La main tendue du roi Mohammed VI à l’Algérie après la résolution du Conseil de sécurité de l’ONU sur le Sahara marocain relance le débat sur le coût économique du non-Maghreb. Depuis des décennies, la région se prive de plusieurs points de croissance et d’un véritable levier de souveraineté économique partagée.
Le Maghreb est l’une des régions les moins intégrées au monde avec un commerce intrarégional inférieur à 5 % des échanges totaux, selon le Département Afrique du FMI. En cause, la question du Sahara qui divise le Maroc et l’Algérie. Dans son discours prononcé suite à la résolution du Conseil de sécurité sur le Sahara en faveur du Maroc, le roi Mohammed VI a de nouveau tendu la main à l’Algérie pour mettre fin à cette crise politique qui dure depuis des décennies afin de penser développement. La création d’une union économique du Maghreb réunissant le Maroc, l’Algérie, la Tunisie, la Libye et la Mauritanie, favoriserait des échanges commerciaux plus fluides, des investissements mieux orientés et des gains de productivité au profit de la région, analyse Médias24.
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Depuis deux décennies, le non-Maghreb pénalise les États de la région. Selon la Banque africaine de développement (BAD), cette non-intégration crée un manque à gagner de 1 à 3 points de croissance par an. Des scénarios de la Banque mondiale montrent qu’une intégration « profonde », s’appuyant sur des réformes des services et du climat d’investissement, peut entrainer une hausse du PIB à plus de 30 % à l’horizon de dix ans. Les études de la Banque mondiale menées par Paloma Anós Casero et Ganesh Seshan sur la période 2005-2015, révèlent que l’approfondissement des échanges avec l’Union européenne élève le PIB réel par habitant d’environ 15 % en Algérie, 16 % au Maroc et 14 % en Tunisie. Avec une libéralisation complète des services et une amélioration du climat des affaires, les gains pourraient atteindre 34 % en Algérie, 27 % au Maroc et 24 % en Tunisie.
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Un bloc Maghreb arrimé à l’Union européenne avec réformes des services et du climat d’investissement donnerait un PIB réel par habitant d’environ 57 % en Algérie, 51 % au Maroc et 38 % en Tunisie par rapport au scénario de référence. D’autres recherches confirment ces perspectives. L’étude signée Bchir, Ben Hammouda, Oulmane et Sadni Jallab, intitulée « The Cost of Non-Maghreb : Achieving the Gains from Economic Integration », publiée en 2006 dans le Journal of Economic Integration, montre que les gains d’une intégration régionale entre les pays du Maghreb seraient énormes. La mise en place d’une zone de libre-échange entraînerait une augmentation de la production d’environ 350 millions de dollars.
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À l’évidence, une intégration du Maghreb aurait des retombées économiques considérables pour les pays de la région. « Au-delà du gaz et du pétrole algériens qui ne sont pas d’un intérêt stratégique central comme c’est souvent considéré par le pays fournisseur, l’intérêt économique du rapprochement repose sur la complémentarité structurelle des pays du Maghreb. L’Algérie et la Libye disposent d’un pouvoir d’achat et d’une demande potentielle supérieurs, capables d’absorber des biens et services marchands, tandis que le Maroc offre des capacités d’offre potentielles compétitives prêtes à servir cette demande à l’export ou localement en y investissant », confirme un économiste contacté par Médias24.
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Et de poursuivre : « Le Maroc est positionné pour capter les flux touristiques régionaux, à condition d’assouplir les frictions de mobilité et de paiements, car le multiplicateur du tourisme sur l’emploi et les devises est immédiat. Les entreprises marocaines d’ingénierie et de construction peuvent livrer des infrastructures dans la région à coût compétitif. Les services financiers marocains peuvent devenir un moteur d’intégration. La base de marché agrégée devient plus large et l’attractivité de l’IDE s’améliore pour l’ensemble, avec un effet d’entraînement qui part des plateformes logistiques et industrielles marocaines et s’étend à la région. »
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La paix régionale libérerait également d’importantes ressources budgétaires. « Les atouts sont nombreux et le potentiel élevé. Une désescalade budgétaire progressive sur les dépenses militaires créerait de l’épargne et des marges de manœuvre fiscales réorientables vers des investissements plus productifs et à meilleur rendement en faveur d’une intégration économique régionale bénéfique pour tous », conclut l’économiste. Une intégration qui, à long terme, pourrait aboutir à une convergence monétaire régionale.