Expulsée alors qu’elle venait porter plainte pour violences conjugales

21 mai 2008 - 12h12 - France - Ecrit par : L.A

Samia venait porter plainte pour violences conjugales. Elle a été expulsée de Maubeuge vers le Maroc en moins de 24 h. Le 31 mars, Samia erre à l’aéroport de Casablanca. Elle a été jetée là sans argent ni effets personnels par les autorités françaises. Bons baisers du pays des droits de l’homme...

Il n’y a pas 24 heures, Samia était à Maubeuge, hébergée dans le foyer Saint-Vincent-de Paul après avoir quitté un compagnon qui la battait. À Casablanca, un couple la prend en pitié et la ramène chez ses parents, dans un village de montagne à 300 kilomètres, soit une journée de voiture. Lorsque la jeune femme débarque, elle est accueillie sans enthousiasme : elle avait quitté son village, jeune épousée d’un homme franco-marocain. Elle revient à 28 ans, sans travail. Une bouche supplémentaire à nourrir avec un statut embarrassant de femme divorcée. Une amie maubeugeoise, qui lui téléphone encore deux fois par semaine, confirme le traumatisme.

Battue mais clandestine Samia s’est fait piéger en déposant une plainte à la gendarmerie de Maubeuge pour violences conjugales. Lorsqu’on la fait revenir pour donner un certificat médical, elle est immédiatement arrêtée. Elle est « femme battue » mais aussi « clandestine » depuis son divorce d’avec son premier mari, également violent. La procédure d’expulsion sera d’une rare rapidité : quelques heures au centre de rétention de Lesquin, puis à Roissy, et embarquement immédiat à destination de Casablanca. Un zèle qui suscite beaucoup d’interrogations quant au respect de la procédure.

Les circonstances de l’arrestation sont aussi particulièrement choquantes. Parce qu’elles vont à l’encontre des déclarations de Nicolas Sarkozy qui avait promis en avril 2007 : « À chaque femme martyrisée dans le monde, je veux que la France offre sa protection en lui donnant la possibilité de devenir française. » Mais depuis, la traque des « sans papiers », avec un objectif chiffré avoué, a remplacé les belles promesses. Quitte à décourager les femmes battues de se plaindre.

Que s’est-il exactement passé ? Pourquoi si vite ? Jusqu’à présent, la Cimade (association d’aide aux migrants) de Maubeuge n’a obtenu aucune explication du côté des autorités. Son président, Jean-Marie Rosenberger, a alors sollicité Jean-Luc Perrat, député PS dans la Sambre, pour qu’il saisisse la Commission nationale de déontologie de la sécurité. Cet organisme de contrôle enquêtera notamment pour savoir si toutes les règles ont été respectées. « C’est fait. Le courrier est parti aujourd’hui », indiquait-on hier au cabinet de Jean-Luc Perrat. On attend la suite.

Source : La Voix du Nord - Chantal David

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