« El Nene » a été arrêté pour la première fois en 1989, à l’âge de 14 ans, alors qu’il transportait des kilos de haschisch pour un gang local. À 16 ans, il a acheté son premier bateau et a créé sa propre organisation. Près de dix ans plus tard, en 1998, il a été à nouveau arrêté en possession de ballots de résine de cannabis. Considéré à 22 ans comme « l’un des plus importants trafiquants de haschisch marocain », Mohamed Taieb avait commencé à bâtir son empire depuis sa ville natale de Sebta. Né en 1975 dans le quartier Poblado de Sanidad de la ville autonome, El Nene a servi d’intermédiaire entre les chefs d’environ 70 réseaux et une trentaine de barons de la drogue dans les villes espagnoles du Campo de Gibraltar et de la Costa del Sol, le littoral entre Cadix et Malaga.
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Ayant la nationalité espagnole, Taieb qui parle l’arabe, pouvait aller au Maroc et revenir à Sebta à sa guise. En une seule nuit, il était capable de mener trois à quatre opérations de transfert de drogues. Ce qui lui a permis de se faire beaucoup d’argent. Dans les années 90, il a mis au point une méthode qui a révolutionné le trafic de drogues dans le détroit. Elle consiste à mettre plusieurs bateaux à l’eau mais à ne charger qu’un seul, réduisant ainsi les risques d’être interceptés. C’est ainsi qu’El Nene a fait fortune et n’hésitait pas à se faire plaisir dans des soirées arrosées dans les villes de la Costa del Sol ou en achetant des montres de luxe dans les boutiques de Puerto Banús, à Marbella.
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El Nene, qui faisait l’objet de plusieurs procédures judiciaires en cours pour trafic de drogue et tentative d’assassinat, était la principale cible des autorités espagnoles et marocaines qui menaient une lutte farouche contre le trafic de drogues dans le détroit. Il a été arrêté en 2000 à Sebta et condamné à une peine de quatre ans de prison pour un délit contre la santé publique. L’Intérieur a demandé son transfert à Madrid, mais il a réussi à faire suspendre ce transfert à plusieurs reprises. Puis, il réussit à s’évader et rejoindre le Maroc en octobre 2001, d’où il continue à gérer son réseau. L’Espagne demande au Maroc de l’extrader. Mais les autorités marocaines refusent au motif que le fugitif n’est pas Espagnol mais Marocain et qu’il s’appelle Mohamed el Ouazzani.
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Arrêté en 2003 dans le cadre d’une fusillade entre gangs rivaux à Tétouan, El Nene a été condamné à huit ans de prison pour ces altercations et une affaire de trafic de drogue. Il vivait dans le confort en prison et soudoyait les gardes pour avoir tout ce qu’il désirait. Il sera ensuite transféré à la prison de Kenitra d’où il réussit à s’évader le 7 décembre 2005, trois mois après son arrivée, à la faveur d’une permission de sortie irrégulière obtenue avec la complicité des agents. Le caïd rejoint Sebta à bord d’un jet ski. Les agents pénitentiaires marocains qui ont contribué à son évasion ont été condamnés à des peines allant de deux à quatre ans de prison.
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Faisant l’objet d’un mandat d’arrêt international émis par le Maroc, Mohamed Taieb a été arrêté le 24 avril 2006, alors qu’il circulait à Sebta dans une BMW au nom de son frère. Quelques semaines plus tard, il a été extradé au Maroc pour purger sa peine de huit ans d’emprisonnement. Selon des sources policières marocaines, El Nene, à son arrivée au Maroc, a été emmené dans un endroit secret et torturé, avant d’être enfermé pendant plusieurs mois dans une prison souterraine, sans aération ni lumière. Il a aussi réussi à corrompre les agents de centre pénitentiaire. À sa sortie, il n’était plus le même, se plaint un proche du trafiquant, précisant qu’il est devenu plus violent. « Il était déjà quelqu’un d’autre avant de mourir. Le Nene que j’ai connu quand j’étais jeune n’était pas celui qui a été mangé par les poissons ».