Impôts : l’immobilier dépité par le cru 2009

11 janvier 2009 - 17h29 - Economie - Ecrit par : L.A

« Insignifiant ! ». La formule est de Chakib Bennani, président de la Commission fiscale de la FNPI (Fédération nationale des promoteurs immobiliers), mais elle exprime la déception de la profession au sujet des mesures fiscales contenues dans la loi de Finances 2009. Comme prévu, celle-ci n’a pas tenu compte des doléances exprimées par les professionnels de l’immobilier à différentes instances et à différents responsables du gouvernement.

La FNPI avait essayé de faire entendre sa cause auprès de la Commission fiscale parlementaire, la Direction générale des impôts, du ministre des Finances, du ministre de l’Habitat et, en dernier lieu, du Premier ministre.

« Le plus grand problème de cette loi de Finances, c’est qu’elle ne tient pas compte d’une crise financière et économique qui est là. Elle continue son bonhomme de chemin comme s’il n’y avait pas de crise. Alors qu’une loi de Finances doit justement régler les problèmes à caractère structurel (crise du logement) et parfois conjoncturel (effondrement actuel de la Bourse). De plus, il est regrettable que le gouvernement supprime les avantages fiscaux en faveur des promoteurs immobiliers alors qu’ils sont indispensables pour résorber la crise du logement », proteste un fiscaliste de la place.

En effet, le budget 2009, tel que publié au BO, ne comporte finalement que deux mesures en faveur du secteur de l’immobilier. La première, qui a justement fait l’objet d’un réaménagement, concerne l’imposition temporaire au taux réduit de 17,5%. Celle-ci s’applique aux promoteurs immobiliers personnes morales qui construisent des cités, résidences et campus universitaires. Son application est soumise à deux conditions. Le promoteur immobilier opérant dans ce secteur doit réaliser son projet dans une période maximale de trois ans à compter de la délivrance de l’autorisation de construire. Autre condition : le programme immobilier en question doit consister en la construction de 150 chambres au lieu de 250 auparavant, avec toutefois une capacité maximale de deux lits par chambre.

La seconde mesure fiscale véhiculée par la loi de Finances 2009 porte sur la prorogation de la réduction de l’IS. En fait, il ne s’agit pas d’une nouveauté puisque cette disposition était déjà inscrite dans la loi de Finances 2008. Elle porte sur la réduction de 50% de l’impôt sur les sociétés au titre de l’exercice ouvert à compter du 1er janvier 2008 et l’imposition au taux normal au-delà de cet exercice. Ce dispositif concerne les promoteurs immobiliers qui réalisent leurs projets dans le cadre d’une convention conclue avec l’Etat, à compter du 1er janvier 2008, assortie d’un cahier des charges pour réaliser un programme de construction de 1500 logements sociaux. Mais ce programme doit être réalisé dans un délai maximum de cinq ans à compter de la date d’obtention de la première autorisation de construire. Les dispositions de cette mesure fiscale seront étendues aux deux exercices suivant l’exercice ouvert à compter du 1er janvier 2008.

Les professionnels du secteur de l’immobilier sont sur leur faim. « De toutes les doléances que nous avons exprimées au ministre des Finances, une seule a été retenue et seulement en partie. Il s’agit du texte sur l’enregistrement concernant l’investissement, qui est de 0,50%. Elle est revenue à 1% plus 1000 DH de taxe. Le reste n’a pas été retenu, à savoir les amendements concernant les articles 19 et 65 », indique Bennani.

Au moment où la FNPI fait une fixation sur les cadeaux fiscaux, un opérateur immobilier, souhaitant garder l’anonymat, estime que les problèmes du secteur sont ailleurs. « Il est vain de se focaliser sur les mesures fiscales car elles ne font que biaiser le secteur. Si l’Etat veut réellement encourager le secteur de l’immobilier, il doit passer d’une perception politicienne à une vision stratégique », réclame-t-il. Pour lui, le fisc pourrait aussi mettre en place des mesures incitatives pour encourager l’accès à la propriété comme « le fait de renoncer à une partie de la TVA et/ou de rembourser une partie de l’IR ».

Mais pour ce professionnel du secteur, la carotte fiscale n’est pas la panacée. « Il est bien beau de créer de nouveaux pôles urbains, encore faut-il prévoir le réceptacle nécessaire, car les gens exigent aussi de vivre dans un cadre agréable. Cela suppose la mise en place de l’infrastructure nécessaire, comme la construction d’écoles, d’hôpitaux, la mise en place des moyens de transport, etc. ». A présent que les jeux sont faits, la FNPI parie sur la loi de Finances 2010.

« Nous continuerons de revendiquer nos droits afin de pouvoir produire car il est maintenant impossible de construire du logement social à un prix fixé il y a 20 ans. De plus, nous demandons à la Direction générale des impôts de réviser les droits sur la taxe locale, c’est-à-dire la TNB (taxe sur terrain non bâti), qui était de 2,50 DH par m2 (zone villas) et de 4 DH (zone immeubles). Pour 2009, cette taxe varie désormais entre 2,5 DH et 20 DH, selon le standing et la région », déclare Bennani.

Selon Monsieur Fisc de la profession, « les premières incidences de la crise financière se feront sentir à partir de mars-avril. D’ailleurs, les projets concernant le balnéaire et le tourisme ont déjà tendance à s’arrêter. Et il sera très difficile de lancer de nouveaux projets dans ce créneau ». Pour un autre promoteur immobilier, « l’Etat voit du noir partout et ce n’est pas parce qu’il y a des brebis galeuses qu’il faut pénaliser tous les opérateurs. Et de toute façon, c’est le législateur qui encourage la spéculation. En effet, quand un promoteur immobilier achète un terrain et le valorise en y construisant un projet, il doit payer 60% d’impôts sur la marge dégagée (20% de TVA, 30% d’IS et 10% de taxe libératoire). Par contre, quand un spéculateur achète un terrain et le revend, il ne paie que 20% », explique notre interlocuteur.

En outre, celui-ci se plaint de « l’opacité du secteur. Pourquoi les services de l’enregistrement et de la conservation foncière ne publient-ils pas toutes les transactions réalisées régulièrement pour que nous puissions avoir une information fiable ? Nous avons besoin de savoir qui fait quoi dans ce secteur », termine-t-il.

Doléances

• Augmentation de la VIT (valeur immobilière totale) de 150.000 à 300.000 DH pour les logements sociaux ;
• suppression de la règle du décalage de la TVA ;
• l’abrogation de l’article 65 du Code général des impôts (CGI) donnant à l’administration fiscale le droit d’étendre le redressement du prix d’achat d’un bien par l’acquéreur au vendeur ;
• retour de la TVA à 14% au lieu de 20% pour les promoteurs immobiliers ;
• retour du droit de l’enregistrement sur augmentation de capital à 0,50 au lieu de 1,5% ;
• assouplissement des formalités d’obtention du quitus ;
• publication de la base de calcul des droits d’immatriculation à l’Agence nationale de la conservation foncière, du cadastre et de la cartographie (ANCFCC) ;
• mise en place de mesures pour encourager le logement locatif.

Source : L’Economiste - Hassan El Arif

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