Le "busing" ou comment scolariser les enfants d’immigrées hors des cités

27 mars 2007 - 00h05 - France - Ecrit par : L.A

A peine montées dans le car, Maroua et Ibtissane s’installent côte à côte. A l’arrière : en CM2, on ne fraye pas avec les « petits ». Chaque jour, ils sont environ 130 à prendre l’un des trois cars affrétés par la mairie, qui les déposeront dans l’une des sept écoles élémentaires du secteur « est » de Bergerac.

Une expérience de « busing » venue des Etats-Unis et restée unique en France, qui, bravant le carcan de la carte scolaire, offre depuis dix ans aux « enfants de Caville » une meilleure égalité des chances.

Caville, du nom de l’ancienne école du quartier de la Catte. Une enclave aux portes de la ville : quelques barres HLM, sans commerces ni lieux de vie – hormis un terrain de football impeccablement gazon- né. « Pas le Bronx », dit-on ici. Mais des conditions si rugueuses qu’elles ont fait fuir depuis long- temps les Bergeracois « de sou che ». Construite en 1963, la cité est désormais entièrement peuplée de familles immigrées, majoritairement venues du Maroc.

En 1995, l’école y accueille 103 élèves, dont 83 % d’origine étrangère. Cette même année, Daniel Garrigue, député UMP de la Dordogne, devient maire. Sa décision est vite prise : fermer cette « école ghetto » dans laquelle les enfants parlent l’arabe plus que le français, et où les résultats sont préoccupants ; répartir les enfants de Caville dans les autres établissements, en mobilisant des autocars pour leur transport. « Bien que controversée, cette pratique de “busing”, menée dans les années 1960 aux Etats-Unis, avait contribué à l’apparition d’une classe moyenne noire américaine », rappelle-t-il.

Pascale Cholbi, responsable du service enseignement de la mairie, se souvient comment « les Caville » étaient exclus d’office par les autres élèves lorsqu’ils arrivaient au collège. « Les familles migrantes elles-mêmes, lorsqu’elles voulaient que leurs enfants réussissent, faisaient tout pour les faire changer d’école », ajoute Nadine Belin.

Alors inspectrice de l’éducation nationale, persuadée que « la citoyenneté et l’image d’eux-mêmes qu’avaient ces enfants dépendaient étroitement de l’hétérogénéité sociale », elle fit beaucoup, avec l’accord du rectorat, pour que cette démarche d’intégration soit appliquée dès la rentrée 1996.

Brassage « enrichissant »

Dix ans plus tard, les autocars de la mixité sillonnent toujours les rues de la ville, au prix de 55 000 euros par an pour la commune. La pratique est entrée dans les mœurs, et le sujet ne fait plus polémique. Ni chez les syndicats d’enseignants – au départ très opposés au projet, à l’exception de la FEN –, ni chez les parents. Pourtant, dans les écoles d’accueil, on craignait que l’arrivée des petits de Caville ne fasse baisser le niveau. Et certains comprenaient mal, à la Catte, comment se justifiait la fermeture de « leur » école.

Mais Fatima Guerouani, elle, n’eut aucun doute. L’école de Caville fut pourtant la sienne, elle qui vit « au quartier » depuis l’âge de 10 ans. « Mais à l’époque, précise-t-elle, nous étions au maximum trois Marocains par classe. » Mère de six enfants dont la plus jeune est encore au collège, elle est l’une des trois accompagnatrices qui, chaque jour, veillent au bon transport des élèves. Elle fut dès le départ convaincue du bienfondé de cette démarche d’intégration qui permet aux enfants de la Catte de parler correctement le français, et d’avoir des résultats scolaires à la hauteur de leurs capacités. Mais aussi d’être invités aux anniversaires dans toute la ville.

Le Monde

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