Jeunesse marocaine, enfants de grande désillusion

6 janvier 2003 - 10h13 - Maroc - Ecrit par :

Drogue, délinquance, prostitution... Les jeunes Maro-cains veulent fuir une société bloquée où seul le piston ouvre les portes. Le Vieux Continent et ses richesses les attirent.

Ils rêvent de voyager vers ce monde lointain que vantent les publicités - là-bas, au-delà du détroit de Gibraltar, là où la jeunesse est le bien le plus précieux. Au Maroc, elle ne leur sert à rien. Les jeunes vivent les meilleures années de leur vie englués dans le chômage et l’ennui. Ils émigrent pour ne pas voir leurs rêves partir en fumée, pour échapper à un destin qui les condamne à un calendrier sans fin, où le week-end n’apporte aucune réjouissance, où le temps libre est un temps mort.
Malheureusement, le chômage n’est que la manifestation d’un problème beaucoup plus profond. Pour ces jeunes, bien souvent, trouver un travail ne résout rien, les conditions du travail ne répondent à leurs attentes, encore moins à leurs ambitions.
L’obsession de tous ces jeunes n’est pas de trouver un emploi, mais de pouvoir se construire un avenir. Les jeunes n’hésitent plus à dire qu’ils ont perdu
« l’espoir au Maroc ».
Tous parlent d’émigrer définitivement, de ne pas revenir. Pour ces jeunes, I’Europe est une seconde chance. L’occasion de repartir de zéro et de faire ses preuves. Sur le Vieux Continent, ces jeunes cherchent un emploi stable et une meilleure qualité de vie. « L’Etat-providence les attire » : les Marocains désirent vivre dans un pays possédant des écoles et des hôpitaux de bon niveau, ainsi qu’un véritable système de retraites. Ils restent fascinés par l’Occident, tellement proche que la comparaison est inévitable.
Beaucoup de jeunes Marocains, surtout dans les milieux les plus modestes, sont convaincus que la jeunesse européenne a les moyens de réaliser ses rêves. Ils sont influencés par les immigrés qui reviennent chaque été au Maroc. Paradant dans de grosses voitures, ils apportent avec eux un mode de vie plus moderne. Et peu importent les difficultés qu’ils rencontrent dans les banlieues des capitales européennes : au Maroc, ils sont rois. Ils parlent de salaires confortables et des possibilités de s’amuser. Leur effet sur les jeunes assoiffés de travail et de loisirs est dévastateur. Si bien que tous veulent être comme eux.
Le besoin de fuir cette réalité frustrante pousse souvent les jeunes vers l’alcool et la drogue. Pour s’évader, beaucoup choisissent le haschisch, nettement moins cher que l’alcool. Le Maroc en est le premier produteur mondial : il fallait bien que cela serve a quelque chose... L’alcool, lui aussi, dicte sa loi. Les jeunes s’y adonnent sans retenue, ingurgitant du mauvais vin, de la bière ou, faute de mieux, de l’alcool à brûler coupé avec de l’eau. Tout est bon pour s’enivrer. Par ailleurs, la drogue rend la vie de plus en plus difficile dans les banlieues, secouées par les accès de violence des jeunes.
Les Marocains, et surtout les femmes, se plaignent de plus en plus de l’insécurité dans les villes. La violence et la drogue precipitent beaucoup de jeunes derrière les barreaux. Le plus triste, c’est que c’étaient de bons garçons. La crise les a pervertis.
Mais les garcons ne sont plus les seuls à vouloir émigrer. De plus en plus de femmes quittent tout ce qu’elles ont pour tenter leur chances en Europe. Un tel phénomène etait inimaginable il y a encore quelques années : une femme n’abandonnait jamais sa famille. Certaines émigrent en patera, d’autres rêvent de se marier avec un étranger - en qui elles voient un soutien financier et un conjoint moins machiste, car les femmes ne partent pas seulement pour des raisons économiques : nombre d’entre elles fuient une sociéte qui les cantonne au rang de mère et des lois qui les oppriment. Les jeunes filles sont les plus à plaindre. La société les marginalise doublement : en tant que jeunes et en tant que femmes. Elles subissent une terrible pression de la part de cette societé conservatrice. »
Le Maroc changera, le changement risque d’être lent, les Jeunes ne peuvent pas attendre, alors ils partiront à la première occasion.

Al Bayane

Bladi.net Google News Suivez bladi.net sur Google News

Bladi.net sur WhatsApp Suivez bladi.net sur WhatsApp

Sujets associés : Immigration clandestine - Drogues - Pauvreté - Enfant - Jeunesse

Ces articles devraient vous intéresser :

Maroc : une sortie en voiture vire au drame

Une sortie en famille qui finit en tragédie. Deux sœurs de 19 et 10 ans sont mortes noyées samedi dans le barrage de Smir près de la ville de M’diq, après que l’aînée, qui venait d’avoir son permis de conduire, a demandé à ses parents à faire un tour...

Des soldats marocains accusés d’avoir tiré à balles réelles sur des migrants

L’Espagne a ouvert une enquête concernant des allégations de tirs sur des migrants tentant de rejoindre les îles Canaries depuis le Maroc. Une association caritative affirme que des soldats marocains auraient ouvert le feu sur ces migrants,...

Samira Saïd : la retraite ?

La chanteuse marocaine Samira Saïd, dans une récente déclaration, a fait des confidences sur sa vie privée et professionnelle, révélant ne pas avoir peur de vieillir et avoir pensé à prendre sa retraite.

TikTok, vecteur de débauche au Maroc ?

De nombreux Marocains continuent d’appeler à l’interdiction de TikTok, dénonçant la publication par les jeunes de contenus violents ou à caractère sexuel sur cette application qui, selon eux, porte atteinte aux valeurs du royaume.

Maroc : une aide versée aux familles

Comme annoncé, l’aide prévue pour les familles marocaines dans le besoin sera versée par le gouvernement. Celle-ci devrait intervenir sous peu. Quel montant ? quand est-ce qu’elle sera versée ?

Des Marocains à la rue : la détresse d’une famille en Espagne

Un couple marocain et ses trois filles mineures âgées de 12, 8 et 5 ans sont arrivés clandestinement à Pampelune en provenance du Maroc il y a un mois, cachés dans une remorque chargée de légumes. Sans ressources ni aide, ils sont à la rue depuis...

En réponse au Qatargate, le Maroc ne respecte plus les accords de renvoi des déboutés d’asile

Depuis l’éclatement du scandale de corruption connu sous le nom de « Qatargate », les difficultés pour renvoyer les Marocains déboutés de leur demande d’asile vers leur pays d’origine se sont accrues.

Le harcèlement sexuel des mineures marocaines sur TikTok dénoncé

Lamya Ben Malek, une militante des droits de la femme, déplore le manque de réactivité des autorités et de la société civile marocaines face aux dénonciations de harcèlement sexuel par des mineures sur les réseaux sociaux.

Le mariage des enfants légalisé au Maroc ? une photo sème le doute

La publication d’une image montrant des fillettes prétendues marocaines en robe de mariage tenues par la main par des hommes âgés est devenue virale sur les réseaux sociaux. Certains affirment que cela s’est produit au Maroc. Qu’en est-il vraiment ?

Immigration : l’aide européenne est « en deçà » des dépenses du Maroc

Le directeur de la migration et de la surveillance des frontières au ministère marocain de l’Intérieur, Khalid Zerouali, a déclaré que les 500 millions d’euros d’aide de l’Union européenne pour lutter contre l’immigration illégale pour la période...