Souriez, vous payez l’impôt !

28 avril 2008 - 18h18 - Economie - Ecrit par : L.A

« Que les contribuables paient l’impôt avec le sourire ». Voilà à quoi rêve, en secret, le directeur général des impôts, Nourredine Bensouda.
Devant un parterre prestigieux de chefs d’entreprises, de politiques et d’universitaires, le patron du fisc s’est exprimé jeudi dernier sur la modernisation du système fiscal marocain.

Pédagogue comme à son habitude, Bensouda a rappelé les principaux objectifs de sa réforme : aligner le système fiscal sur l’évolution économique et sociale, renforcer la mobilisation des contribuables et améliorer la répartition de la charge fiscale.

Sur le terrain, c’est une véritable lutte qu’a dû engager le DG pour parvenir à ses fins. Avec d’abord une refonte, en 2004, du sacro-saint droit d’enregistrement. Pour introduire, une année après, le livre des procédures fiscales et faire adopter, en 2006, le livre d’assiette et de recouvrement. Tout cela pour aboutir, en 2007, à « la consécration » : le Code général des impôts, réduisant la législation fiscale à 248 articles au lieu des 415 initialement recensés.

« La fiscalité, c’est revenir à la charge ». Et le directeur qui est allé jusqu’à remettre en question l’immunité fiscale des organes de l’Etat dit n’avoir peur ni de « choquer » ni de « faire grincer les dents ».

En parallèle, le DG a révisé les différents impôts et taxes pour y assujettir plus de contribuables, en respectant toutefois, « la capacité d’absorption des décideurs économiques et politiques des nouvelles règles ».

Uniformisation de la TVA, révision du barème de l’IR, réduction de l’IS... Au fil des lois de Finances, la vision de Bensouda s’est faite de plus en plus marquée. D’autant plus, dans la dernière loi de Finances.

Passant en revue ses dispositions, le directeur s’est attardé sur deux mesures « passées inaperçues ». La première ouvre le chantier tant attendu de la fiscalité des groupes et se rapporte à la concentration des sociétés. La loi de Finances 2008 a accordé la possibilité d’évaluer sur option les éléments du stock transféré de la société absorbée à la société absorbante, soit à leur valeur d’origine soit au prix du marché.
Les modalités d’application de cette opération seront fixées par voie réglementaire.

La seconde mesure se rapporte au processus de transformation des établissements publics en sociétés anonymes. Les dispositions du Code général des impôts ont été complétées de façon à permettre la réalisation de l’opération de transformation sans aucune incidence fiscale.

Ainsi, l’opération de transformation d’un établissement public n’a pas d’impact fiscal lorsque le bilan de clôture de l’établissement concerné est identique au bilan d’ouverture de la SA nouvellement créée. Néanmoins et pour se prémunir d’« une vision unijambiste », le directeur des impôts se dit conscient de la nécessité de commencer par réformer les structures et les méthodes de gestion de l’administration fiscale. « Tax policy is tax administration », rappelle Bensouda.

Nouvelle gouvernance, informatisation, rationalisation des services, guichets uniques... l’administration fiscale fait tout pour changer de visage. Autant que possible du moins, car, avoue le DG, « pour avoir été innovante, la réorganisation n’en a pas moins souffert du décalage par rapport aux réalités du terrain ».

Quatre axes de développement préoccupent actuellement le directeur des impôts : la réorganisation des structures et l’autonomisation croissante de la gestion, la mise en valeur des ressources humaines et l’ouverture sur l’environnement.

Sur le premier volet, les directions régionales et préfectorales qui couvrent l’ensemble du territoire national ont été dotées de pouvoirs pour résoudre les problèmes posés à leur niveau. Cette responsabilisation se manifeste notamment au niveau de la décentralisation des émissions d’impôts et en matière de seuil de compétence dans les domaines des affaires juridiques, du remboursement de la TVA et de la restitution de l’IS. Mais « il y a encore du chemin à faire », relativise Bensouda.

Pour ce qui est des ressources humaines, c’est une stratégie d’accompagnement du changement qui a été mise en place. Formation continue, systèmes d’information, communication interne, GPEC... la direction de impôts se veut au fait des dernières pratiques managériales. Notamment la déontologie, valeur chère à Bensouda, fait l’objet d’une attention particulière. Intransigeant, le directeur l’est particulièrement vis- à-vis des dessous de table. « La corruption pour nous, c’est la porte ». Mais pas d’humiliation publique pour qui est pris la main dans le sac. Le DG est pour « laver son linge sale en famille ». Une discrétion avec laquelle nous ne sommes pas nécessairement d’accord. D’abord parce qu’il s’agit bien de service public. Ensuite, en matière de lutte contre la corruption, la plupart des rapports recommandent de rendre publiques les sanctions pour l’exemplarité. Quant à l’ouverture sur son environnement, la DGI en appelle aux nouvelles technologies.

Un chantier de grande envergure a été lancé en vue de réaliser un système intégré de taxation. Ce projet dotera l’administration fiscale d’un outil de gestion personnalisée des contribuables et permettra de gérer les opérations de collecte et de recouvrement de l’impôt.

Sur un même registre, le guichet électronique Simpl (Service des impôts en ligne), qui permet de déclarer et de payer les impôts via Internet, devrait se développer davantage. Actuellement, disponible pour la seule TVA, Simpl devrait être étendu avant la fin de l’année à l’IS et à l’IR.
Les effets bénéfiques de sa réforme, Bensouda n’en doute pas. Les chiffres qu’ils arbore sont là pour le justifier. « Le fisc détrône pour la 1re fois la douane comme source de recettes pour l’Etat ».

Mieux encore, « nous nous acheminons vers un rééquilibrage des recettes directes et indirectes », renchérit Mohamed Berrada, ancien ministre des Finances. Néanmoins s’interroge le professeur, « comment une économie qui croît d’à peine 2,2% peut-elle générer des rentrées fiscales en augmentation de 20% ? ».

Source : L’Economiste - R.H.

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