de la prison de Tanger.

Finalement, l’affaire va se décanter en quelques jours. Mercredi 13 janvier, son avocat français, Me Lévy, reçoit de Paris la confirmation tant attendue : la commission rogatoire vient d’être traitée et renvoyée au Maroc. Le procès de Serge Astorc, qui devait se déroulait lundi 19 janvier (après avoir déjà été reporté une première fois) se tiendra finalement le 16 février prochain. Le temps de traduire le contenu de la commission.

Intermédiaire

Les premières informations qui en ressortent semblent bien pencher en faveur de Serge Astorc. La France reconnait l’implication des douanes lors de la première opération de septembre et de celle du SRPJ de Montpellier lors de la seconde. Le « mouchard » dont parlait Serge Astorc, et qui a été retrouvé par les enquêteurs marocains, est lui toujours sous scellés au tribunal de Tanger.

Cette avancée subite du dossier réconforte Jean-Charles, 25 ans, fils de Serge Astorc. « Ca fait maintenant plus d’un an qu’on attendait ça ! ». Mais pas question pour autant de crier victoire. « On n’est jamais sûr de rien, il faut attendre le procès », confie le jeune homme.

Pour Me Lévy, les aveux français concernant la participation des services de police constituent de « sérieux éléments » qui viennent étayer la version de son client. Un point noir cependant : le mystérieux « Roger », qui aurait servi d’intermédiaire, n’a pas été retrouvé.

Pourquoi les autorités françaises ont-elles attendu plus de dix mois avant de collaborer avec la justice du Royaume, qui, pour une fois, « a fait tout ce qu’il fallait faire », selon l’avocate marocaine d’Astorc, Me Loukili ? Pour ne pas avoir à admettre le fait que les services français montent des opérations « clandestines » sur le sol marocain ?

D’autres questions viennent à l’esprit : pourquoi la France préfère-t-elle se passer du Maroc pour de telles opérations ? A-t-elle peur des « fuites » au sein des services marocains, gangrénés par la corruption comme l’a encore montré le récent coup de filet de Nador ?

Source : Maroc Hebdo - Christophe Guguen

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Sujets associés : France - Drogues - Procès - Défense - Armement - Prison

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