Les victimes de la fraise

21 juin 2010 - 19h14 - Espagne - Ecrit par : Jalil Laaboudi

Les champs de fraise de Huelva, ou le rêve qui se transforme en cauchemar pour des dizaines de milliers de femmes venues principalement du Maroc, de Roumanie et de Pologne pour cueillir la fraise, surnommée "l’or rouge" (Oro Rojjo) par les producteurs et la population locale.

Elles ne s’étaient jamais révoltées contre la tyrannie des responsables et des propriétaires des fermes, mais elles l’avaient fait contre d’autres étrangers responsables de viols et de violences qu’elles subissaient. Alors que depuis 20 ans, on parle à Huelva des visites nocturnes dans le pavillon de femmes, situé au milieu des champs.

Elles sont âgées pour la plupart d’entre elles de 18 à 30 ans ; profession : ouvrières saisonnières pendant la cueillette des fraises le jour et la nuit bon nombre d’entre elles subissent les fantasmes sexuels de leurs supérieurs et gardent le silence de peur de perdre leur travail.

Seules deux plaintes pour exploitation sexuelle déposées par 8 femmes marocaines, contre 5 patrons espagnols, sont actuellement en cours de traitement dans les tribunaux de Huelva, confirme le procureur général chargé des étrangers du tribunal provinciale de Huelva, Miguel Ángel Arias.

La première plainte avait été portée par 4 jeunes filles marocaines en avril 2009 contre le propriétaire de la ferme, son fils et l’un des responsables, tous âgés de 30 à 55 ans. Elles avouaient avoir été victimes d’abus sexuelles la nuit et le jour, ils les menaçaient de les priver d’eau sous une température de 40°. "Intéresses-toi à moi, ou je comptabilise moins de corbeilles", menaçait le responsable en rigolant, se rappelle l’une des femmes. A savoir que le retour de l’ouvrière l’année d’après, dépend du nombre de kilos cueillis, rapporte El Pais.

Ouvrières marocaines

Les victimes ont gardé le silence pendant 3 mois, c’est un ouvrier roumain qui rapportera ce qui se passait dans la ferme à la garde civile avec des preuves à l’appui. L’affaire est actuellement devant le tribunal provincial de Huelva et le jugement sera prononcé cet automne.

Une autre affaire en cours actuellement, concerne 4 Marocaines travaillant dans une ferme à de Palos de la Frontera. Elles ont porté plainte ce mois de juin pour abus sexuel. De plus, le patron de la ferme avait reçu de l’argent pour faciliter l’accès de ses amis aux quartiers des filles, et se défend en disant qu’ils ne leurs mettaient pas le couteau sous la gorge.

A Huelva, tout le monde a entendu parler des abus sexuels exercés sur les ouvrières saisonnières, politiciens, juges, journalistes, hommes d’affaires et garde civile sont tous au courant et pourtant un silence morbide règne autour de ce sujet.

Au début du mois de juin, une campagne institutionnelle jetait les lumières sur ce phénomène au niveau international, suivie d’un reportage diffusé par France 5 intitulé "le prix de la fraise" dans les champs de Huelva. Levant le voile sur ces situations d’un autre âge au cœur de l’Europe, c’est autour d’une commission composée de membres du parlement européen, que se fera un rapport accablant sur la situation des ouvrières de la fraise. Une parlementaire européenne déclarait en fin d’enquête qu’elle ne voulait plus manger des fraises. Cette parlementaire souligne que les conditions de vie et de travail de ces ouvrières sont tragiques et qu’elles dépendent complétement de leurs patrons.

Un avocat à Muguer confie qu’il y a en moyenne 2 ou 3 cas de violence contre des ouvrières par semaine.

A Huelva, le sujet est tabou, la fraise est appelée "l’or rouge". Elle est la source de vie de la moitié de la population de cette région. Huelva qui exporte 80% de ses fraises, exerce une grande pression sur les vendeurs de fraise dans l’Europe centrale. Ces derniers profitent actuellement de cette situation pour mettre en avant leur production, pour contrer la mauvaise agriculture espagnole, qui porte atteinte à la condition humaine des ouvriers et à l’environnement pendant les récoltes.

Sur les 65.000 personnes qui ont participé à la récolte des fraises cette année, 4500 d’entre elles sont marocaines.

Ces ouvrières récoltent environ 250.000 tonnes de fraises par an, soit un chiffre d’affaire de 320 millions d’euros.

La plupart d’entre elles, ont une famille à charge. Chadia, rapporte El Pais, une jeune marocaine de 25 ans, a laissé son fils de quelques mois derrière elle. Elle s’est révoltée contre son patron, résultat, elle se retrouve sans emploi et sans papiers à Almeria. Des cas pareils, on en compte plusieurs, mais ces femmes préfèrent garder le silence.

Elles avouent ne pas avoir le choix, surtout celles qui ont payé très cher leurs contrats ; accepter les avances du patron est l’unique alternative pour qu’elles puissent conserver leur travail, payer leurs crédits et subvenir aux besoins de leurs familles…

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