Elections : La jeunesse en mal de représentants

19 mai 2007 - 01h37 - Maroc - Ecrit par : L.A

Dans un pays où 78% de la population se situent dans une tranche d’âge de 18 à 30 ans, les drigeants des partis politiques font office de vieux dinosaures.

Jusqu’à nouvel ordre démocratique, les élections, ce sont des candidats et des électeurs. Où en sont les uns et les autres, à moins de quatre mois des prochaines législatives ? Normalement, dans le plus simple des ordinaires par rapport à une échéance si proche, nous devrions être dans une période préélectorale. Sans jouer les sceptiques endurcis, ce n’est visiblement pas le cas.

Une seule note vient, toutefois, faire exception. Ce sont les spots de communication, diffusés à l’initiative du service public, qui nous rappellent à notre devoir citoyen de figurer sur les listes électorales. En fait, ce message d’actualisation des listes électorales est surtout destiné aux jeunes de dix-huit ans révolus.

Dans un pays où 78% de la population se situent dans une tranche d’âge de 18 à 30 ans, cette invite à la participation démocratique est vitale et stratégique. Pour lui donner toute son amplitude participative, les délais d’inscription ont été, une fois de plus, repoussés. La nouvelle date-butoir a été fixée au 14 mai courant ; un peu comme pour conjurer les latences réfractaires et pour vaincre les hésitations persistantes, parmi les jeunes.

De par sa nature, le mouvement associatif s’est, de lui-même, invité dans cette campagne de sensibilisation. Une ONG, 2007 Daba, a même été créée, autour de Noureddine Ayouche, spécialement pour la cause. Les autres associations ne sont pas en reste. C’est plutôt bon signe.
Lentement mais sûrement, la société civile s’éveille à la démocratie. Elle est en train de prendre conscience que celle-ci passe par le vote ; à condition que l’on ne choisisse pas de voter avec les pieds. Le message par l’image et le son se veut pédagogique, incitatif, voire percutant. Quelles sont ses chances d’atteindre la population ciblée, celle des jeunes par l’âge, et des toujours jeunes par dépit ? C’est toute la question ; c’est le paramètre essentiel qui permettra de situer les législatives de 2007 dans l’échelle chronologique de progression vers un plus démocratique. Si l’enjeu est de taille, le résultat n’est pas vraiment acquis. Il est en confrontation avec deux données impossibles à évacuer par des envolées oratoires, le temps d’une campagne électorale. La première tient au rôle des partis politiques ; la seconde procède, tout simplement, de la réalité.

Depuis l’intronisation, fin juillet 1999, de SM Mohammed VI, un vent de jeunisme a fortement soufflé sur le Maroc. Des sergents-recruteurs, superbement zélés et bons gestionnaires de leurs propres carrières, s’y sont engouffrés, au point de noircir leurs tempes grises. Il n’y avait plus de postes disponibles de décision que pour des quadras qui faisaient moins que leur âge. Une équation a subitement fait surface : Comment rajeunir les gestionnaires de la chose publique, en général ; et le personnel politique, en particulier ? Comment faire en sorte que cette transition générationnelle ne se transforme en conflit de générations ? Comment convaincre les seniors à passer la main aux juniors, sans que les premiers n’aient le sentiment d’être brutalement poussés vers la sortie par les seconds ? Tout pousse à croire que le temps de la succession monarchique n’a pas donné le temps nécessaire à une relève naturellement consentie.

Des vocations précoces de leadership se sont déclarées. Les anciens y ont répondu par un raidissement de vieux réflexes partisans. Des exemples, en voulez-vous, en voilà : Mohamed El Gahs, membre frais émoulu du bureau politique de l’USFP, est déjà entré en dissidence contre le routier de son parti, Mohamed Elyazghi. Abdelkrim Ben Atik, encore plus jeune premier que son aîné relatif, Mohamed El Gahs, tout en étant de la même famille politique, s’est, lui, carrément mis à son compte en créant le Parti travailliste. Le RNI ne parvient même pas à tenir son congrès, plus d’une fois reporté. Un peu moins que dans la Chabiba ittihadia, proprement intenable, la gronde monte des circuits familiaux pourtant lissés de la jeunesse istiqlalienne. Au Parti de l’Istiqlal aussi, on veut rajeunir, quitte à livrer son billet de sortie à l’ex-faux jeune, Abbas El Fassi.

