Tirs contre une mosquée à Sartène : l’imam échappe de peu à la mort

28 novembre 2004 - 21h28 - France - Ecrit par :

Un imam marocain a échappé de peu à la mort, dans la nuit de vendredi à samedi à Sartène, où des inconnus ont tiré plusieurs coups de feu à travers la porte d’une maison abritant un lieu de culte, derrière laquelle il se trouvait.

Vers 02h30, "j’ai entendu quelqu’un qui frappait très fort à la porte, j’étais couché. Je suis allé vers la porte, ils criaient +les Arabes dehors+. C’était la voix de quelqu’un de jeune", a déclaré à l’AFP Mohamed El Atrache, encore très choqué.

"Et ils ont tiré ! Je me suis plaqué contre le mur et je les ai entendus partir tout de suite après", a poursuivi l’imam, âgé de 53 ans.

Sur l’épaisse porte de bois de la maison située en contrebas de la rue principale de Sartène, qui accueille un lieu de culte et une association culturelle musulmane où l’imam passait parfois la nuit, dix impacts de balles sont visibles. Tous à hauteur de tête et de poitrine.

Dans le couloir qui mène à deux salles de prière, une porte vitrée est trouée en deux endroits et l’un des projectiles de 9 mm tirés par les inconnus s’est fiché dans le mur de la cuisine, à une dizaine de mètres de là.

Le procureur de la République d’Ajaccio, José Thorel, qui estime que la victime aurait été "criblée de balles" sans ses réflexes, a saisi les gendarmes d’une "enquête de flagrance pour tentative d’assassinat".

En haut d’une volée de marches menant à la route, une croix gammée et l’inscription "Arabi Fora" ("les Arabes dehors", en langue corse) peintes sur le goudron ont été recouvertes de sable.

Parmi la dizaine d’habitués de l’"Association culturelle musulmane de Sartène" venus soutenir l’imam, l’émotion est vive.

"Il y a un an, la même porte avait été arrosée d’essence et incendiée. Une enquête a été ouverte, mais elle n’a jamais abouti", rappelle l’un d’entre eux, qui souhaite garder l’anonymat.

"Ici, le problème, c’est qu’on n’a pas d’ennemi en face pour tenter de s’expliquer avec eux (...) Nos gosses sont nés ici, on est intégrés et on n’a pas de problème avec les gens d’ici", déclare un autre.

"Je n’ai jamais eu de menaces, confirme M. El Atrache, je suis ici depuis douze ans, c’est la première fois que ça arrive, maintenant j’ai peur".

"Mais je ne crois pas qu’ils étaient venus ici avec l’intention de me tuer. C’est un peu comme à Bastia, Ajaccio ou ailleurs, des jeunes qui n’ont rien à faire", estime-t-il.
Le préfet de Corse, Pierre-René Lemas, a condamné l’"attentat" et indiqué que le ministre de l’Intérieur, Dominique de Villepin, "a confirmé ses instructions de fermeté à l’égard de tous actes xénophobes ou racistes."

Les maires de Bastia et d’Ajaccio, Emile Zuccarelli (PRG) et Simon Renucci (DVG), et celui de Paris, Bertrand Delanoë (PS), ont vivement condamné ce nouvel acte de violence raciste, tout comme le Parti socialiste.

Le vice-président du Conseil français du culte musulman (CFCM) Fouad Alaoui a quant à lui réclamé "une protection de proximité des lieux de culte musulmans en Corse".

Les autonomistes du Parti de la Nation Corse (PNC, modéré) ont eux aussi condamné l’attentat, appelant les "engagés dans le combat nationaliste" à s’élever contre "la montée" du racisme dans l’île.

"Notre condamnation est totale de cet acte aux motivations racistes évidentes", écrit le PNC, l’un des piliers autonomistes de la coalition nationaliste Unione naziunale (huit élus à l’Assemblée de Corse), dans un communiqué transmis à l’AFP. "Le PNC en appelle à tous les démocrates de l’île, et tout particulièrement aux engagés dans le combat nationaliste, pour qu’ils s’élèvent sans la moindre complaisance contre ces actes et leurs auteurs. Eux et leur idéologie doivent être combattus".

Les fédérations du Parti communiste français de Corse ont appelé dimanche à un "rassemblement de soutien" samedi prochain à Sartène (Corse-du-Sud), "devant la salle de prière mitraillée". "La tentative d’assassinat dirigée contre l’imam de Sartène marque une étape sinistre dans la dérive raciste et xénophobe d’une partie de la société insulaire", écrivent les fédérations dans un communiqué transmis à l’AFP.

