« On étouffe en France », raconte au site Charente Libre un Français de 33 ans d’origine marocaine. En raison de « la morosité ambiante » et des « humiliations » du quotidien liées à son patronyme et ses origines, cet employé dans la tech s’apprête à émigrer en Asie du sud-est avec sa femme enceinte, « pour vivre dans une société plus apaisée et où les communautés savent vivre ensemble ». « On me demande encore aujourd’hui ce que je fais dans ma résidence », où il vit depuis plusieurs années. « Et c’est pareil pour ma mère quand elle me visite. Mais ma femme qui est blanche de peau n’a jamais eu cette question », raconte-t-il. « Cette humiliation constante est d’autant plus frustrante que je contribue net à cette société en faisant partie des hauts revenus qui paient plein pot », s’insurge ce MRE.
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Comme lui, un banquier franco-algérien de 30 ans, qui a requis l’anonymat veut lui aussi fuir la stigmatisation pour sa religion, son nom et son origine. Il s’apprête à s’envoler pour Dubaï en juin. « Le climat en France s’est largement dégradé. En tant que musulman on est pointé du doigt », estime-t-il. Titulaire de deux masters, ce fils d’une femme de ménage algérienne estime en outre s’être heurté à un « plafond de verre » dans son parcours professionnel en France. Même son de cloche chez Adam. En France, « vous devez faire deux fois plus d’efforts quand vous venez de certaines minorités », affirme-t-il. Il a échoué à 50 entretiens d’embauche pour un job de consultant, en dépit de ses qualifications et diplômes. Ce trentenaire d’origine nord-africaine vit désormais à Dubaï. « Je me sens beaucoup mieux ici qu’en France. […] Ici on est tous égaux. On peut avoir comme patron une personne indienne, une personne arabe, un Français », témoigne-t-il. Il ajoutera que sa religion est « plus acceptée ».
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Dans leur livre « La France, tu l’aimes, mais tu la quittes », Olivier Esteves, professeur des universités (université de Lille), spécialiste du monde anglophone, de l’ethnicité et de l’immigration ; Alice Picard, enseignante agrégée de sciences économiques et sociales et chercheuse associée au laboratoire Arènes (UMR 6051) et Julien Talpin, directeur de recherche au CNRS (Ceraps, université de Lille), spécialiste du racisme et de l’engagement dans les quartiers populaires, mettent en lumière les talents musulmans qui ont décidé de quitter la France en raison des discriminations, notamment à l’emploi et du racisme. Ce livre enquête sur l’exil silencieux des cadres musulmans de France pointe « une exception française » qui est « d’abord institutionnelle, politique ». « La France se singularise par sa réticence, voire son hostilité, à reconnaître la spécificité de l’islamophobie comme forme de racisme, alors même qu’elle abrite le plus grand groupe musulman au sein de l’Union européenne », soulignent les auteurs du livre.