Centre d’appel : plus de 5000 emplois au Maroc

9 novembre 2004 - 11h57 - Economie - Ecrit par :

Entre 4 000 et 5 000 jeunes diplômés marocains travaillent pour des centres d’appels opérant pour des sociétés françaises.

Tenues traditionnelles, théières, narguilés et musique occidentale une ambiance typiquement ramadanesque dans ce pub casablancais réservé, pour la soirée, au personnel d’un call center. Réda, 23 ans, est l’un d’entre ceux qui ne restent pas indifférents au spectacle. « On dirait une cure de réadaptation culturelle », ironise-t-il. Depuis 18 mois qu’il travaille dans ce centre d’appels -qui traite le service renseignement d’un opérateur télécoms français -il vit et respire au rythme de l’Hexagone. « Je me suis résigné à régler ma montre sur l’heure de Paris. Ce week-end, je gagnerai d’ailleurs une heure de sommeil avec la suppression de l’heure d’été », se réjouit-il. Son horaire de travail, calqué sur l’heure française, lui vaut souvent des journées qui commencent à 6 heures du matin (heure locale). « Mais il n’y a pas d’horaires fixes, précise-t-il. Le service est assuré 24h/24. Alors, nous nous relayons sur des créneaux horaires et de jours de repos différents. Quant aux jours fériés nationaux ou religieux, nous avons pris l’habitude de les ignorer ».

La culture française omniprésente

Dans la plate-forme ultra-moderne au cœur de laquelle il officie, tout évoque le pays avec lequel il est connecté 8 heures par jour via son casque téléphonique. « Nous portons des prénoms français. A la buvette, la télé est constamment branchée sur les chaînes d’information françaises et les magazines hexagonaux sont les seuls autorisés dans les locaux ». Bref, tout est fait pour que Réda et ses collègues télé-opérateurs soient suffisamment imprégnés de la culture et de la langue de Molière, exigence principale des entreprises françaises qui sous-traitent leur relation clientèle.

« C’est une activité de sous-traitance certes, mais ce n’est pas du textile où il suffit d’envoyer un plan de coupe sans se soucier des hommes qui assurent la fabrication. La relation client est la pièce maîtresse de notre business », explique le patron d’un call center, membre de l’association marocaine des relations clients (AMRC). Le secteur consacre ainsi près de 1,5 % de sa masse salariale aux besoins de formation. Faute de quoi, des marchés risquent de lui passer sous le nez. L’échec cuisant qu’a connu Taxis bleus est ainsi devenu un cas d’école. En octobre 2002, la société avait signé un contrat avec un centre d’appel basé à Rabat, afin de soulager son central de réservation parisien. Formés à la va-vite, les télé-conseillers marocains, n’ayant aucune connaissance des us et coutumes français, n’avaient pu assurer un service de qualité. Taxis bleus, devant la menace de grève des chauffeurs, fut ainsi contrainte de rapatrier la gestion de ses appels en France après seulement cinq mois d’activité. Mais si les entreprises françaises acceptent de prendre ce risque -largement maîtrisable- pour délocaliser cette activité, c’est d’abord en raison du différentiel de coût. Entre l’abondance de la ressource, son niveau de rémunération, le droit de travail peu contraignant qui autorise l’activité de nuit et en week-end sans surcoût salarial excessif, la formule « off shore » leur permet de diminuer en moyenne de 35 % le coût de cette prestation. Pour un salaire équivalent à 25 % au SMIC français, Réda se met dans la peau d’Antoine -pseudo qu’il utilise- 44 heures par semaine, soit 9 heures de plus que les heures de travail légales en France. Pas étonnant que le quartier où il travaille, abritant 4 centres d’appels, ait été rebaptisé Martine Aubry, en « hommage » à la ministre française instigatrice des 35 heures.

Cela dit, Réda est loin de se plaindre de sa situation. Son salaire représente malgré tout le double du salaire minimum au Maroc. « Le plus important, c’est que ça me permet de m’occuper et de subvenir à mes besoins. Il est très difficile pour un jeune diplômé de trouver un premier emploi », confie-t-il. En effet, avec un taux de chômage qui frôle les 20 % chez les diplômés, le secteur constitue une bouffée d’oxygène pour le marché de l’emploi. Entre 4 à 5 000 jeunes sont aujourd’hui employés par les 40 centres d’appels exerçant au Maroc et qui génèrent un chiffre d’affaires annuel de 700 millions de dirhams. Mais ces derniers veillent au grain dès lors qu’il s’agit de rémunérations. « Il faut aussi savoir que les meilleurs éléments peuvent doubler leurs salaires au bout de deux ans », rétorque le patron d’un centre d’appels, avant d’ajouter : « En même temps, il est indispensable de maintenir un bon rapport qualité/prix pour rester compétitif par rapport aux autres pays ».

Un marché très concurrentiel

Sur ce marché de l’off shore, le Maroc est en concurrence avec d’autres pays francophones tels la Tunisie, le Sénégal ou l’Île Maurice. Et, vu le potentiel du marché, il y a de la place pour tout le monde à condition d’être compétitif. En effet, seuls 2 % des postes de télé-conseillers français sont implantés en off shore, contrairement aux puissances anglophones dont 80 % de cette activité est délocalisée. Mais le marché français a du chemin à faire avant de s’ouvrir complètement. Beaucoup d’opérateurs sont subventionnés par des collectivités locales qui, elles aussi, voient dans cette industrie demandeuse de main-d’oeuvre un remède anti-chômage. Des mesures réglementaires peuvent même intervenir pour arrêter « l’hémorragie de la délocalisation ».

Le projet d’arrêté proposé par Nicolas Sarkozy, obligeant les call centers à informer leurs correspondants de leur localisation géographique, en est le signal le plus frappant. Cela dit, les opérateurs sont unanimes sur le fait que l’équation économique de l’off shore devrait s’imposer à terme, et tabler sur une multiplication par quatre du nombre de postes au Maroc en 2007. D’ici-là, Reda espère ne plus être coiffé d’un casque téléphonique : « Beaucoup attendent l’opportunité de démissionner car, même au Maroc, passer sa journée à répondre au téléphone n’est pas un choix de carrière ».

Fahd Iraqi - Le Journal Hebdo

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