Dans d’autres partis politiques, la jeunesse a de la difficulté à éclore, malgré un printemps politique prometteur. Chez les Harakis, Mahjoubi Aherdane ressemble à l’ex-empereur du Japon, version tamazight. Ceux auxquels il a concédé une devanture officieuse n’arrivent pas à s’en défaire, pour une raison toute simple ; c’est lui qui les a faits. Dans les rangs inaudibles de l’Union constitutionnelle, le directoire des jeunes se recrute à la préretraite, ce qui n’est pas très rajeunissant.

Quoi qu’on dise sur l’expérience des petits pères fondateurs et de leur droit d’aînesse, il n’y a pas mieux que les jeunes pour parler aux jeunes. Mais admettons que ces jeunes férus de politique et avides de reconnaissance publique prennent le pouvoir dans leurs partis respectifs, ou ouvrent leurs échoppes personnelles. Que pourraient-ils bien dire à leurs alter-ego pour les amener à les rejoindre dans un engagement massif pour plus de démocratie participative et des lendemains qui déchantent un peu moins ? Ces jeunes fous de la politique ; contrairement aux jeunes fous de Dieu, semblent être, désespérément, à court de discours. À ce stade, nous en arrivons au cœur du problème.
Les partis politiques, le mouvement associatif, les syndicats, l’État dans son continuum imprescriptible, peuvent-ils leur donner une motivation crédible et engageante pour s’inscrire dans le processus actuel des droits économiques et sociaux du commun des citoyens marocains ? Si la jeunesse de notre pays n’y croit pas beaucoup, c’est que le fonctionnement de nos organismes institutionnels n’est pas vraiment entraînant. Un exemple suffit, celui des bulldozers démolissant les baraques du Karian (bidonville) Thomas, au quartier Sidi Moumen, de triste mémoire. Face aux images, ostensiblement retransmises par le service public de télévision, on revenait de loin.

On s’est subitement rappelé qu’à à peine trois semaines des sinistres attentats de Casablanca, un 16 mai 2003, les autorités de la ville, tous statuts confondus, avaient présenté au Souverain des plannings d’éradication de bidonvilles. Ce fut le slogan, combien euphorisant, de Villes sans bidonvilles. Il n’en a rien été ; puisque ce terreau dormant de pêche aux intégristes kamikazes, a fini par se réveiller et frapper, récemment.

C’est à ce niveau que l’ambition démocratique se confronte à la réalité crue des conditions de vie et de rêves d’avenir. Il s’ensuit un décalage dangereux que la solution sécuritaire, à elle seule, ne peut concilier, encore moins contenir. Autrement, comment comprendre les boat-people suicidaires d’immigrants clandestins marocains pour fuyant leur pays en direction d’un Eldorado improbable !

À ce niveau de désespérance humaine, il devrait y avoir d’autres réponses en termes d’écoute et d’intégration culturelle, économique et sociale. C’est tout l’enjeu de la mobilisation pour les prochaines législatives. La date de ce scrutin a été l’objet d’une auscultation rapprochée de notre calendrier socialo-religieux. C’est le 7 septembre que l’on devra se rendre aux urnes, au sortir du débronzage des vacances et des préparatifs du Ramadan. Difficile de trouver un meilleur créneau entre une oisiveté estivale méritée et une obligation de spiritualité.

Ceci étant dit, ne serait-ce pas le meilleur moment pour avoir l’écoute des jeunes, pour les emmener aux bureaux de vote ; pourquoi pas en maillot de bain.

Maroc Hebdo - Abdellatif Mansour

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