Enfin, nous allons pouvoir trouver des solutions à nos problèmes : la construction des mosquées, le statut des imams… Des lois vont être votées. Des règles clairement établies. » Comme 25 autres grands électeurs de l’Yonne (désignés par les mosquées et salles de prière), Moustapha Maarouf, le président de l’Association cultuelle marocaine de Saint-Florentin, a participé dimanche dernier à l’élection du Conseil français du culte musulman (CFCM) et de son instance décentralisée, bourguignonne.
Par le même vote - un scrutin de liste à la proportionnelle au plus fort reste -, les délégués des différentes mosquées ont en effet élu les représentants nationaux et ceux qui siégeront aux conseils d’administration et aux bureaux des Conseils régionaux du culte musulman. Ces structures ont pour mission de devenir les interlocuteurs des préfectures et des élus locaux pour tous les sujets ayant trait au culte musulman : construction de mosquées, organisation de l’abattage des moutons pour l’Aïd-el-Kébir, désignation d’aumôniers pour les hôpitaux et les prisons, création de carrés musulmans dans les cimetières, marché de la viande halal, relations avec les représentants des autres religions.
Visage officiel
A l’image de l’islam de France, l’islam de l’Yonne a désormais un visage. Reflète-t-il la réalité ? Pas si sûr : c’est par la taille des mosquées (et salles de prière) qu’a été défini le nombre de délégués appelés à voter. Il est en tous cas désormais le visage officiel de la deuxième religion de France. Si au plan national, la FNMF (Fédération nationale des musulmans de France), liée au Maroc, l’emporte devant l’UOIF (Union des organisations islamiques de France), proche des Frères musulmans, en Bourgogne et dans l’Yonne, les fondamentalistes arrivent en tête.
Inquiétant ? Pas du tout, rétorquent les différentes représentants des mosquées. « Tous les musulmans pensent la même chose », affirme Ali Zouaghi, de l’association culturelle et cultuelle de Sens et sa région. « Les listes ne sont pas importantes. Il n’y a pas de lutte entre nous. Notre combat est le même. Il est temps de mettre de l’ordre. On ne peut plus faire n’importe quoi, n’importe comment. Tous les musulmans sont d’accord. »
Des propos corroborés par Suat Ulas, de l’Association cultuelle turque migennoise : « Si on veut vraiment travailler pour les musulmans de France, nous avons intérêt à nous entendre. Chacun de nous devra y mettre du sien. Et surtout ne pas faire de la politique, sinon cela ne pourra pas marcher. Il est important pour les musulmans d’avoir des représentants légitimes. Nous attendons des directives précises. Ainsi, on devrait éviter des problèmes comme lors de la dernière fête de l’Aïd. L’organisation a été plus ou moins bonne : on a connu plusieurs jours de retard pour tuer les moutons. »
« Musulmans de France »
A Avallon, même espérance. Aït Kicha, de la communauté marocaine, souligne la symbolique de la terminologie : « Nous ne sommes plus aujourd’hui des musulmans en France, mais des musulmans de France. Nous sommes tout de même cinq millions. Il est important de se faire entendre. A Avallon, nous demandons depuis des années un terrain pour construire une petite salle de prière. Conclusion, nous prions toujours dans une cave. L’élection du conseil ne peut que faire avancer les choses. La religion, si la politique ne s’en mêle pas, ça ne fait que du bien. » Au lendemain de l’élection, l’espoir est donc grand.
En attendant la désignation du recteur Boubakeur à la tête du CFCM, les bureaux régionaux devront se doter de présidents. Dans les régions, aucune liste n’ayant atteint la majorité absolue, le premier de la liste arrivée en tête devrait théoriquement être élu, mais les alliances de dernière minute pourraient réserver des surprises. En Bourgogne, il ne s’agirait pas d’une première !
Véronique Sellès. pour http://www.lyonne-republicaine.fr