Dévalorisés, les infirmiers marocains quittent massivement le Maroc

13 février 2023 - 19h20 - Maroc - Ecrit par : S.A

Alors que le Maroc a besoin d’un nombre considérable d’infirmiers dans ses hôpitaux, ces professionnels de la santé, en quête de meilleures conditions de travail et de vie, sont nombreux à quitter le royaume pour s’installer dans des pays comme le Canada et la France. Une « hémorragie » selon le médecin et professeur Jaâfar Heikel.

« Au sein de mon hôpital, si on pose la question : comment vous voyez-vous d’ici dix ans ? Tout le monde va vous répondre : on veut partir », déclare à radio-canada Oumaïma, une infirmière de 24 ans à Casablanca. 180 des 456 infirmiers recrutés pour une formation d’appoint dans les cégeps du Québec après le lancement en 2022 d’un nouveau programme de recrutement de 1000 infirmiers et infirmières viennent du Maroc. Le manque de valorisation du métier, l’écart immense de rémunération entre les médecins et le personnel infirmier, les conditions de travail sont autant de facteurs qui poussent les infirmiers marocains à quitter le royaume. À titre d’exemple, Oumaïma touche 6500 dirhams par mois (852 $) dans le secteur public et ses gardes de 12 heures, un dimanche sur quatre, lui rapportent à la fin de l’année 98 dirhams (13 $) par journée. Les heures supplémentaires, elles, ne sont pas payées.

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Zakariae Taabani, secrétaire provincial de l’Union marocaine du travail (UMT), le plus gros syndicat du Maroc, qui représente 60 % des infirmiers et infirmières, est au parfum de cette triste réalité. « Au bout de 4 ou 5 ans d’expérience, ils ont envie d’aller ailleurs », explique-t-il, faisant savoir que 13 des 60 infirmiers d’un hôpital de Casablanca ont récemment vu leur dossier accepté en même temps pour immigrer au Canada. Selon un chiffre officiel, le Maroc compte 30 000 infirmiers et infirmières, et il en a besoin de 65 000 de plus. De son côté, l’UMT parle de 100 000 de plus. Sur le terrain, le constat est amer. « On a un médecin pour 60 000 habitants, alors on souffre bien !, s’exclame Fedoua Bouhou, l’activiste pour le développement social et associatif vit à Tarmigte, près d’Ouarzazate, dans le sud-est du Maroc.

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Comment pallier la pénurie d’infirmiers alors que le Maroc étend la couverture d’assurance-maladie à toute sa population. « Pour réussir ce chantier royal, il faut des hommes et des femmes ! s’exclame le médecin et professeur à Casablanca Jaâfar Heikel, par ailleurs docteur en économie. Il ne suffit pas de mettre de l’argent et des infrastructures. Qui va s’occuper des patients si une bonne partie s’en va ? » Il ajoutera qu’il ne suffit pas de former plus de médecins et d’infirmiers. Il appelle à une bonne planification. « Il faut qu’il (ministère de la Santé, NDLR) nous écoute, qu’il améliore les conditions de travail de ces infirmiers, pour qu’ils se sentent bien ici. Parce qu’immigrer, ce n’est pas un choix facile. S’ils se sentaient mieux ici, ils seraient restés », lance le représentant syndical Zakariae Taabani.

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