Immobilier : La crise touchera-t-elle le secteur ?

21 décembre 2008 - 20h44 - Economie - Ecrit par : L.A

La crise financière internationale ne cesse de susciter des inquiétudes chez les opérateurs et experts marocains. Car les dégâts enregistrés dans les pays du Nord et juste à côté en Espagne ne laissent personne indifférent, notamment dans le secteur de l’immobilier. Est-ce que cette crise touchera l’habitat au Maroc ?

Non, mais il faut rester vigilant concernant la spéculation. Et il faut poursuivre les réformes pour adapter l’offre à la demande au profit de la majorité des citoyens. Et également apporter un soutien aux opérateurs du secteur pour leur permettre de faire face aux contraintes de fonctionnement conjoncturelles. C’étaient les principales recommandations dégagées lors d’une conférence organisée, mardi dernier à Rabat, sur le thème : « le secteur de l’immobilier au centre de la crise financière : perspectives mondiales et enjeux pour le Maroc ».

La majorité des intervenants ont mis en valeur la conjoncture économique nationale favorable avec une croissance soutenue et une amélioration des finances publiques. « L’augmentation ces dernières années des recettes de la TVA n’est pas le fruit d’un hasard, mais il s’agit plutôt de la modernisation de l’économie nationale », souligne Bassim Jai Hokimi, ancien PDG de l’ONA.

Pour ce dernier, la solidité de notre système est un garant de notre économie ainsi que pour le secteur immobilier national contre les incidences de la crise financière internationale. Sur ce volet, Nouaman Al Aissami, chef de la division du crédit à la direction du Trésor et président du comité du suivi du Fogarim, a essayé de montrer à travers son intervention la différence entre notre système de financement hypothécaire et celui pratiqué aux USA et qui s’est effondré suite à la crise des subprimes.

Pour Al Aissami, le secteur de l’habitat connaît ces dernières années un engagement formel de l’Etat sur différents plans. En effet, sur la période 2002-2007, un foncier de 5000 ha a été mis à la disposition des promoteurs avec mobilisation des ressources financières pérennes pour le secteur.

A cela s’ajoute la mise en place d’un système de financement pour accéder à la propriété, surtout pour les ménages à revenus modestes. « Il s’agit d’un système basé sur une nouvelle approche, à savoir la garantie de la solvabilité au lieu de la ristourne au niveau des taux d’intérêt comme c’était le cas auparavant », indique Al Aissami.

Sur ce registre, il évoque le succès affiché par le produit Fogarim qui se caractérise par des taux d’intérêt fixes et relativement bas avec des délais de remboursement longs.

Depuis son lancement, 43.000 prêts ont été accordés avec 6 milliards d’encours garantis pour un taux d’intérêt moyen d’environ 5,1%. Outre la fixité des taux, le crédit hypothécaire est basé sur un document de revenu et l’hypothèque constitue un apport de garantie supplémentaire. Donc il faut continuer à privilégier une offre de logement en adéquation avec la demande en proposant des produits financiers simples. Mais, lors du débat, la question de l’impact d’une éventuelle augmentation au niveau des taux d’intérêt en 2009 sur le financement des logements sociaux a été soulevée. Cette conférence a été une occasion pour expliquer à l’assistance les causes de la crise financière suite à l’effondrement du secteur de l’immobilier aux USA.

Cet aspect a été développé brillamment par Soulaymane Kachami, professeur d’économie, de finances et de recherche opérationnelle à Columbia University (New York).

Ce professeur marocain siège au Sénat de l’université américaine et il est actuellement président du comité chargé du budget. Parmi les causes évoquées par Kachami, on retient une dérèglementation des marchés financiers avec innovation de produits de crédits, notamment pour le logement, complexes et dont certains génèrent des prises de risque énormes à la fois pour la banque, l’investisseur, les ménages et à la fin pour le contribuable américain.

Il y a aussi une destruction des bilans comptables des institutions financières qui sont devenues très risquées par des prises de positions non liquides. Tout cela dans un contexte marqué par un niveau d’endettement très élevé (pour 1 dollar du capital propre on emprunte jusqu’à 30 ou 40 dollars). « Pour les ménages, on enregistre un laxisme énorme au niveau de l’octroi des crédits, à tel point que l’analyse de revenu des ménages n’est plus nécessaire », explique Kachami.

En guise de recommandations pour le Maroc, ce dernier est pour une meilleure maitrise de l’offre et la demande par région et par segment de consommateurs. Il faut également exiger une grande transparence chez les promoteurs immobiliers ainsi que les institutions financières.
Cette transparence sera d’une grande utilité pour le régulateur et lui permettra d’intervenir pour aider les différents acteurs.
Confiance

Instaurer la confiance est l’un des grands défis à relever par les responsables du secteur. Sur ce volet, Kachami propose l’élaboration d’un code de déontologie des médias pour éviter une manipulation de l’information susceptible de créer un sentiment de pessimisme qui n’a pas lieu d’être. Toujours dans le même registre, il faut réfléchir à une politique monétaire qui permet de déterminer les taux d’intérêt nécessaires pour continuer à encourager une demande soutenue pour les biens immobiliers.

Source : L’Economiste - Nour Eddine El Aissi

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