Les mariages entre Français et étrangers de plus en plus contrôlés

16 juillet 2008 - 18h29 - France - Ecrit par : L.A

Factures de téléphone, mails, photos..., elle a "tout livré" de sa vie. Mais ni la commission de recours contre les refus de visa, ni le Conseil d’Etat qu’elle a saisien référé n’ont rien voulu entendre. Mariés depuis janvier, Marie et Yassir, 25 et 24 ans, partagent leur vie quotidienne par webcam interposée.

A Fez au Maroc, Yassir attend vainement que le consulat français lui accorde un visa pour rentrer en France s’installer avec son épouse. Ils se sont rencontrés en 2004, à Dijon, où tous deux faisaient leurs études. Fin 2006, l’administration a refusé de renouveler le titre de séjour de Yassir. Ils étaient pourtant pacsés et Yassir avait une promesse d’embauche. Plutôt que de rester en France en situation irrégulière, Yassir est reparti pour "reprendre les démarches, en toute légalité, au Maroc" et ainsi "mettre toutes les chances de (leur) côté". Depuis, il attend toujours. Envahi d’un sentiment de "grande injustice", il trouve la situation "incompréhensible". Car "nous faisons tout en règle, nous avons un vrai projet d’avenir..." Leur mariage, au Maroc, a été transcrit par l’état civil français.

Le cas de Marie et Yassir n’est pas isolé. Pour beaucoup de couples mixtes, le mariage est devenu un parcours du combattant. Une réalité qui a conduit en juin 2007 à la création, à Montpellier, du collectif "Les amoureux au ban public". En un an, ce mouvement s’est implanté dans plus d’une vingtaine de villes et a rassemblé deux mille couples de tous milieux et de toutes origines. Ils sont confrontés à des lois de plus en plus strictes et des pratiques administratives kafkaïennes, au nom de la lutte contre les mariages blancs et du contrôle de l’immigration familiale. Mercredi 16 juillet, ces couples lancent une campagne d’opinion, avec une plate-forme de dix revendications, pour que leur droit à vivre librement soit respecté.

"La délivrance d’un visa à un étranger pour lui permettre de se marier en France avec une personne française est très exceptionnelle. Dans l’immense majorité des cas, il est refusé et les couples sont obligés soit de se marier à l’étranger, soit de demander un visa de tourisme pour le conjoint non français", observe Nicolas Ferran de la Cimade, initiateur du mouvement.

A l’étranger, il faut obtenir au préalable du consulat de France un certificat de capacité à mariage, puis, le mariage célébré, demander sa transcription auprès de l’état civil français. La procédure peut prendre plusieurs mois. En France, le couple prend le risque de vivre un temps dans l’illégalité et d’être soumis à une enquête. Le Conseil constitutionnel a rappelé que l’irrégularité du séjour n’est pas un indice suffisant pour suspecter un défaut de sincérité et ne doit pas entraver la liberté de mariage. Mais certains élus locaux saisissent systématiquement le procureur, que le conjoint étranger ait ou non des papiers.

Ouafa, marocaine, travaille en France depuis 2006 en toute légalité comme secrétaire traductrice. Elle a épousé en janvier un chercheur du CNRS. Elle n’a pas du tout aimé cette "intrusion dans l’intimité" de son couple avant son mariage : "Quel est notre délit : de s’aimer ?" "En 1981, l’obligation pour les étrangers d’obtenir l’autorisation du préfet pour pouvoir se marier a été supprimée. Mais, relève Nicolas Ferran, cette autorisation est de fait rétablie : le procureur s’est simplement substitué au préfet."

Source : Le Monde - Laetitia Van Eeckhout

Bladi.net Google News Suivez bladi.net sur Google News

Bladi.net sur WhatsApp Suivez bladi.net sur WhatsApp

Sujets associés : France - Lois - Régularisation - Visa - Immigration - Mariage

Ces articles devraient vous intéresser :

Maroc : les salles de fêtes se plaignent de "l’absence" de mariages

Au Maroc, la fréquentation des salles de mariage a considérablement baissé cet été au point d’inquiéter plusieurs gérants.

Au Maroc, le parti au pouvoir dit niet au mariage homosexuel

Le parti Rassemblement national des Indépendants (RNI) présidé par Aziz Akhannouch, chef du gouvernement marocain, affiche son opposition au mariage homosexuel.

Couples non mariés et hôtels au Maroc : vers la fin des abus ?

Abdellatif Ouahbi, ministre de la Justice, lance un avertissement aux hôtels qui exigent des documents non autorisés notamment un certificat de mariage des couples marocains.

Des Marocains réduits à l’esclavage dans le Lot-et-Garonne

Vingt travailleurs marocains ont été exploités dans des conditions indignes par une agricultrice du Lot-et-Garonne. Attirés par la promesse d’un contrat de travail et d’une vie meilleure, ils ont déboursé 10 000 euros chacun pour rejoindre la France.

Ouverture exceptionnelle de la frontière entre le Maroc et l’Algérie

La frontière entre l’Algérie et le Maroc a été exceptionnellement ouverte cette semaine pour permettre de rapatrier le corps d’un jeune migrant marocain de 28 ans, décédé par noyade en Algérie.

France : les étrangers en règle désormais fichés

Un durcissement du traitement administratif des étrangers, même en règle, se dessine à Nantes. Une note interne de la police dévoile une procédure inédite qui fait grincer des dents.

Ce qui pourrait changer pour le mariage des MRE

Des modifications du Code de la famille marocain (Moudawana) sont envisagées. Sept propositions d’amendements, préalablement approuvées par le Conseil supérieur des oulémas, ont été présentées fin 2024 au Roi Mohammed VI par le ministre des Habous et...

Hôtels et couples non mariés au Maroc : une loi pour mettre fin aux refus ?

Suite à la controverse générée par l’obligation faite aux clients de certains hôtels de présenter un contrat de mariage, le groupe du Mouvement Populaire à la Chambre des représentants a proposé une loi visant à intégrer l’état civil sur la carte...

Maroc : mariage sur TikTok

Au Maroc, des experts alertent contre les effets néfastes du programme de mariage diffusé sur les réseaux sociaux, notamment Tiktok.

Hôtels au Maroc : la fin du certificat de mariage ne plaît pas à tout le monde

Au Maroc, la levée de l’exigence d’un certificat de mariage dans les hôtels est loin de faire l’unanimité. Alors que certains Marocains ont célébré cette évolution comme une étape vers plus de liberté personnelle et de vie privée, d’autres estiment que...