Les MRE faiseurs de majorité parlementaire ?

11 novembre 2005 - 19h21 - Maroc - Ecrit par : Bladi.net

Après 13 ans d’absence sur le champ politique, ils accèdent de nouveau au droit au vote et à la députation.
En tenant compte de leur poids démographique, ils pourraient avoir 10% des sièges à la Chambre des représentants.

Les MRE faiseurs de majorité parlementaire ?
Après 13 ans d’absence sur le champ politique, ils accèdent de nouveau au droit au vote et à la députation.
En tenant compte de leur poids démographique, ils pourraient avoir 10% des sièges à la Chambre des représentants.

Bonne nouvelle pour les MRE, dans un discours qui aura été riche en annonces, et en même temps qu’il ouvrait la voie à des consultations en vue de l’autonomie des régions du Sud, le souverain a annoncé la restauration du droit au 3 millions de Marocains vivant à l’étranger. Désormais, les MRE, répartis en circonscriptions, pourront voter et se présenter aux élections législatives, « en application du principe de l’égalité dans la citoyenneté », et ce même s’ils ne sont pas nés au Maroc. Les ressortissants marocains seront également représentés par un Conseil supérieur des MRE spécifiquement créé pour traiter leurs problèmes.
Certes, on ne connaît pas encore le nombre de circonscriptions et donc de députés concernés, mais une chose est sûre : ces décisions seront intégrées dans la révision de la loi électorale qui doit déterminer le déroulement des élections de 2007 et le nombre total de sièges à pourvoir.

On pourra ainsi raisonnablement s’attendre à ce que l’Europe, principale terre d’accueil des MRE, soit massivement représentée à l’avenir. « Les circonscriptions vont être définies en fonction de critères tels que le nombre de citoyens par pays. (...) On réunira des pays lorsqu’ils seront voisins et lorsque le nombre de Marocains y sera réduit », a expliqué, dans un entretien à La Vie éco, Nezha Chekrouni, la ministre déléguée, chargée des Marocains résidents à l’étranger (voir page suivante).
Fini donc les répartitions fantaisistes comme celle qui, en 1984, avait permis au député de la « circonscription de Madrid » de représenter les Marocains résidant en Espagne, en Italie, en Grande-Bretagne, dans les Amériques et en Afrique subsaharienne. Il reste cependant à savoir si les MRE (3 082 090 précisément en 2004 selon le...) qui représentent près du dixième de la population marocaine seront représentés proportionnellement à leur poids démographique, ce qui aurait un impact majeur sur la composition de la Chambre des représentants. En effet, avec 30 sièges seulement, les MRE auraient largement de quoi faire basculer une majorité d’un côté ou de l’autre, s’ils décidaient de faire bloc, ou encore constituer un groupe parlementaire.

Un Conseil des MRE qui échapperait aux lobbies partisans ?

En plus de leur présence au Parlement, les MRE seront représentés, selon le discours du Roi Mohammed VI, par « un Conseil Supérieur de la Communauté marocaine à l’étranger, constitué de façon démocratique et transparente, et bénéficiant de toutes les garanties de crédibilité, d’efficience et de représentativité authentique ».
Une décision qui a suscité une grande satisfaction de l’autre côté de la Méditerranée. « le roi a donné ses directives pour créer un Conseil supérieur de la communauté marocaine à l’étranger, projet que nous avions soumis aux autorités marocaines et pour lequel nous avons organisé des assises le 22 et 29 octobre et le 5 et 12 novembre 2005 à Paris pour récolter les contributions des principaux acteurs MRE », explique Mohamed Moussaoui, vice-président du Congrès mondial des citoyens d’origine marocaine, une ONG reconnue d’utilité publique en Belgique.
Le nouveau conseil comprendra, entre autres, des membres désignés par le Roi « parmi les personnalités connues pour leur implication remarquable dans la défense des droits des immigrés marocains et des intérêts supérieurs de la nation ainsi que des représentants des autorités et des institutions concernées par les questions de l’émigration », des représentants des administrations mais aussi et surtout des membres élus qui constitueront le moteur du conseil.

Ainsi, le conseil servira à renforcer la représentation de ces MRE, surtout si l’éloignement vient à limiter l’impact de leur présence au Parlement. Loin de faire doublon avec des organes déjà

existants tels que la Fondation Hassan II ou le ministère délégué chargé des MRE, le conseil devrait servir de groupe de réflexion spécialisé , explique M. Moussaoui, qui l’imaginne non pas comme une « représentation politique mais une institution qui produirait des études de qualité et donnerait des recommandations au gouvernement ».

