L’agression a eu lieu sur la place Duinplak, dans la Duinstraat (Seefhoek) à Anvers. Ilyes discutait avec des amis dans l’après-midi sur cette place, lorsqu’il a aperçu une jeune mère qui était visiblement harcelée par un jeune homme, âgé de 18 ans environ. « J’étais assise sur un banc pendant que mon fils de quatre ans jouait. Ce jeune homme était si proche qu’il m’a touchée. J’ai bougé un peu, mais il a bougé avec moi. Je me suis sentie menacée et j’ai essayé de détourner le regard », témoigne auprès de 7sur7 Manuela Raymaekers, 28 ans. Mais le jeune homme, au visage couvert par un foulard, insiste, allant jusqu’à menacer la jeune mère de s’en prendre à son fils si elle n’accepte pas d’avoir des relations sexuelles avec lui. Prise de panique, Manuela met ses écouteurs et tente de l’ignorer.
Voyant la scène de loin, Ilyes décide d’intervenir. Il aborde l’adolescent et lui parle gentiment. « Il lui a dit d’arrêter et de partir. Pas de violence physique, juste des mots. Ilyes a demandé ce qui n’allait pas chez lui. Mais le garçon n’a rien pu dire », confie Ashraf, un témoin. Le jeune homme prend ses distances, puis subitement sort un couteau à viande de sa poche arrière et poignarde violemment Ilyes à la poitrine avant de prendre la fuite. La victime s’effondre. « J’ai essayé de ranimer Ilyes. J’ai enlevé mon pull et j’ai appuyé sur sa blessure à la poitrine. Mais j’ai vu la vie disparaître lentement de son regard. Son cœur s’est arrêté de battre. Il est mort dans mes bras », déclare Manuela, encore sous le choc. Pendant ce temps, les amis d’Ilyes poursuivent l’adolescent et parviennent à l’arrêter à deux rues plus loin, avec l’aide de la police.
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L’agresseur a été présenté lundi au juge d’instruction. Il devrait rester en détention, en attendant les résultats de l’enquête ouverte pour déterminer les mobiles de son acte. La victime vit en Belgique depuis cinq ans. Sans papiers, il travaillait à temps partiel dans le secteur de la construction pour joindre les deux bouts. Il a quitté sa Tunisie natale il y a une dizaine d’années pour se construire un avenir meilleur en Europe. Il réside un moment en Allemagne, où il rencontre sa première femme avec qui il a un garçon. Il a rejoint Anvers après la rupture de cette relation. C’était « un type formidable. Il avait un grand cœur et était toujours là pour les autres. Ce qu’il a fait dimanche était typique de lui. Il ne faisait jamais de mal à personne », assure son ami Ashraf.
De son côté, Manuela se culpabilise : « J’ai l’impression qu’Ilyes est mort à cause de moi. Parce qu’il voulait m’aider. Je pense à son fils, à son ex-femme… Il n’a jamais mérité ça. Mais pour moi, il restera l’homme le plus courageux que j’aie jamais connu. » Les habitants du quartier organisent jeudi une veillée silencieuse en sa mémoire. Une occasion pour, selon les organisateurs, « réfléchir à ce qui s’est passé » et « envoyer un signal clair contre la violence, l’intimidation dans la rue et l’insécurité croissante dans notre quartier. »