Une équipe de l’Institut de recherche criminelle (IRC) de la gendarmerie a été dépêchée en Corse samedi après-midi pour participer à l’enquête sur les coups de feu tirés sur une mosquée de Sartène, a-t-on appris de source proche de l’enquête.

Cette équipe comporte notamment des experts en balistique, ainsi que des spécialistes en police technique et scientifique (PTS) "pour les domaines utiles à l’enquête".

Les gendarmes de l’IRC de Rosny-sous-Bois sont envoyés pour prendre part aux enquêtes jugées prioritaires.

Par ailleurs, le bureau antiterroriste de la sous-direction de la police judiciaire (SDPJ) de la gendarmerie est associé aux investigations menées par les gendarmes de la légion de Corse qui enquêtent en flagrance pour tentative d’assassinat.

Depuis une dizaine de jours, 21 interpellations ont été effectuées dans le cadre d’enquêtes sur des actes de violence à caractère raciste, donnant lieu à 14 mises en examen à Paris parmi des jeunes soupçonnés d’appartenir au groupuscule armé Clandestini Corsi, qui a revendiqué sept attentats anti-Maghrébins en Corse.

L’île a connu depuis plus d’un an une recrudescence de ces actes, qui vise quasi-exclusivement la communauté maghrébine. Samedi, 200 personnes ont manifesté à Calvi contre le racisme.

"C’est dommage, parce que c’est toujours une infime minorité qui fait ça et ce sont tous les Corses que l’on stigmatise", commente un des membres de l’association visée.

TV5 - AFP

Bladi.net Google News Suivez bladi.net sur Google News

Bladi.net sur WhatsApp Suivez bladi.net sur WhatsApp

Sujets associés : France - Religion - Racisme

Ces articles devraient vous intéresser :

Voici la date de l’Aid al adha en France

Le Conseil français du culte musulman (CFCM) vient d’annoncer la date de l’Aïd al-Adha en France. Cette fête intervient le 10ᵉ jour du mois de Dulhijja (12ᵉ mois lunaire).

MRE : Du changement pour l’opération Marhaba 2024

Contrairement aux années antérieures, l’opération Marhaba marquant le retour des Marocains résidant à l’étranger (MRE) au Maroc va démarrer deux jours avant la date habituelle. La coïncidence avec l’Aïd al-Adha oblige.

Haine envers les Marocains : prison ferme prononcée par la justice

Le parquet de Valence spécialisé dans les délits de haine a requis trois ans de détention contre un homme accusé de diffusion d’informations mensongères sur les réseaux sociaux ciblant les musulmans, notamment Marocains.

Accusé de racisme, Christophe Galtier a le soutien de Laurent Blanc

À l’instar de Genesio, Kombouaré et Roy, le coach de l’Olympique lyonnais (OL) Laurent Blanc a défendu son collègue et ami Christophe Galtier, entraîneur du PSG accusé de racisme dans une affaire qui remonte à son passage à l’OGC Nice la saison dernière.

Racisme envers les musulmans : de nouveaux témoignages accablent Christophe Galtier

L’ex-entraîneur de l’OGC Nice, Christophe Galtier, fait face à de graves accusations de discrimination et de harcèlement moral, avec un procès prévu dans dix jours.

Quand débute le ramadan au Maroc ?

Le ministère des Habous et des Affaires islamiques va annoncer courant la semaine prochaine, la date de l’observation du croissant lunaire au Maroc, prévue le dimanche 29 Chaabane 1445 H après le coucher du soleil, correspondant au 10 mars 2024. Ainsi,...

Maroc : les sites pour adultes cartonnent pendant le ramadan

Les Marocains sont friands des sites pour adultes pendant ce mois de ramadan. À quel moment visitent-ils ces sites ?

Vaucluse : les raisons de l’annulation d’une conférence musulmane

Programmée le 27 novembre à Montfavet, une conférence musulmane organisée par l’association D’Clic Valence, a été reportée au 8 janvier avant d’être annulée. Qui des raisons derrière cette annulation ?

Ramadan : Un mois de spiritualité… et de bagarres ?

Le Ramadan, mois sacré pour les musulmans, est synonyme de spiritualité et de partage. Mais au Maroc, il prend également une tournure plus sombre avec l’apparition d’un phénomène bien connu : la “Tramdena”. Ce terme désigne l’irritabilité et...

Ramadan et sport : oui, mais sous conditions

Le sport et le jeûne du Ramadan ne sont pas incompatibles. Bien au contraire, une activité physique modérée durant cette période peut s’avérer bénéfique pour la santé. Mais pour profiter pleinement de ses bienfaits et éviter les risques, il est...