2007, une simple étape avant des transformations en profondeur

Ainsi, 2005 aura vu la fin de la parenthèse malheureuse qui s’est ouverte en 1992, lorsque le Maroc avait décidé d’arrêter l’expérience de la représentation des MRE. Une période pendant laquelle ces derniers, privés du droit de vote, en avaient ressenti l’absence d’autant plus cruellement que le voisin algérien, qui avait imité le Maroc en instituant le droit de vote pour ses ressortissants à l’étranger, avait continué de l’appliquer. Désormais, les MRE voient dans la décision royale une forme de reconnaissance de leur appartenance pleine à la nation, mettant fin à ce que beaucoup considéraient comme une « citoyenneté financière ».

Mais les MRE ont encore du pain sur la planche avant d’en arriver là, et ils en sont conscients. « Nous devons tirer les leçons de la première expérience de députation des MRE, celle de 1984-1992 où des élus de la communauté avaient joué un rôle de figuration plus qu’un rôle de représentation effacement exercée », affirme M. Moussaoui.
Enfin, la mutation introduite par le retour des MRE au Parlement promet aussi d’avoir un impact important sur les partis au Maroc et la surenchère des formations politiques pour attirer les candidats promet bien des surprises. Cela sans compter que l’arrivée d’une nouvelle catégorie d’électeurs, dont beaucoup ont l’expérience de traditions citoyennes démocratiques plus anciennes, pourrait entraîner une maturation accélérée de la conscience politique au Maroc, même si l’on peut déjà s’attendre à ce que cela ne se fasse pas sans remous

Si les représentants des MRE à la première Chambre venaient à se constituer en force politique, ils pourraient peser sur la formation de la majorité en 2007.

Houda Filali-Ansary - La Vie Economique

Bladi.net Google News Suivez bladi.net sur Google News

Bladi.net sur WhatsApp Suivez bladi.net sur WhatsApp

Sujets associés : Vote MRE - Elections - MRE

Ces articles devraient vous intéresser :

L’économie marocaine dopée par les MRE

Le dernier rapport de la Banque mondiale sur les migrations et le développement indique que 20 % des transferts d’argent de la région MENA proviennent des Marocains résidant à l’étranger (MRE).

Cession de véhicules par les MRE : ce que dit la douane marocaine

La douane marocaine autorise les Marocains résidant à l’étranger (MRE) à introduire leurs véhicules au Maroc dans le cadre de l’admission temporaire (AT). Ce régime douanier permet d’importer un véhicule sans payer de droits de douane, sous certaines...

Les MRE, sauveurs de l’économie marocaine ?

En 2023, les envois de fonds des Marocains résidant à l’étranger ont atteint 11,8 milliards de dollars, soit une augmentation de 5,2 % par rapport à l’année précédente. Ce chiffre positionne le Maroc comme le deuxième plus grand récipiendaire d’envois...

Maroc : Pénurie inquiétante de livrets de famille

Anticipant sur la forte demande de livrets de famille à l’approche de la saison du retour des Marocains résidant à l’étranger (MRE), le ministère de l’Intérieur mobilise les inspecteurs de l’état civil au niveau des préfectures dans les différentes...

Les MRE invités à déclarer leurs biens à l’étranger

L’Office des changes a lancé une « mission de sensibilisation et de conscientisation au profit des banques étrangères », afin d’assurer la réussite de l’opération de régularisation automatique des biens et actifs des Marocains et des Marocains résidant...

Maroc : l’afflux des MRE va booster le secteur immobilier cet été

L’arrivée au Maroc cet été des Marocains du monde dans le cadre de l’Opération Marhaba, va contribuer à booster le secteur de l’immobilier.

Ramadan 2024 en France : Le Maroc perd la main sur l’encadrement religieux des MRE

À l’approche du mois de Ramadan, des voix s’élèvent pour réclamer une formation religieuse adaptée aux Marocains résidant à l’étranger, notamment en France.

Comment les transferts des MRE dopent l’économie marocaine

Depuis 2003, le Maroc célèbre chaque 10 août la Journée nationale des migrants. Instaurée par le roi Mohammed VI, elle offre l’occasion de mettre en lumière la contribution des Marocains résidant à l’étranger (MRE) au développement économique, social...

Marocains de l’étranger : des transferts d’argent records

Les Marocains résidant à l’étranger (MRE) ont envoyé 91,52 milliards de dirhams (MMDH) au Maroc entre janvier et septembre 2024.

Le Maroc prêt pour l’accueil des MRE

La Fondation Mohammed V pour la solidarité lance ce mardi l’Opération Marhaba marquant le retour des Marocains résidant à l’étranger (MRE) et notamment d’Europe, dans le royaume pendant l’été.