Des Marocains résidant à l’étranger (MRE) ont fortement contribué au succès du programme d’aide directe au logement. En témoigne le nombre de bénéficiaires.
Après 13 ans d’absence sur le champ politique, ils accèdent de nouveau au droit au vote et à la députation.
En tenant compte de leur poids démographique, ils pourraient avoir 10% des sièges à la Chambre des représentants.
Les MRE faiseurs de majorité parlementaire ?
Après 13 ans d’absence sur le champ politique, ils accèdent de nouveau au droit au vote et à la députation.
En tenant compte de leur poids démographique, ils pourraient avoir 10% des sièges à la Chambre des représentants.
Bonne nouvelle pour les MRE, dans un discours qui aura été riche en annonces, et en même temps qu’il ouvrait la voie à des consultations en vue de l’autonomie des régions du Sud, le souverain a annoncé la restauration du droit au 3 millions de Marocains vivant à l’étranger. Désormais, les MRE, répartis en circonscriptions, pourront voter et se présenter aux élections législatives, « en application du principe de l’égalité dans la citoyenneté », et ce même s’ils ne sont pas nés au Maroc. Les ressortissants marocains seront également représentés par un Conseil supérieur des MRE spécifiquement créé pour traiter leurs problèmes.
Certes, on ne connaît pas encore le nombre de circonscriptions et donc de députés concernés, mais une chose est sûre : ces décisions seront intégrées dans la révision de la loi électorale qui doit déterminer le déroulement des élections de 2007 et le nombre total de sièges à pourvoir.
On pourra ainsi raisonnablement s’attendre à ce que l’Europe, principale terre d’accueil des MRE, soit massivement représentée à l’avenir. « Les circonscriptions vont être définies en fonction de critères tels que le nombre de citoyens par pays. (...) On réunira des pays lorsqu’ils seront voisins et lorsque le nombre de Marocains y sera réduit », a expliqué, dans un entretien à La Vie éco, Nezha Chekrouni, la ministre déléguée, chargée des Marocains résidents à l’étranger (voir page suivante).
Fini donc les répartitions fantaisistes comme celle qui, en 1984, avait permis au député de la « circonscription de Madrid » de représenter les Marocains résidant en Espagne, en Italie, en Grande-Bretagne, dans les Amériques et en Afrique subsaharienne. Il reste cependant à savoir si les MRE (3 082 090 précisément en 2004 selon le...) qui représentent près du dixième de la population marocaine seront représentés proportionnellement à leur poids démographique, ce qui aurait un impact majeur sur la composition de la Chambre des représentants. En effet, avec 30 sièges seulement, les MRE auraient largement de quoi faire basculer une majorité d’un côté ou de l’autre, s’ils décidaient de faire bloc, ou encore constituer un groupe parlementaire.
Un Conseil des MRE qui échapperait aux lobbies partisans ?
En plus de leur présence au Parlement, les MRE seront représentés, selon le discours du Roi Mohammed VI, par « un Conseil Supérieur de la Communauté marocaine à l’étranger, constitué de façon démocratique et transparente, et bénéficiant de toutes les garanties de crédibilité, d’efficience et de représentativité authentique ».
Une décision qui a suscité une grande satisfaction de l’autre côté de la Méditerranée. « le roi a donné ses directives pour créer un Conseil supérieur de la communauté marocaine à l’étranger, projet que nous avions soumis aux autorités marocaines et pour lequel nous avons organisé des assises le 22 et 29 octobre et le 5 et 12 novembre 2005 à Paris pour récolter les contributions des principaux acteurs MRE », explique Mohamed Moussaoui, vice-président du Congrès mondial des citoyens d’origine marocaine, une ONG reconnue d’utilité publique en Belgique.
Le nouveau conseil comprendra, entre autres, des membres désignés par le Roi « parmi les personnalités connues pour leur implication remarquable dans la défense des droits des immigrés marocains et des intérêts supérieurs de la nation ainsi que des représentants des autorités et des institutions concernées par les questions de l’émigration », des représentants des administrations mais aussi et surtout des membres élus qui constitueront le moteur du conseil.
Ainsi, le conseil servira à renforcer la représentation de ces MRE, surtout si l’éloignement vient à limiter l’impact de leur présence au Parlement. Loin de faire doublon avec des organes déjà
existants tels que la Fondation Hassan II ou le ministère délégué chargé des MRE, le conseil devrait servir de groupe de réflexion spécialisé , explique M. Moussaoui, qui l’imaginne non pas comme une « représentation politique mais une institution qui produirait des études de qualité et donnerait des recommandations au gouvernement ».
2007, une simple étape avant des transformations en profondeur
Ainsi, 2005 aura vu la fin de la parenthèse malheureuse qui s’est ouverte en 1992, lorsque le Maroc avait décidé d’arrêter l’expérience de la représentation des MRE. Une période pendant laquelle ces derniers, privés du droit de vote, en avaient ressenti l’absence d’autant plus cruellement que le voisin algérien, qui avait imité le Maroc en instituant le droit de vote pour ses ressortissants à l’étranger, avait continué de l’appliquer. Désormais, les MRE voient dans la décision royale une forme de reconnaissance de leur appartenance pleine à la nation, mettant fin à ce que beaucoup considéraient comme une « citoyenneté financière ».
Mais les MRE ont encore du pain sur la planche avant d’en arriver là, et ils en sont conscients. « Nous devons tirer les leçons de la première expérience de députation des MRE, celle de 1984-1992 où des élus de la communauté avaient joué un rôle de figuration plus qu’un rôle de représentation effacement exercée », affirme M. Moussaoui.
Enfin, la mutation introduite par le retour des MRE au Parlement promet aussi d’avoir un impact important sur les partis au Maroc et la surenchère des formations politiques pour attirer les candidats promet bien des surprises. Cela sans compter que l’arrivée d’une nouvelle catégorie d’électeurs, dont beaucoup ont l’expérience de traditions citoyennes démocratiques plus anciennes, pourrait entraîner une maturation accélérée de la conscience politique au Maroc, même si l’on peut déjà s’attendre à ce que cela ne se fasse pas sans remous
Si les représentants des MRE à la première Chambre venaient à se constituer en force politique, ils pourraient peser sur la formation de la majorité en 2007.
Houda Filali-Ansary - La Vie Economique
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