Le secteur informel : des chiffres qui en disent long

19 octobre 2002 - 10h00 - Economie - Ecrit par :

En métropole, le secteur informel s’accapare d’une bonne partie de la production locale. En effet, on rencontre partout dans la ville des vendeurs ambulants, des cireurs, des plombiers, des cordonniers… Mais, ce secteur est loin de se limiter uniquement à cet aspect.

En effet, il est à noter que quelques « industries » artisanales évoluent dans une anarchie totale et sont considérées, par conséquent, informelles.

La direction des statistiques a élaboré une enquête nationale sur le secteur. Casablanca en fait partie. Les résultats en disent long.
Combien de personnes travaillent-elles dans le secteur informel à Casablanca ? « Ce devrait être un grand nombre », constatent quel-ques citadins. Partout dans la ville, on a recours au service de personnes évoluant dans le secteur informel ; des services se révélant concurrentiels puisque moins chers que ceux du secteur organisé. « Quand on achète des fruits ou des légumes d’un commerçant ambulant, on est sûr d’avoir un prix atténué. Au marché, tout est cher ; la même chose pour le plombier, le mécanicien, la coiffeuse ou l’esthéticienne qui travaillent à domicile… », affirme une casablancaise.
En effet, ces personnes offrent des prix compétitifs puisqu’elles n’ont pas à assumer un bon nombre de dépenses. Elles ne paient pas les mêmes charges que les officielles... Mais, elles doivent parfois subir la « poursuite » des autorités locales. « Qu’est ce que vous voulez qu’on fasse ? Sans ce travail, on est condamné à mourir de faim ».
S’il y a une solution…
« On vit au jour le jour. Demain n’est pas sûr, plusieurs personnes vivent dans la même situation. S’il y a une solution, on est prêt à tout pourvu que notre état s’améliore. Il y a des gens qui évoluent et d’autres qui sont figées dans leur point de départ », annonce un commerçant de fruits ambulant. En fait, ceux qui travaillent dans l’informel ne vivent pas la même situation. Certains sont plus chanceux que d’autres. Le secteur informel peut être scindé en deux :
• Le secteur informel qui a déjà entamé la transition vers le secteur organisé. Les responsables ont pu accumuler un certain savoir-faire. Ils ont également une grande ambition de développer leurs activités.
• Le secteur informel traditionnel regroupant plusieurs activités mais dont l’avenir et l’évolution ne figurent nullement parmi les priorités et les préoccupations des responsables qui gèrent leurs activités au hasard.
6500 ménages
La direction de la statistique s’est intéressée au secteur de l’informel. Elle a élaboré une enquête nationale qui s’est étalée sur une année (avril 1999-avril 2000). Le travail a été axé principalement sur les unités de production informelle non agricole dans différentes branches d’activité (industrie, artisanat, BTP, services…). Les enquêteurs ont visé les indépendants qui n’embauchent aucune personne, les employeurs qui engagent deux ou trois personnes et les gérants, ceux qui dirigent des unités ne figurant pas dans la comptabilité nationale et n’utilisant pas une gestion scientifique.
L’étude a concerné 48.000 ménages au niveau national et 6500 au niveau de Casablanca.
Des résultats éloquents ont été enregistrés : 13 % des unités informelles nationales se concentrent dans la capitale économique soit 157.000 unités ( on note une moyenne d’une personne et demie par unité).
En fait, une personne sur quatre à Casablanca travaille dans le secteur informel avec un taux de féminisation de l’ordre de 13 %. Le commerce et l’industrie s’accaparent de plus des trois quarts des activités. L’industrie et l’artisanat ne représentent, par contre, que 15 %. Par ailleurs, la main d’œuvre informelle est absorbée en majorité par le commerce et les services (72 %).
Main-d’œuvre
non coûteuse
Le chiffre n’est nullement étonnant puisque nul n’ignore que cette main d’œuvre n’est pas coûteuse. D’ailleurs, le pourcentage ne peut que s’accentuer d’avantage au fil du temps vu que ces services sont largement sollicités.
Or, plusieurs personnes n’ont souvent pas reçu de formation. Un bon nombre d’entre eux ont « appris » le métier sur le tas. Ce qui crée parfois de graves problèmes étant donné que le service rendu ne dispose pas de la qualité requise. En revanche, comment peut-on exiger la qualité et prévoir le développement alors que plusieurs d’entre eux ne travaillent qu’à domicile ou pratiquement dans la rue ?
Et l’on se demande : combien d’unités disposent-elles d’un local à la capitale économique ?
L’enquête de la direction de la statistique a révélé que seulement 35 % des unités disposent d’un local et 5 % travaillent à domicile. Ce sont des données on ne peut plus éloquentes et significatives.
Les résultats en disent long. Le premier perdant est l’Etat marocain.
Comment peut-on transformer le secteur informel en un secteur organisé ? Des solutions urgentes et draconiennes doivent être étudiées. Les propositions doivent définir les responsabilités et les droits de chacun.
Mais est-ce facilement réalisable dans le contexte actuel où le travail informel occupe une bonne partie de la population active ?
L’enjeu est de taille.

Jihane Gattioui pour lematin.ma

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